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La philosophie change-t-elle le monde ?

Publié le 04/02/2004

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philosophie

Peut-on philosopher avec pour seul projet de trouver sa satisfaction dans l'élaboration d'un système, si « beau « ou cohérent soit-il ? Ne rencontre-t-on pas au contraire, chez tout philosophe, une intention d'ordre pratique, qui consiste à faire en sorte que sa réflexion soit utile et que, puisqu'elle prétend apporter une nouvelle compréhension des choses, elle soit aussi capable d'être appliquée et, donc, de changer les choses, c'est-à-dire, sinon le monde en totalité (on voit mal comment une philosophie pourrait modifier le parcours des planètes...), au moins sa conception, ou, plus sérieusement encore, les relations que les hommes entretiennent avec lui ? Mais la philosophie peut-elle changer le monde ? En est-elle authentiquement capable ? Car, pour changer le monde, encore faut-il posséder des moyens d'agir sur celui-ci : concernant la philosophie, quels pourraient donc être ces moyens ? Ne se présente-t-elle pas au contraire comme un domaine de pure réflexion, tellement abstrait qu'il semble dès le départ coupé de toute mise en pratique ?  

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« [III.

Que peut changer la philosophie ?] Le marxisme a changé des mentalités, il a invité à considérer autrement les injustices sociales, les inégalitésgénérées par la répartition des produits du travail.

De la sorte, il a agi comme les autres philosophies, entransformant les conceptions, les idées, en donnant une autre version de ce que sont ou peuvent être les hommes.Et ces transformations concernent aussi bien la mentalité des adeptes du marxisme que celle de ses ennemis,obligés de mettre au point de nouvelles théories, d'autres concepts, pour répondre aux critiques ou démontrer quele système de Marx est une monumentale « erreur ».Parallèlement, d'autres formes de pensée ont prouvé leur efficacité et ont transformé le monde : la science, lestechniques ont changé le quotidien de façon au moins aussi importante que les débats entre partisans et opposantsde la révolution prolétarienne.

L'évolution des transports, des communications, des loisirs s'est faite en obéissant àd'autres déterminations que les débats conceptuels entre philosophes.

Un peu comme, au Moyen Âge, la mise aupoint de l'attelage ou de la charrue s'est effectué sans se préoccuper des discussions entre maîtres de lascolastique...

Les philosophes ne se font-ils donc pas d'énormes illusions lorsqu'ils ambitionnent de transformerréellement quoi que ce soit ? Y compris les plus matérialistes d'entre eux, finalement aussi incapables que les autresd'orienter l'histoire dans le sens qu'ils avaient prévu ?La science, les techniques disposent d'une efficacité réelle parce que la vérité qu'elles élaborent trouve sa propregarantie dans sa mise en application.

La démarche philosophique n'obéit pas aux mêmes critères.

Lorsque Hegeldéfinit la philosophie comme « l'oiseau du soir », lorsqu'il précise que cette chouette prend son envol après que leschoses sont accomplies, cela semble bien nous indiquer que les changements du monde ont lieu avant l'interventionde la philosophie: Ne peut-elle alors que les constater, en même temps que sa propre inefficacité ?La philosophie, loin de procéder à ce simple constat, propose — le terme peut être repris malgré la connotationnégative que lui attachait Marx — des interprétations.

Interpréter, c'est faire naître du sens, faire pénétrer un faitou un événement dans l'univers de la signification, qui n'existe que par et pour les hommes.

Le travail de laphilosophie concerne la conscience que l'être humain peut prendre de sa propre histoire et de ses résultats, c'est-à-dire de l'état de ses relations, aussi bien avec les autres qu'avec l'ensemble du réel.

Admettre que la philosophieinterprète et change avant tout les interprétations, c'est souligner combien le changement brut, tel qu'il a lieu, estpauvre aussi longtemps que la conscience ne l'a pas humanisé en indiquant sa signification possible.

Aucunesignification n'est sans doute définitive, et c'est pourquoi le travail d'interprétation est inachevable : tout conceptdemande à être repris, retravaillé, reconstruit. [Conclusion] Même si l'on admet que la philosophie, loin de changer le monde, n'en change que nos conceptions, une telledéfinition de sa tâche n'est pas restrictive : compris autrement, le monde appelle d'autres attitudes, de nouveauxactes, des réactions à inventer.

L'interprétation n'est pas le contraire de l'action qui change ; elle lui est en faitétroitement liée, parce qu'elle en ouvre les conditions de possibilité.

Ce n'est sans doute pas directement que laphilosophie peut prétendre changer le monde.

Mais, en son absence, le monde aurait moins de sens, et il nousdeviendrait étranger, tel que nous serions incapables de mettre au point les réactions adéquates à son égard.. »

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