Devoir de Philosophie

En quoi mes opinions sont-elles miennes ?

Publié le 04/02/2004

Extrait du document

    Le sujet semble supposer dès le départ que mes opinions ne viennent pas intégralement de moi, que ce ne sont pas des pensées purement personnelles, mais que je peux me les approprier. Cette appropriation peut d’abord être vue comme une adoption, autrement dit, j’intègre sans la modifier l’idée que je reçois. Mais dans ce cas, il semble difficile de dire que cette idée soit strictement « mienne «. En effet, elle m’appartient comme m’appartiendrait un objet, mais pour que l’on puisse dire d’une pensée ou d’une idée qu’elle est « mienne «, il faut qu’elle porte une empreinte personnelle. La formulation du sujet nous invite donc à relever les caractéristiques qui font des opinions deviennent mes opinions.

            Autrement dit, se pose la question de savoir si l’appropriation d’une idée laisse des traces. Est-ce que l’opinion peut porter les marques de mon individualité et de ma personnalité ?

« [III.

L'opinion et le social] Il arrive qu'on me demande quelle est mon opinion sur tel ou tel problème, dans le cadre de ce qui est justement unsondage d'opinion.

La situation dans laquelle me place une telle enquête est un piège : si l'on me demande monopinion, n'est-ce pas parce qu'elle est bien « la mienne », ayant en tant que telle du prix ? En fait, elle n'aurad'intérêt que d'un point de vue statistique, c'est-à-dire par son intégration dans un grand nombre d'opinionssemblables : même si je le devine, cela ne m'empêche nullement de postuler sa singularité, ne serait-ce que dans 'lamesure où je sais que le sondage ne tient compte que d'opinions « moyennes » (ou d'une moyenne des opinions),par rapport auxquelles la « mienne » peut toujours prétendre à une relative marginalité.L'analyse des opinions dans une société – par sondage ou par d'autres méthodes plus fines – enseigne qu'elles sontrelatives aux différents groupes ou classes auxquels appartiennent les individus, soit d'origine, soit parce qu'ils y onteu accès.

Il existe une détermination, sans doute complexe, mais incontestable, des opinions par les catégoriessociales.

En d'autres termes, mon opinion n'a rien de singulier : elle témoigne d'une part du fait que j'appartiens à ungroupe, et de l'autre, elle se retrouve – àd'infimes variantes près – chez tous les membres de ce groupe.

Mes opinions ne sont ainsi les « miennes » queparce qu'elles sont d'abord des opinions collectives : les adopter, c'est confirmer ou renforcer mon appartenance.C'est pourquoi l'efficacité des opinions n'a pas grand-chose à voir avec leur pertinence intellectuelle, morale ouphilosophique : les faire « siennes », c'est aussi marquer son adhésion à une communauté, et bénéficier dès lors deson « poids » social.

Il m'est dès lors possible de continuer à les considérer comme miennes tout en sachant quenous sommes nombreux à les avoir : elles n'en prennent apparemment que plus de force, et une force dont jebénéficie. [Conclusion] Quel que soit le domaine où elle s'exerce (religieux, politique, moral), l'opinion semble d'autant mieux être mienne quej'en oublie l'origine pour profiter de ses effets : diffuse, c'est comme individu que je l'adopte, mais c'est comme sujetsocial que j'en retire d'éventuels avantages.

Il n'y a donc pas que ses contenus qui mènent à de possiblescontradictions (dont ses adhérents ne veulent bien entendu rien savoir) ; c'est par la nature même de l'adhésionqu'elle provoque qu'elle montre que la contradiction la constitue.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles