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En quoi le langage est-il le propre de l'homme ?

Publié le 02/02/2004

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En même temps, l'existence politique, qui suppose la délibération en commun et la persuasion réciproque, la parole adressée en une langue partagée, n'est à la portée que du vivant parlant. Certes, des bêtes peuvent trouver le moyen de signaler par des sons leurs sensations douloureuses ou agréables. Mais, souligne Aristote, seuls les hommes, ces vivants qui contrairement aux autres se tiennent droit, regardent devant eux et émettent leur voix vers le devant, sont en mesure de se manifester mutuellement « l'avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l'injuste ». Ce qui est proprement user de langage. On pourrait être tenté d'objecter à Aristote, d'une part qu'il est douteux que tous les hommes soient comme il le prétend « doués de langage » : le « logos » ne fait-il pas défaut aux sourds-muets de naissance, aux fous ? Et d'autre part que d'autres êtres vivants que l'homme, peut être, communiquent par le moyen de signes. Commençons par la première objection. « Pas de langage sans voix », écrit Benvéniste. Pourtant nous pouvons parler par gestes ; Descartes avait déjà observé que « les muets se servent de signes en même façon que nous de la voix », de telle sorte qu'ils parviennent non seulement à communiquer entre eux, mais encore à se faire comprendre de « ceux qui étant ordinairement avec eux ont loisir d'apprendre leur langue » (« Discours de la méthode », V). Ne pourrait-on en revanche refuser le logos aux fous, comme si « perdre la raison » revenait aussi à être arraché à sa langue ?

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« ni à l'imbécile ni au fou : « c'est une chose bien remarquable , résumait Descartes , qu'il n'y a point d'hommes si hébétés et si stupides, sans en excepter mêmes les insensés qu'ils ne soientcapables d'arranger ensemble diverses paroles, et d'en composer un discourspar lequel ils fassent entendre leurs pensées ». Au contraire, souligne aussitôt, et par contraste, le « Discours de la méthode », « il n'y a point d'autre animal » qui fasse de même.

Le philosophe exclut donc fermement la possibilité que des bêtes aient accès au langage.Certes, note-t-il, on peut bien dresser un perroquet ou une pie à crier« bonjour » à l'arrivée de son propriétaire.

Néanmoins, cela ne prouverait pas que le volatile témoigne véritablement par là qu'il souhaite le bonjour àl'arrivant.

Habituée à ce qu'on la récompense de quelques friandises lorsqu'elle« dit » bonjour, la bête ne proférera ces sons, comme par un réflexe conditionné, que dans l'espoir de manger bientôt.

Elle ne souhaite pas lebonjour mais signale sa faim.

Il n'est donc pas vrai que les bêtes parlent,puisqu'il ne s'en est jamais trouvé une qui usât de signes pour exprimer autrechose que sa joie ou sa douleur, son espérance ou sa crainte.

Les prétenduesparoles des bêtes n'en sont pas, puisqu'elles n'ont de rapport qu'à leurspassions.

De ce fait elles ne témoignent pas que les bêtes pensent, encoremoins qu'elles pensent ce qu'elles disent.

Exprimer ce que l'on ressent n'estpas encore parler, le langage supposant la pensée outre le sentiment.

« On ne doit pas confondre les paroles avec les mouvements naturels quitémoignent les passions ».

Or les sons proférés par les bêtes entrent tous dans cette dernière catégorie, pour autant qu'on n'ait « point encore observé » qu'aucun animal nous ait marqué par la voix ou les mouvements de son corps « quelque chose qui pût se rapporter à la pure pensée plutôt qu'à un mouvement naturel ». On peut ne pas se satisfaire tout à fait de cette démonstration cartésienne de l'extériorité radicale des bêtes par rapport au langage.

Les bêtes ne peuvent parler puisqu'elles ne pensent pas ; l'indice le plus probant de ce queles bêtes ne pensent pas, c'est qu'elles ne parlent pas : il y a là au moins les apparences de cette faute que leslogiciens nomment cercle...

Remarquons toutefois que la linguistique (celle de Benveniste ) valide par d'autres voies les conclusions de Descartes .

Réfléchissant à partir des observations réalisées sur le mode de communication propre aux abeilles par Von Frisch , Benveniste en rappelle d'abord la teneur.

De retour à la ruche, une abeille qui effectue devant ses congénères une danse en cercle signale par là que de la nourriture se trouve à une faibledistance.

Relevant d'un symbolisme moins rudimentaire, une danse en huit accompagnée d'un frétillement continu del'abdomen indique quant à elle à quelle distance on doit chercher (plus la danse est lente, plus le butin est loin),mais aussi dans quelle direction s'envoler (l'axe du huit indique l'angle que le lieu de la découverte forme avec lesoleil).

Toutefois, six points de contraste au moins interdisent de considérer comme un langage ce mode decommunication animal.

Les deux premiers sont son caractère non phonique, et par voie de conséquence le fait quece symbolisme soit inopérant dans l'obscurité.

Mais comme on l'a déjà signalé, cela vaudrait aussi dans le cas dulangage des sourds-muets.

Plus décisive est la troisième remarque de Benvéniste : à savoir que le message de l'abeille exploratrice n'appelle pas de réponse, n'instaure pas de dialogue.

Au lieu que « nous nous parlons à d'autres qui parlent ».

Non seulement les abeilles ignorent le dialogue, mais leurs messages ne peuvent se référer qu'à une donnée objective.

Toujours la même au demeurant : la nourriture.

Cela contraste, relève Benveniste , avec « l'illimité des contenus du langage humain ».

Celui-ci, par ailleurs, voit s'entrelacer relation à l'objet et réaction au discours de l'autre.

Or chez les abeilles, il n'arrive pas qu'un message se rapporte à un autre message : on n'a pasobservé par exemple qu'une abeille aille répéter dans une autre ruche la danse à laquelle elle venait d'assister.Dernière remarque, la plus importante aux yeux du linguiste : le langage humain se laisse décomposer en un nombrefini d'éléments constitutifs, éléments de signification ou constituants sonores dont les combinaisons réglées peuventengendrer une infinités de messages.

Au contraire, « le message des abeilles ne se laisse pas analyser », c'est-à- dire décomposer en une série d'éléments formateurs, identifiables et distinctifs.

Le mode de communication employépar les abeilles ne serait donc « pas un langage, mais un code de signaux », tout entier inscrit dans le code génétique des insectes. Langue naturelle et codes de signaux On entend par langue naturelle le langage verbal, c'est-à-dire ce langage que seul l'homme est capable d'utiliser.C'est donc par abus de langage que l'on dira que les animaux possèdent un langage, que le corps a son langage,etc.

Dans tous ces cas, on a affaire à un code de signaux Quelles sont les spécificités du langage humain ? • Émile Benvéniste a comparé le langage verbal au « langage » des abeilles étudié par Karl von Frisch.

Il a établi lesdifférences suivantes :— le code de signaux des abeilles est gestuel.

Seul l'homme est capable d'articuler tous les sons différents qui composent les mots ;— le message des abeilles n'appelle aucune réponse ;— il ne permet pas de parler de lui-même.

Le langage humain quant à lui le peut.

(J'explique le sens d'un mot à l'aide. »

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