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Petit abécédaire pascalien (suite)

Publié le 11/09/2006

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Pessimisme : Pascal propose une vision pessimiste de l’Homme. Quelle que soit sa condition sociale, l’Homme est misérable. Il est incapable d’atteindre la vérité et cède facilement à la concupiscence que lui dictent son esprit (curiosité intellectuelle vaine) ou ses penchants corporels. La domination de l’Homme par l’Homme est aussi le signe manifeste de cette misère et l’incapacité de vivre sans divertissement achève de dresser un tableau pessimiste de la condition humaine. Toutefois, Pascal atténue cette vision négative en montrant qu’on peut prendre conscience par la pensée de cette misère et nous rendre ainsi différent des autres créatures, entre autre par la connaissance de soi. f 105 « la grandeur de l’homme est grande en ce qu’il se connait misérable ; un arbre ne se connait pas misérable. « Peuple : Pour Pascal, le peuple ne se définit pas seulement par l’absence de privilèges à la naissance (différence avec la noblesse) mais surtout par son ignorance. Le peuple a une façon de raisonner qui lui est propre et ses opinions sont saines dans la mesure où il accepte d’être gouverné, ce qui permet de maintenir l’ordre social et d’éviter l’anarchie. Toutefois, le Peuple se trompe quand il croit devoir obéir aux Princes parce qu’ils sont d’un rang supérieur. Il est là victime de l’imagination, puissance trompeuse. Le Peuple a un avantage, c’est d’être moins à plaindre que les nantis qui sont esclaves de leurs divertissements : il a aussi beaucoup moins à perdre et c’est un devoir pour un chrétien parfait de l’informer sur la nature véritable du pouvoir qui l’exploite. Voir f 93. Philosophes : On pourrait penser que la connaissance qui est en principe le domaine des philosophes (philosophie=amour de la sagesse) place ces derniers au dessus de la misère humaine. Pour Pascal, il n’en est rien. Comme pour les rois, le privilège du savoir (qui n’est le plus souvent qu’une vanité) expose les philosophes à l’illusion de la vérité et au besoin du divertissement. Première nature : Nature de l’homme avant la désobéissance à Dieu qui avait placé Adam et Ève dans le paradis terrestre puis les a chassés. Depuis cette faute originelle, l’homme a été placé dans une seconde nature dont il ne pourra échapper qu’en se rachetant en suivant l’exemple du Christ, fils de Dieu. Cette référence à la Bible est un argument incontournable de la pensée pascalienne. Puissances trompeuses : L’imagination, la force et les sens constituent les puissances trompeuses. De toutes, l’imagination est la plus répandue. Pyramide pascalienne : Pascal organise la société selon une hiérarchie particulière qui fait appel non aux classifications sociales, mais au degré de connaissance et de foi des    groupes d’individus. À la base de la pyramide on trouve le peuple maintenu dans l’ignorance et « aveuglé « par les puissants qu’il honore. Puis viennent les demi-savants qui croient tout savoir parce qu’ils sont moins ignorants que le peuple et considèrent ce dernier avec mépris. Puis on trouve les vrais savants qui disposent de la connaissance et ne se laissent guider que par la raison. Plus on s’approche du sommet de la pyramide, plus les références à la foi sont apparentes : il en est ainsi des dévots qui, outre la connaissance rationnelle, ont l’avantage d’avoir la foi, une foi qu’ils refusent de partager avec le peuple, jugeant celui-ci trop superstitieux. Enfin, au sommet de la pyramide, Pascal situe les Chrétiens parfaits, éclairés par Dieu et ouverts au peuple par esprit de charité. La pensée de derrière (voir cette notion) leur permet cette générosité. Pyrrhoniens : Disciples du philosophe Pyrrhon qui pratiquent un scepticisme (voir ce mot) absolu.    nécessairement européen et chrétien… Les progrès scientifiques et technologiques en matière de navigation sont venus battre en brèche ce dogmatisme et l’on entre à partir du XVIème s. dans l’ère du relativisme (voir La Controverse de Valladolid) : l’humanité est multiple et changeante dans le temps et dans l’espace. Si Pascal ne remet pas en cause la supériorité de la religion chrétienne, en revanche il fait progresser les idées dans le sens du relativisme : l’Homme n’est ni misérable dans l’absolu, ni grand dans l’absolu. Il est tout à la fois grand et misérable. Tout est donc « relatif « d’autant que l’humeur de l’Homme est instable, tout comme ses lois et coutumes. Repos :    Q comme  Quatre laquais :    « Il a quatre laquais « (f 17) et moi je n’en ai qu’un, ou deux, ou pas du tout. Je dois donc lui céder la place et me laisser impressionner par cette supériorité vaniteuse qui lui permet d’en imposer à autrui. Ce rapport de soumission puyise ses sources dans l’imagination (voire la force), puissance trompeuse.    