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Nietzsche: La valeur d'une chose

Publié le 22/04/2005

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nietzsche
La valeur d'une chose réside parfois non dans ce qu'on gagne en l'obtenant, mais dans ce qu'on paye pour l'acquérir, - dans ce qu'elle coûte. Je cite un exemple. Les institutions libérales cessent d'être libérales aussitôt qu'elles sont acquises : il n'y a, dans la suite, rien de plus foncièrement nuisible à la liberté que les institutions libérales. On sait bien à quoi elles aboutissent : elles minent sourdement la volonté de puissance, elles sont le nivellement de la montagne et de la vallée érigé en morale, elles rendent petit, lâche et avide de plaisirs, - le triomphe des bêtes de troupeau les accompagne chaque fois. Libéralisme autrement dit abêtissement par troupeaux. (...) Qu'est-ce que la liberté? C'est avoir la volonté de répondre de soi. C'est maintenir les distances qui nous séparent. C'est être indifférent aux chagrins, aux duretés, aux privations, à la vie même. C'est être prêt à sacrifier les hommes à sa cause, sans faire exception de soi-même. Liberté signifie que les instincts joyeux de guerre et de victoire prédominent sur tous les autres instincts, par exemple sur ceux du bonheur. Nietzsche

DIRECTIONS DE RECHERCHE

 • Comment comprenez-vous que « les institutions libérales cessent d'être libérales aussitôt qu'elles sont acquises « ?  • Quelles relations pouvez-vous établir entre les mots ou expressions suivantes : « nivellement «, « lâche «, « avide de plaisirs «, « minent la volonté de puissance « et « distances «, « indifférent aux chagrins, aux duretés, aux privations, à la vie même «, « instincts joyeux de guerre et de victoire «.  • Est-ce que ce texte a une unité ? Si oui laquelle ?  • Quel est l'intérêt philosophique de ce texte ?

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« pour l'homme du troupeau, la liberté fait partie du système de valeurs qui constitue sa morale, morale inculquée parle troupeau à chacun de ses membres.

Le libéralisme devient « abêtissement par troupeaux » car l'homme ne peutexercer sa volonté de puissance, ce qui le ferait reconnaître de la masse des esclaves, et est obligé de rester auniveau honteux des autres.Une telle conception de la société est tout à l'opposé de celle que Rousseau expose dans le Contrat Social.

Onreconnaît souvent d'ailleurs que c'est là qu'ont été jetés les premiers fondements de la démocratie.

« L'homme estné libre », dit Rousseau », mais il est dans les fers ».

Pour Rousseau comme pour Nietzsche, c'est le désir de libertéqui inspire leur conception.

Mais tandis que Nietzsche considère que la liberté doit se conquérir sur l'esclavage, etque sa valeur est dans la lutte pour sa possession, Rousseau pense que la dignité de l'homme est dans sa liberté àchaque instant, dans la liberté instituée par la démocratie.

Dans une démocratie, la loi sera celle voulue par lamajorité, et ceci ne lèse pas les minorités, car l'unanimité a reconnu préalablement que la loi serait celle qui réuniraitle plus de suffrages.

De plus les minorités ne sont pas écrasées pour autant, elles peuvent s'exprimer, et peuventdevenir majorité à leur tour.

Ainsi la liberté d'expression, de jugement et de choix est préservée chez chacun, mêmede l'institution libérale et démocratique.Nietzsche continue en définissant ainsi la liberté .

« c'est avoir la volonté de répondre de soi.

C'est maintenir lesdistances qui nous séparent ».

L'homme libre est son propre maître, sait ce qu'il veut et où il va, donc est fortpuisque indépendant.

Il sait se garder des autres hommes.

Nietzsche ne mélange pas les esclaves et les Maîtres.Zarathoustra retourne sur la montagne avec son aigle et son serpent, accompagné de quelques disciples qui sontl'élite de la race humaine, car les hommes du commun n'ont pas su le comprendre, et restent enfermés dans leurpetite morale.

L'homme libre ne tient pas à la vie par-dessus tout, car pour lui la vie n'a de valeur que s'il peutexercer sa volonté de puissance.

Pour sa cause il peut se sacrifier, car une vie sans valeur ne vaut pas d'êtrevécue, ou sacrifier les autres, car il est indifférent à la pitié qui est une valeur morale chrétienne.

Ceux qui selaisseront sacrifier seront d'ailleurs des faibles dont la vie n'a pas d'importance.

