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Peut-on être l'historien de son temps ?

Publié le 11/03/2004

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temps
De plus, il connaît ce qu'il se passe dans sa totalité et n'a pas qu'une vision restreinte des événements. Il accès à la continuité des événements. On ne peut avoir de recul sur ce qui se passe dans notre présent L'historien n'est ni un journaliste, ni un chroniqueur, ni même un simple narrateur. Il ne s'agit pas pour faire de l'histoire de décrire ou de relever des faits dans leur déroulement actuel, comme il ne s'agit pas de recenser leur chronicité. L'historien doit mettre à distance de l'histoire, du passé pour pouvoir l'observer et l'analyser. Il est, en effet, impossible d'analyser son objet quand on y participe encore. Le rôle de l'historien est donc de déchiffrer, d'expliquer et de comprendre le passé. C'est pour cela qu'il prend des distances par rapport à son objet et ne peut dès lors connaître son propre temps. Dans ses leçons sur la philosophie de l'histoire, Hegel affirme que l'historien ne fait pas que rapporter les événements, en être témoin. Il insiste sur l'insuffisance de l' "histoire originale", c'est-à-dire de la simple chronique événementielle établie par le témoin direct des événements.


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« appréciées subjectivement par l'historien? On connaît la boutade de Valéry .

La découverte des propriétés fébrifuges de l'écorce de quinquina au XVII ième serait plus importante que tel traité signé par Louis XIV parce lesconséquences de ce traité sont aujourd'hui effacées tandis que « les régions paludéennes du globe sont de plus en plus visitées… et que la quinine fut peut-être indispensable à la prospection et à l'occupation de toute la terre quiest à mes yeux le fait dominant de notre siècle » (« Variété IV »).

Ce qu'il faut retenir de la boutade de Valéry , c'est qu'il n'y a pas en histoire de signification absolument « objective » d'un fait et que c'est en fonction duprésent que nous donnons à tel ou tel fait passé une signification et une valeur.

Nous autres, hommes du XX ième,nous sommes surtout attentifs dans le passé aux faits économiques, tandis que par exemple les chroniqueurs dumoyen âge voyaient d'abord les faits religieux (le récit du moindre « miracle » était pour eux essentiel).

Aucun historien, prétend-on communément aujourd'hui, ne peut échapper à sa subjectivité.

Michelet , pour écrire son « Histoire de France », voulait oublier l'époque contemporaine, s'interdisait de lire le journal, s'enfermait toute la journée aux Archives.

Cela ne l'a pas empêché d'écrire une histoire à la fois jacobine et romantique, une « épopée lyrique » de la France.

Il a projeté dans son œuvre des valeurs sentimentales, des partialités politiques, si bien qu'on a pu dire que « l'histoire de France de Michelet nous apprend plus de choses sur Michelet lui-même que sur la France » ! Raymond Aron a bien mis en lumière la subjectivité de la connaissance historique.

Pour lui, la réalité historique est « équivoque et inépuisable ».

Valéry dit que l'histoire « justifie ce que l'on veut ».

Dans sa richesse hétéroclite, il y a toujours de quoi justifier n'importe quelle position a priori de l'historien.

L'historien se projette dansl'histoire avec ses valeurs et ses passions.

Il ne saurait survoler l'histoire, la constituer du point de vue de Sirius, caril est homme lui-même, il vit dans l'histoire, il appartient à une époque, à un pays, à une classe sociale.

Il est lui-même prisonnier du cours de l'histoire.

L'histoire science (l' « Historie » disent les Allemands) est un acte de l'historien et cet acte lui-même un événement historique, il appartient à la réalité historique (« Geschichte »).

C'est pourquoi toute science historique, elle-même moment de l'histoire, serait condamnée à une relativité, à unesubjectivité irrémédiable : « La conscience de l'histoire est une conscience dans l'histoire. » Ceci exclut toute possibilité de tirer de l'histoire des « leçons ».

Car l'historien ne tire pas sa philosophie ou sa morale de ses connaissances historiques.

Tout au contraire il constitue sa vision de l'histoire à partir deperspectives philosophiques, morales politiques qui la précèdent et se projettent en elle.

Il en est de l'histoirecomme de la mémoire individuelle ; c'est à partir des « visées », des projets présents –dirigés vers l'avenir- que les individus et les peuples reconstituent leur passé.

L'histoire subjective serait donc inévitable- et par là même, osaientdire les historiens allemands au temps du nazisme, légitime.

« Chaque génération se forme sa propre conception historique selon ses nécessités nationales. » Cet antirationalisme, d'ailleurs, est lui-même un fait historique.

Il reflète l'époque troublée qui est la nôtre.

LeXIX ième pouvait se permettre un idéal d'objectivité parce que, malgré la révolution de 1848 et la guerre de 1870,ce fut un siècle relativement stable.

Comme l'écrit P.

H.

Simon : « Entre le canon de Waterloo et celui de Charleroi, l'Europe a connu 99 ans de paix relative. » Au contraire, notre siècle est beaucoup trop historique pour se permettre d'être objectivement historien.

Le mot histoire aurait communément évoqué, il y a cent ans, dans un testassociatif, les mots archives, documents, bibliothèque, tandis que pour nous il évoquerait : révolution, torture,bombes atomiques.

On comprend dès lors que Marrou puisse écrire : « L'histoire est la réponse… à une question que pose au passé mystérieux la curiosité, l'inquiétude, certains diront l'angoisse existentielle. » Mais sans vouloir minimiser cette découverte contemporaine de la subjectivité historique, il nous reste àl'interpréter.

Loin d'en tirer parti pour rejeter l'idéal d'objectivité rationnelle formulé (en termes peut-être tropétroits) par Langlois et Seignobos , nous la mettrions volontiers au service de l'idéal rationaliste.

La prise de conscience des difficultés extrêmes de l'objectivité en histoire est pour l'historien une invitation à redoubler deprécautions, une mise en garde contre lui-même.

La prise de conscience de la subjectivité peut alors êtreconsidérée comme un moment dans la conquête de l'objectivité.

Si Langlois & Seignobos n'ont pas soupçonné toutes les difficultés de la tâche, n'ont pas reconnu tous les pièges de l'irrationnel, nous ne dirons pas qu'ils furenttrop rationalistes mais qu'ils ne le furent pas assez.

Et si toute perspective historique (comme chacune desgéométries possibles) implique inévitablement un système de postulats, en « explicitant autant qu'il le peut ses postulats », l'historien accomplit un progrès vers la rigueur scientifique.

Comme Marrou l'a brillamment montré, la découverte de la subjectivité historique, bien loin de légitimer le truquage des matériaux de l'histoire, doit donner àl'historien le sentiment plus vif de sa responsabilité, et lui imposer l'honnêteté la plus stricte.

Ainsi, l'historien qui prend pour objet d'étude son époque, a sa disposition tous les documents qu'il lui faut et peutavoir une vision globale, non fragmentaire du temps qu'il étudie.

Pourtant, il doit faire attention de ne passimplement décrire son époque.

L'histoire n'est pas simple narration, elle est étude du passé, recherche de causalitédans les événements.

Dès lors, l'historien doit tenter autant que possible de s'extraire de son époque, de l'actualitépour regarder objectivement les faits.. »

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