D’après Pascal, le repos est insupportable à l’homme, ainsi que tout état qui s’en approche (la solitude, les choses acquises sans effort…) D’où lui vient ce désir frénétique de s’occuper, de se divertir, de s’entourer de compagnie pour éviter de tomber dans une situation qui l’oblige à penser à lui-même et à sa misérable condition. Le repos, c’est aussi le vague souvenir de cette perfection qui caractérisait l’homme avant la chute. Il sait donc, par un instinct secret (voir ce mot), que cet état de repos qu’il fuit est pourtant celui qui le rapproche de sa grandeur passée. Révoltes : Ayant vécu au temps de « la Fronde «, cette révolte d’une partie de la noblesse à l’encontre du pouvoir royal, Pascal considère que les révoltes ne mènent à rien et sont avant tout destructrice et déstabilisantes pour l’ordre établi. L’idéal serait d’éradiquer les causes de soulèvements, populaires ou non. Faute de cela, autant garder le système en place qui, grâce à la succession au sein d’une dynastie unique, évite les rivalités pour la conquête du pouvoir et par la même fait reculer la menace des guerres civiles. Roi dépossédé : Dans le fragment 108, Pascal compare le sort de Persée qui était roi à vie à celui de Paul-Emile qui n’était que consul pour une durée de deux ans. Envier Persée serait trompeur car la tâche d’un gouvernant n’est qu’une succession de tracas et d’ailleurs, ce sont les rois qui ont le plus besoin de divertissements. Le plus à plaindre est le monarque à vie car il représente la condition de l’Homme sur terre : il est roi (grandeur de l’homme) mais dépossédé à vie de ce qui constituait son premier bonheur (le paradis terrestre). Nous sommes donc tous des rois dépossédés. Roseau pensant : C’est une des images les plus célèbres de Pascal pour caractériser l’homme dans ses contradictions (ses contrariétés) « l’homme est un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant « (f 186). De cette formule au final élogieuse pour l’homme, Pascal en tire la    R comme  Raison : Alors que Descartes fait une confiance absolue dans la raison et le rationalisme, Pascal considère que cette faculté ne peut nous conduire seule à la vérité. Déjà, elle est bien souvent détrônée par l’imagination (voir ce mot) qui règne en « maîtresse d’erreur et de fausseté «, ensuite elle reste limitée dans la recherche de la vérité si on ne lui associe pas tout ce qui est de l’ordre de la charité, de l’intuition et de l’esprit de finesse (voir ce mot). Raison des effets : Titre de la liasse V dans laquelle Pascal recherche les causes de la misère humaine. Dans l’organisation sociale, la première cause est le maintien des inégalités sociales par le seul moyen de la force et de l’imagination, puissance trompeuse grâce à laquelle le riche s’impose et réduit le pauvre à l’impuissance. L’absence d’une fraie justice, remplacée par la force confirme cette misère humaine. Enfin la concupiscence (voir ce mot) confirme ce tableau médiocre de la condition humaine. Relativisme : Conception qui consiste à refuser toute idée d’ « absolu «. Jusqu’aux grandes découvertes, notamment celle de l’Amérique, on pensait qu’il n’existait qu’un seul Homme dans l’absolu et que celui-ci était    leçon et considère que nous n’avons rien à faire d’autre qu’à « travailler à bien penser «    S comme  Savoir : La recherche de la supériorité intellectuelle est une des formes de la vanité. Le savoir et la curiosité intellectuelle sont le plus souvent vains car ils n’apportent que l’illusion de la vérité et non la vérité ellemême. Cette vanité de la connaissance est représentée dans les tableaux de l’époque par des natures mortes allégoriques qui mettent en valeur les instruments de ce savoir superficiel : compas, globe terrestre, livre…    mot) car, selon Pascal, l’homme par ses seules capacités ne peut échapper à sa misère. Il lui faut recourir à la foi, les lois et la justice humaine se révélant inefficaces et artificielles.    U comme  Univers : Peut s’entendre au sens de l’infiniment grand (voir : deux infinis) mais aussi plus généralement de la nature à l’exclusion de l’homme puisque Pascal défend une vision anthropocentrique qui place l’homme dans une position de supériorité qu’il acquiert par la pensée. D’un côté, l’homme n’est qu’un point perdu dans l’infini de l’espace (comme il l’est dans l’éternité) ; d’un autre, il a l’avantage sur l’univers de savoir qu’il est misérable et mortel. « Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue puisqu’il sait qu’il meurt et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. « (f 186)    T comme  Temps : Le temps conditionne la vanité humaine dans la mesure où l’homme cherche pendant toute la durée de son existence les considérations, les honneurs, faute de quoi il aura le sentiment d’avoir « raté sa vie «. Mais Pascal constate que l’homme « perd son temps « à projeter son bonheur dans l’avenir, au lieu de tirer parti du moment présent. «Nous ne tenons jamais au temps présent« (f 43)… Par ailleurs, la durée de vie humaine est dérisoire quand on la compare à l’éternité. Cette fragilité humaine ne peut que nous effrayer et nous faire comprendre l’étendue de notre misère. (f 64) Théologie : Théologien / Qui étudie les religions et plus particulièrement, dans l’Europe de cette époque, la religion chrétienne. Pascal peut-il passer pour théologien ? Oui et non. Son apologie de la religion chrétienne tend à faire de