« Liberté signifie que les instinctsjoyeux de guerre et de victoire prédominent sur tous les autres instincts, par exemple sur ceux du « bonheur ».Nietzsche emploie le mot instinct et surtout pas le mot « idée ».

Ou nous retrouvons là l'opposition qu'il a établiedans La naissance de la tragédie, entre Apollon et Dionysos. APOLLON ET DIONYSOS A.

Le rêve et l'ivressePour bien caractériser l'opposition entre les deux états d'esprit, Nietzsche leur donne des noms de dieux : Apollonreprésente les arts plastiques (peinture, sculpture et architecture) et Dionysos représente les autres arts (poésieet, surtout, musique).

On peut les décrire par deux états de perte de la conscience, à savoir le rêve pour Apollon etl'ivresse pour Dionysos.

Dans l'illusion du rêve, la réalité du rêve est convaincante mais laisse cependant l'impressionde n'être qu'une apparence.

Comme le philosophe se plaît à voir dans la réalité sensible une apparence qui cacheune autre réalité, l'artiste apollinien voit dans la réalité du rêve également une apparence.À l'opposé du rêve, l'ivresse brise le principe d'individuation — à savoir ce qui fait que le sujet se perçoit comme unêtre unique, identique à soi — et fait perdre au sujet la maîtrise de soi ; celui-ci renoue alors avec la nature et sesimpulsions originaires.

« L' homme n' est plus artiste, il est devenu oeuvre d'art » (chap.

1, p.

30).L'artiste apollinien imite le rêve, l'artiste dionysiaque imite l'ivresse, la tragédie imite les deux à la fois.

L'ivresse desGrecs n'avait rien à voir avec les orgies barbares : ils se protégeaient du débordement (hubris) par la mesureapollinienne.

Les fêtes de Dionysos étaient des phénomènes d'art.

Mais ce fut un choc pour les Grecs de découvrirla division de l'être entre la nature et l'esprit, dans l'expérience de la musique dionysiaque (chap.

2). B.

L'apollinismeL'antique légende du roi Midas rapporte que le bien suprême pour l'homme serait de ne pas être né et que le seconddes biens, c'est de mourir bientôt.

« Le Grec connaissait et ressentait les terreurs et les atrocités de l'existence : etpour qu'en somme la vie lui fût possible, il fallait qu'il interposât, entre elles et lui, ces enfants éblouissants du rêveque sont les Olympiens » (p.

36).

L'horreur de l'existence est voilée par la médiation artistique.

Homère, « l'artistenaïf », en créant des héros et des dieux pleins de vie, a permis aux Grecs de se voir non pas souffrants, mais beauxet volontaires (chap.

3).L'illusion apollinienne est un mirage sublime.

Apollon donne la beauté aux formes, donne le sens aux rêves, confère àl'individu le sentiment de son unité.

La musique dionysiaque vient renverser ces valeurs en révélant la démesure dela nature (chap.

4). Nietzsche privilégie absolument Dionysos, dieu des instincts, de la danse, de la musique, de l'ivresse, contre Apollon,dieu de la sagesse, des idées.

Liberté ne veut pas dire obéir à un idéal, à une morale, mais laisser s'épanouir sesinstincts de volonté de puissance, ces instincts « de guerre et de victoire » que Nietzsche qualifie de joyeux,puisque libres, et qui prédominent sur tous, donc sur ceux du « bonheur ».

Nietzsche met lui-même l'expressionentre guillemets afin de montrer qu'il s'agit d'un faux bonheur, du bonheur du troupeau, le vrai bonheur reposantdans la guerre, la conquête, la victoire.Une telle définition de la liberté ne peut surprendre chez Nietzsche pour qui le bonheur et la liberté sont dans lalutte vers « le sommet de la montagne », au prix de l'écrasement des faibles, des esclaves, du troupeau.

Camusreprend dans la dernière phrase du Mythe de Sisyphe cette même notion du bonheur dans la lutte et l'effort : « lalutte vers les sommets suffit à emplir un coeur d'homme.

Il faut donc imaginer Sisyphe heureux ».

Mais pour Camuscette lutte vers les sommets, sans cesse recommencée, n'implique pas du tout l'écrasement des faibles, ou laprédominance des instincts de guerre et de victoire sur ceux de « bonheur ».

Pour Camus, le sommet est aucontraire l'épanouissement de la liberté de chacun dans l'égalité et dans la paix.

Il n'est pas besoin de conquérir saliberté sur celle des autres Camus montre d'ailleurs dans L'homme révolté qu'une telle conception de la liberté mène. »

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