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PEUT-ON VOULOIR L'IMPOSSIBLE ?

Publié le 16/03/2004

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Comme le déclare Epictète : « Ce n'est pas en satisfaisant nos désirs que l'on se fait libre, mais en détruisant les désirs. »On voit ici naître l'opposition entre le sujet et la fortune, ses désirs et le monde. En fait, il faut d'abord savoir faire la différence entre ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas, compter nos propres forces, et les mesurer à celles du monde qui nous fait face.Ce qui m'appartient en propre et sur quoi j'ai un pouvoir, c'est moi-même, mes désirs, mes pensées, l'initiative de mes actes.Par contre, les choses extérieures, ce qui prend pour moi la forme du hasard, l'action des autres, les conséquences de mes actes, tout cela échappe à mon contrôle, dépasse mon pouvoir.Or, aussi évident que cela paraisse, les hommes n'ont pas conscience de cette opposition. Comme le fait remarquer Descartes, nous ne désirons que ce qui nous semble possible. Seuls les fous, c'est-à-dire ceux dont la raison est égarée, voudraient avoir des corps de diamant ou des ailes pour voler. De même, je ne désire pas devenir roi du Mexique, parce que j'ai clairement conscience que cela est impossible. Par suite je ne souffre pas de ne pas pouvoir accéder à la royauté.

« Mais une question nouvelle apparaît : pendant que je détruis mon ancienne demeure, pour en reconstruire unenouvelle, où vais-je loger ?« Car ce n'est pas assez, avant de recommencer à rebâtir le logis où l'on demeure, que de l'abattre [...] il faut aussis'être pourvu de quelque autre où o puisse être logé commodément pendant le temps qu'on y travaillera.

»Pendant que le doute m'oblige à n'admettre aucun principe, comment vais-je vivre, et vivre au milieu des autres, surquels principes vais-je régler mes actes, moi qui rejette tous les principes ? Sur quels critères vais-je choisir d'agir,pendant que je doute de tout ? La démarche intellectuelle de Descartes l'oblige à être irrésolu en ses jugements, detout passer au crible du doute, mais « les actions de la vie ne souffrent aucun délai.

»« Ainsi, afin que je ne demeurasse point irrésolu en mes actions pendant que la raison m'obligerait de l'être en mesjugements, et que je ne laissasse pas de vivre dès lors aussi heureusement que je pourrais, je formais une moralepar provision.

»La morale par provision consiste à se donner des règles d'action, temporaires et révisables, pour vivre et agir defaçon décidée et résolue, alors même que le doute me contraint à ne rien admettre pour vrai.

On est là à unmoment très particulier de la démarche cartésienne ; un moment où le divorce est possible entre raison & action.

Cequi prime dans l'ordre de la connaissance c'est la vérité.

Et elle impose le doute, la patience, la circonspection.

Cequi prime dans l'action, c'est la résolution, c'est de savoir prendre partie s'y tenir face à l'urgence de la vie.

Lamorale par provision ne correspond qu'à un moment précis de la vie : celui où j'entreprends une réforme intellectuelletotale alors même qu'il me faut continuer à agir.Elle est nécessaire au moment où mes actes ne peuvent pas encore parfaitement correspondre à la vérité, et ceciparce que je cherche une vérité que je n'ai pas encore atteinte.

Les règles de la morale par provision ou « moraleprovisoire » sont donc par essence révisables, et Descartes récrira une morale une fois sa métaphysique et saphysique fondées.

Pour l'instant, il s'agit de se donner les maximes les plus prudentes et les plus aptes à m'assurerle contentement, alors même que je ne dispose d'aucun principe ferme pour guider mon action.

Si l'on reprend lamétaphore de Descartes, elles correspondent à cette maison dans laquelle j'habite temporairement, pendant que jereconstruis mon palais.La première maxime de Descartes recommande un conformisme extérieur : puisque rien ne me dit quelles moeurs ouquelle religion adopter en toute connaissance de cause, autant m'en tenir à celles de mon pays.

Ce conformismen'est que la façade et n'implique aucune adhésion intérieure.

La seconde maxime consiste en un usage ferme etconstant de la volonté ; une fois une décision prise, il ne faut pas en démordre.

Si je me perds en forêt, il me faudrabien choisir, fut-ce au hasard, une direction, et si je veux ne pas m'égarer complètement, m'y tenir.La troisième maxime est : « de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune et à changer mes désirs plutôtque l'ordre du monde ».

Descartes affirme que cette règle est aussi facile à comprendre que difficile à appliquer.

Enfait, il s'agit là d'une maxime d'inspiration stoïcienne, quasi directement recopiée d'Epictète, et qui nous invite à fairele départage entre :• d'une part ce qui dépend de nous, ce sur quoi nous avons un pouvoir ;• d'autre part ce qui ne dépend pas de nous, et dont nous devons nous exercer à ce qu'il ne nous touche enaucune façon. Le but que poursuivent les stoïciens, et Descartes ici, est de nous rendre les plus indépendants possibles des coupsdu sort, d'assurer au sujet la plus grande autonomie possible.

Or pour cela il faut NOUS vaincre, plutôt que de nousen prendre à la fortune (au mode, au hasard) et changer nos désirs plutôt que de sombrer dans l'illusion deremodeler le mode suivant nos projets.

Comme le déclare Epictète : « Ce n'est pas en satisfaisant nos désirs quel'on se fait libre, mais en détruisant les désirs.

»On voit ici naître l'opposition entre le sujet et la fortune, ses désirs et le monde.

En fait, il faut d'abord savoir faire ladifférence entre ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas, compter nos propres forces, et les mesurer àcelles du monde qui nous fait face.Ce qui m'appartient en propre et sur quoi j'ai un pouvoir, c'est moi-même, mes désirs, mes pensées, l'initiative demes actes.Par contre, les choses extérieures, ce qui prend pour moi la forme du hasard, l'action des autres, les conséquencesde mes actes, tout cela échappe à mon contrôle, dépasse mon pouvoir.Or, aussi évident que cela paraisse, les hommes n'ont pas conscience de cette opposition.

Comme le fait remarquerDescartes, nous ne désirons que ce qui nous semble possible.

Seuls les fous, c'est-à-dire ceux dont la raison estégarée, voudraient avoir des corps de diamant ou des ailes pour voler.

De même, je ne désire pas devenir roi duMexique, parce que j'ai clairement conscience que cela est impossible.

Par suite je ne souffre pas de ne pas pouvoiraccéder à la royauté.

Comment se fait-il alors que je désire être en bonne santé étant malade, ou libre étant enprison ? C'est que je continue à croire possible la santé et la liberté qui ne dépendent pas entièrement de moi.

Jesouffre donc inutilement, dans la mesure où je ne comprends pas que ce que je désire est en fait impossible et horsde mon pouvoir.C'est pourquoi Descartes déclare qu'il lui a fallu : « [s'] accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement ennotre pouvoir que nos pensées, en sorte qu'après que nous avons fait de notre mieux, touchant les choses qui noussont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est, au regard de nous, absolument impossible.

» Une fois que j'ai fait au mieux, par exemple, que j'ai adopté toutes les règles d'une vie saine, si mon objectif n'estpas atteint, la santé, je dois considérer qu'il n'était absolument pas possible de l'atteindre.

Cela n'était pas en monpouvoir.

Je ne suis pas responsable des conséquences non voulues ou non prévisibles de mes actes.

Cela relève del'intervention du hasard, ou des actions des autres, sur lesquels je n'ai aucune prise.

Il est donc vain de continuer àespérer, ou à me faire des reproches, cela est impossible pour moi.. »

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