lui un théologien mais un théologien qui garderait sa liberté de pensée. Pascal n’est pas un réformateur, contrairement aux théoriciens du Protestantisme (Luther, Calvin). Toutefois, il adhère à la conception janséniste (voir ce mot) qui s’oppose à la majorité jésuite de l’église catholique qui est aussi dans la France de cette époque religion d’état. Pascal serait plutôt un moraliste chrétien qui met sa rigueur scientifique au service de la foi chrétienne pour mieux convaincre ses amis libertins. Les liasses au programme n’abordent pas directement la question de Dieu, mais restent centrées, à la manière d’un traité d’anthropologie, sur l’Homme et la condition humaine. Toutefois dans les Provinciales, Pascal mène une réflexion à caractère plus spécifiquement théologique puisqu’il polémique sur la question de la Grâce divine (voir ce mot) Trognes armées :    V comme  Vanité : Thème typique des moralistes chrétiens, la vanité fait l’objet de la première liasse au programme des Pensées de Pascal. La vanité est un défaut inscrit dans la nature humaine et elle se présente sous divers visages : en premier, la recherche de la supériorité sociale qui se double d’une recherche vaine de la supériorité intellectuelle. Elle se manifeste aussi par l’incapacité humaine à maîtriser le temps et à prendre conscience du caractère inéluctable de la mort. Les coutumes et les règles sociales favorisent l’expression de la vanité, quand le roi en impose à ses sujets ou quand le plus haut placé socialement domine le peuple, qui a l’avantage d’être moins vaniteux. Personne n’est exempt de cette sujétion qui est déjà présentée comme un péché capital par la religion chrétienne. On peut toutefois se corriger par la connaissance de soi et l’espoir qu’on met en Dieu.    Scepticisme : Conception philosophique venue de l’antiquité, reprise fréquemment par les humanistes de la Renaissance, qui consiste à mettre en doute tout ce qui peut apparaitre comme une certitude. Pour Pascal, le Sceptique (ou Pyrrhonien) commet l’erreur de se fier à la nature qui a fait de l’homme un être instable et indécis suite au péché originel. Cette nature aveugle le Sceptique qui en affichant outrancièrement le doute en toute chose méconnait la part de grandeur en l’homme « l’homme passe infiniment l’homme « (f 122) et se fie à une « nature imbécile « (id) Seconde nature : Voir Nature, Première nature… Songe : Dans le fragment 122 qui est entièrement rédigé, Pascal envisage un raisonnement par analogie : et si la vie n’était qu’un rêve nocturne et que le réveil corresponde à la mort ? On est bien persuadé de la réalité de nos rêves alors que le réveil nous prouve bien qu’il ne s’agissait que d’illusions. Relire le 2ème § du fragment 122. Souverain bien : Expression qui peut être tenue comme synonyme de bonheur. Atteindre le souverain bien se révèle impossible car les hommes sont trop divisés quand il s’agit de définir un idéal de bonheur. (voir ce mot) Stoïcisme : Courant philosophique issu de l’antiquité, représenté essentiellement par Épictète et que le lieu commun résume souvent par l’endurance à la souffrance. Montaigne a rendu célèbre cette conception et l’a exprimée par cette formule « Que philosopher, c’est apprendre à mourir. « Pascal reproche aux Stoïciens de surévaluer les pouvoirs de l’homme : en effet, s’il se croit capable de pouvoir trouver le bonheur par ses propres moyens, lois et principes, il pense peut-être ainsi « apprivoiser « souffrance et malheur voire les éradiquer ! C’est une forme de prétention, plus précisément une « concupiscence de la domination «, celle de l’homme qui se croit supérieur à Dieu (voir ce    Ne pas prendre conscience du caractère éphémère de la vie est une des formes de la vanité.    Vertige : Expression hyperbolique péjorative utilisée par Pascal pour caricaturer les troupes qui encadrent le roi et le protègent dans ses déplacements. Le procédé utilisé par les rois pour impressionner leurs sujets relève ici davantage de la force que de l’imagination (voir ces notions) : « ils se sont accompagnés de gardes, de balourds. Ces trognes armées qui n’ont de mains et de force que pour eux (eux=les rois) « (f 41). Tyrannie : Désir de domination universelle. C’est une des manifestations les plus flagrantes de la misère de l’homme et elle est souvent une dérive dangereuse des régimes monarchiques. La tyrannie masque le plus souvent son vrai visage en dissimulant sa force sous le masque de la beauté et de la sympathie. (voir f 54)  « Le plus grand philosophe du monde sur une planche plus large qu’il ne faut, s’il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra. « (f 41) … Heureusement pour lui, le peintre de la Tour Eiffel n’est pas le plus grand philosophe du monde !    Vrai savant : Supérieur au demi-savant mais moins éclairé que le dévot qui compense l’excès de rationalité par les qualités du Cœur, le vrai savant se laisse exclusivement guider par la raison. Mais ni le vrai savant, ni le dévot ne disposent de cette lucidité particulière que leur permet, privilège du chrétien parfait, la pensée de derrière.

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