Devoir de Philosophie

XVIIIe siècle : pathétique et couleur antique dans le style post-classique de Chénier

Publié le 03/03/2011

Extrait du document

   La jeune Tarentine    1 Pleurez, doux alcyons! ô vous, oiseaux sacrés, Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez! Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine! Un vaisseau la portait aux bords de Camarine : 5 Là l'hymen, les chansons, les flûtes, lentement, Devaient la reconduire au seuil de son amant. Une clef vigilante a, pour cette journée, Dans le cèdre enfermé sa robe d'hyménée, Et l'or dont au festin ses bras seraient parés, 10 Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés. Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles, Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles L'enveloppe. Étonnée, et loin des matelots, Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots. 15 Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine!...    A. Chénier.    Étudiez dans ce texte le pathétique, la couleur antique, la langue, le style et la versification.    Étude du texte    I Sujet et composition.    Une jeune fille périt noyée, alors qu'elle allait se marier, voilà le sujet. Après trois vers d'introduction, les vers 4 à 10 nous évoquent la fête qui devait être, les vers 11 à 15 leur opposent l'accident brutal.    II Sens littéral et connotations.

« Deux questions particulières : une facile à comprendre, la couleur antique; l'autre le pathétique, qui devra setraduire par : « Comment ce texte nous émeut-il? » Une question générale, l'étude de la forme, celle-ci étant, cettefois, divisée en trois parties : la langue (vocabulaire et grammaire), le style (au sens le plus étroit : les figures), laversification (harmonies et rythmes).

Mais, encore une fois, les questions se chevauchent, car seule la forme,versification comprise, donne leur pleine valeur au pathétique et à la couleur antique.

Comme plus haut, il faudradonc étudier la forme d'abord dans ses rapports avec les deux effets majeurs qu'on nous signale, puis dans sesqualités plus générales, caractéristiques de Chénier et de la poésie de son temps. Questions pour la recherche des idées FEUILLE 1 : Le pathétique (ce qui émeut) : a) dans le sujet; b) dans la composition (les contrastes généraux,particuliers, etc.); c) dans la forme; d) comment est-il souligné par les interventions du poète? e) Chénier essaie-t-il de l'adoucir? comment? FEUILLE 2 : La couleur antique : a) dans les détails évoqués; b) dans le vocabulaire; c) dans les figures; d) dans lerythme. FEUILLE 3 : La langue de Chénier : a) son aspect postclassique; b) son accord avec le pathétique et la couleurantique. FEUILLE 4 : Les figures : mêmes questions a et b. FEUILLE 5 : La versification : mêmes questions a et b. FEUILLE 6 : Conclusion : a) Rapports de Chénier avec le classicisme et le post-classicisme; b) son originalité :caractère de son émotion, de sa vision antique. FEUILLE 1 : a) Pathétique du sujet : jeune fille noyée, et la veille de son mariage; h) mis en valeur par lescontrastes de la composition : la fête prévue s'opposant à l'accident réel; et, dans l'accident, le v.

11 s'opposant àla suite : cf.

a, p.

100).

Ces contrastes sont soulignés par les temps devaient, seraient, avec, la veille, une valeurde futur, auxquels l'accident a donné une valeur d'irréel du passé; par le tour du v.

11 qui permet de mettre en têtede phrase la rêverie de la jeune fille, par le passage au présent de narration (v.

13 et suivants) qui peint labrusquerie de l'accident (marquée aussi par étonnée au sens classique, v.

13).

c) Le rythme des vers 11-15 (cf.

i,p.

101) décrit l'accident, mais nous suggère aussi les réactions que nous aurions eues, si nous y avions assisté, d)Ce pathétique du récit a été annoncé par les deux premiers vers (mot-clé : pleurez) et leur rythme (cf.

p.

100).

Lepoète exprime déjà sa tristesse avant même d'exposer les faits.

Cette participation donne un ton élégiaque àl'épitaphe.

e) Mais le pathétique est atténué par la douceur, l'eurythmie des vers 1 et 2, la litote «elle a vécu» (cf.p.

175), l'absence de tout détail cruel dans l'accident qui saisit la jeune fille en plein bonheur. FEUILLE 2 : Couleur antique : a) des évocations : cortège nuptial (v.

5 et son rythme); préparatifs, matièresprécieuses, festin (v.

6-10); nuit en Méditerranée; h) des noms propres à connotations religieuses (Thétis) ouméditerranéennes (Tarentine, Camarine) ; des noms communs à connotations religieuses (alcyons, oiseaux sacrés,hymen, hyménée) ou évoquant la navigation (proue, étoiles, vent, voiles), la fête antique (festin, parfums, etc.

c)Les synecdoques (cèdre, or) mettent en valeur matières précieuses et couleur (or, blond) décorant un mouvementsculptural (un bras de jeune fille, v.

9).

La litote « elle a vécu » est en même temps un tour grammatical et unemétalepse (cf.

p.

184) fréquents chez les Anciens pour atténuer l'idée de la mort.

La liberté de la construction du v.11 rappelle celle du latin ou du grec.

d) Le rythme enfin (en particulier v.

5-6, cf.

p.

100) suggère la gravité nobled'un cortège antique.

L'invocation des v.

1 et 2 est traditionnelle, tout comme son pathétique contenu, dans lesépitaphes de Y Anthologie. FEUILLE 3 : Bien des traits de la langue de Chénier rappellent la langue classique et postclassique de 1760 à 1790 :a) Mots au sens classique : amant; étonnée; ennoblissement d'un terme vulgaire (clef) par un adjectif peu utile(vigilante) ; pluriels nobles : aux bords de (v.

4); périphrases nobles (au sein de), b) Mais si cette noblesse estparfois artificielle, elle s'accorde souvent avec la couleur et la gravité antiques (hymen, hyménée) ou le pathétique(étonnée; la construction libre de seule, au v.

11). FEUILLE 4 : Il en va de même pour les nombreuses figures : a) Métonymie (clef vigilante), synecdoques (le cèdre,l'or), litote ou métalepse (elle a vécu), chiasme (blonds cheveux — parfums préparés).

La rhétorique postclassiqueles considérait comme un ornement de la poésie, b) Mais elles s'accordent presque toujours avec la couleur antiqueet l'émotion (cf.

FEUILLES 1 et 2). FEUILLE 5 : a) La musique des sons (par exemple aux vers 1 et 2 où l'on notera les allitérations en 5, en o et en ou)et le rythme sont parfaitement conformes à l'esthétique classique : ni audace, ni irrégularité, b) Mais chaque foisChénier vise un effet tantôt descriptif (v.

5-6), tantôt pathétique et descriptif (v.

11-15), tantôt discrètementlyrique (v.

1 et 2). FEUILLE 6 : a) Chénier n'est en rien révolutionnaire, b) Mais il utilise savamment toutes les possibilités de la langue,des figures et du rythme pour évoquer avec discrétion une beauté et une émotion qui gardent un harmonieux. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles