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Le prince a-t-il un droit à l'injustice ?

Publié le 27/01/2004

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Il est donc nécessaire que le droit, garanti  par les lois, ne soit pas contredit par l'action du gouvernant lui-même. Le seul droit dont le prince dispose est celui que les lois permettent : le prince a bien plutôt le devoir de faire  appliquer ce droit de la façon la plus honnête possible. En fait, le prince n'est là que parce que les lois ne peuvent se défendre et s'appliquer par elles-mêmes et qu'il faut bien passer par l'intermédiaire d'un homme pour garantir leur application concrète. Le prince ne peut donc avoir un droit particulier qui modifierait son statut de citoyen par rapport à celui de ses sujets. Rousseau nous rappelle cela dans cet extrait de son ouvrage Discours sur l'économie politique. « Si les politiques étaient moins aveuglés par leur ambition, ils verraient combien il est impossible qu'aucun établissement quel qu'il soit, puisse marcher selon l'esprit de son institution, s'il n'est dirigé selon la loi du devoir ; ils sentiraient que le plus grand ressort de l'autorité publique est dans le coeur des citoyens, et que rien ne peut suppléer aux moeurs pour le maintien du gouvernement. Non seulement il n'y a que des gens de bien qui sachent administrer les lois, mais il n'y a dans le fond que d'honnêtes gens qui sachent leur obéir. » Si le devoir est au fond de la politique, le prince doit avant tout être un homme moral, qui s'assure que la justice instituée par les lois sera appliquée pour tous, y compris lui-même. L'injustice ne peut donc jamais être soutenue par le droit.   II/ Le prince doit parfois faire preuve d'injustice pour garantir son pouvoir               Ce modèle précédent que Rousseau défend est tout à fait justifiable si l'on s'avise d'établir ce qui doit être.
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« le droit, du moment que ce dernier finisse par s'établir.

Machiavel, dans Le prince , rappelle justement qu'un gouvernant doit avoir pour qualité de passer pour cruel lorsqu'il le faut, etceci afin d'épargner ses sujets : « Quand il s'agit de contenir ses sujets dansle devoir, on ne doit pas se mettre en peine du reproche de cruauté, d'autantqu'à la fin, le prince se trouvera avoir été plus humain en faisant un petitnombre d'exemples nécessaires, que ceux qui, par trop d'indulgence,encouragent les désordres qui entraînent avec eux le meurtre et lebrigandage.

Car ces tumultes bouleversent l'Etat, au lieu que les peinesinfligées par le prince ne portent que sur quelques particuliers.

» Au nommême de la sauvegarde du droit, il s'agit donc d'être parfois injuste, afin dene pas laisser se développer des révoltes qui détruiraient la cohésion sociale.Si la légitimité d'un prince se fonde sur le maintien du pouvoir, pour garantir lastabilité de l'Etat, le prince doit être craint dans la mesure où cette craintes'impose pour le bienfait de tous et permet d'éviter les guerres civiles. En 1513, Machiavel , diplomate originaire de Florence, achève la rédaction du « Prince ». Suite à un bouleversement politique à Florence, il avait été contraint d'abandonner ses fonctionset de se retirer.

Il profita de cet exil pour rédiger une sorte de traité expliquant à un chef politique lafaçon de sauvegarder son pouvoir et même d'accéder à la gloire. L'idée d'un tel ouvrage, constitué par des conseils adressés à un prince, n'était pas neuve en elle-même.

Il existait déjà de nombreux « miroirs des princes » et Machiavel s'insère donc dans une tradition.

Mais il rompit avec l'usage et provoqua le scandale par la manière dont il aborda leproblème.

On vit en lui une nouvelle incarnation de Satan et, aujourd'hui encore, quelquescommentateurs continuent de le considérer comme un « apôtre du mal ». Le discours humaniste du temps, que récuse Machiavel , s'inspirait des moralistes latins et notamment de Cicéron .

Pour ce dernier et ceux qui se rattachaient à sa pensée au XV ième, la gloire du chef reposait sur une bonne gestion allant de pair avec une conduite vertueuse, cadconforme aux exigences de la morale. Machiavel s'inscrit en faux contre cette thèse.

Le souci premier du Prince doit être de conserver son pouvoir et même de l'accroître à l'occasion.

Si les hommes étaient bons, il pourrait le faire sans jamais s'écarter des grands principes moraux universellement admis.

Mais leshommes sont pour la plupart méchants quand on ne les force pas à être bons.

En conséquence, le Prince sera vertueux, au sens courant du terme,si le contexte le permet, et il ne le sera pas si la situation le lui impose.

En cas de nécessité, il pourra faire des entorses aux grands principes.

Il luisera loisible d'agir contre la parole donnée, contre la charité, contre l'humanité (le respect de l'homme) et même contre la religion.

La fin justifie lesmoyens. Cette idée est exprimée en plusieurs endroits du « Prince » et de « Discours sur la première décade de Tite-Live », et, en particulier, dans le chapitre XV du « Prince » : « Car qui veut entièrement faire profession d'homme de bien, il ne peut éviter sa perte parmi tant d'autres qui ne sont pas bons.

Aussi est-il nécessaire au Prince qui se veut conserver qu'il apprenne à pouvoir n'être pas bon, et d'en user ou n'user pas selon lanécessité. ». Après avoir, dans les premières pages du « Prince », envisagé les différentes formes de gouvernement, Machiavel décide de centrer son propos sur la situation qui peut paraître la plus précaire, celle d'un prince nouveau et qui a été mis en place par une armée étrangère.

Quelsprincipes doit mettre en œuvre ce prince pour se conserver et pour conserver son pouvoir ? Le « Prince » tout entier se propose de répondre à cette question. Machiavel pense que l'on peut tirer des leçons de l'histoire.

En étudiant le comportement des grands hommes, en analysant les causes de leurs échecs ou de leurs succès, il est possible de dégager les principes sur lesquels pourra se fonder une action politique.

Sa conclusion estclaire : on ne fait pas de bonne politique avec de bons sentiments. Il n'est pas important pour le « Prince » d'être bon ou de ne pas l'être.

Celui-ci doit avoir la ruse du renard « pour connaître les filets » et la force du lion « pour faire peur aux loups ».

L'exemple à suivre est celui de l'empereur Sévère qui « fut un très féroce lion et un très astucieux renard ». « Il faut donc savoir qu'il y a deux manières de combattre, l'une par des lois, l'autre par la force ; la première forme est propre aux hommes, la seconde propre aux bêtes ; comme la première bien souvent ne suffit pas, il faut recourir à la seconde.

Ce pourquoi est nécessaire au Prince desavoir bien pratiquer la bête et l'homme. » La même idée que la fin justifie les moyens est exprimée dans les « Discours » : « Un esprit sage ne condamnera jamais quelqu'un pour avoir usé d'un moyen hors des règles ordinaires pour régler une monarchie ou pour fonder une république.

Ce qui est à désirer, c'est que si le faitl'accuse, le résultat l'excuse. » Ce réalisme, bien loin de la morale humaniste ou de la morale chrétienne, apparaît, à première vue, tout à fait dénué de machiavélisme. Dans son acception courante, ce terme évoque, en effet, des manœuvres tortueuses, le recours au secret.

Rien de tout cela ici, mais seulement unexposé lucide dans lequel il n'est pas toujours facile de percevoir la marge d'ironie.

Ce « machiavélisme » apparaît cependant dans les conseils complémentaires.

Le prince doit « savoir entrer dans le mal s'il y a nécessité », mais il veillera cependant à sauver sa réputation.

Il fera prendre les mesures impopulaires par quelqu'un d'autre, se réservant celles qui ont la faveur du peuple.

Il sera renard : « Mais il est besoin de savoir bien colorer cette nature, bien feindre et bien déguiser. » Machiavel ajoute que les hommes sont si simples et tant soumis aux nécessités du présent que celui qui trompe trouvera toujours quelqu'un prêt à se laisser tromper.

Il importe donc avant tout de préserver ce que l'on n ‘appelait pas. »

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