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Le théâtre japonais (Histoire de la littérature)

Publié le 14/11/2018

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On parle aussi de ningyô-jôruri : le terme de ningyô évoque les épopées dont est issu le bunraku ; le terme jôruri désigne l'héroïne de ces récits chantés. On compte une soixantaine de marionnettes différentes, dont les principales sont la jeune fille (musume), le guerrier (bunshichi) et la femme mariée (fukeoyama). Le répertoire est très limité, et pour l'essentiel ce sont des histoires censées se dérouler au temps glorieux des samouraïs. Le bunraku est animé par un seul récitant, qui chante tous les rôles, et de trois manipulateurs pour chaque marionnette. Vêtus de noir, ceux-ci sont visibles du public. Selon l'émotion qu'ils cherchent à mettre en valeur, ils utilisent soit la gestuelle furi, plutôt réaliste, soit la kata, plus stylisée.

UN CEREMONIAL

L'extraordinaire richesse de l'art dramatique japonais tient en grande partie à la vigueur de traditions classiques qui ont permis au « pays du Soleil Levant» de cultiver sa différence, mais dont l'héritage est écrasant. Les deux grands genres, le nô et le kabuki, se répondent comme en Occident la tragédie et la comédie. Tous deux se rejoignent cependant dans une formalisation extrême et, au-delà les différences de rythme, par une même distance envers le réel : la catégorie du réalisme n’a guère de sens pour décrire un théâtre esthétisant où la représentation est conçue comme un cérémonial, comme un ensemble de codes qui ne «reproduisent» pas la réalité, mais la transfigurent. De là le caractère résolument artificiel, mais aussi la dimension rituelle de cet art qui, quelque immoralité qu'on ait pu lui reprocher au cours de l’histoire, n'a jamais perdu de vue ses origines religieuses. Des femmes qui jouent des rôles d'hommes, et vice versa, des vieillards incarnant des amoureuses, l'omniprésence de la musique : on est bien là en présence d'un pur spectacle, aux conventions fort éloignées de ce que nous avons l'habitude de nommer «théâtre».

UN THÉÂTRE DE L'AUTRE MONDE

À en croire une légende japonaise, c’est un caprice de la déesse du Soleil qui est à la naissance du théâtre. Réfugiée dans une grotte, elle refusait d'en sortir, et les dieux se virent obligés d'improviser des chants et des danses pour qu'elle accepte d'éclairer à nouveau le monde. Ainsi, c'est grâce au théâtre que l’homme n'a plus à craindre les ténèbres.

La force de cette histoire tient non seulement au lien fort qu'elle installe entre théâtre et religion, ce qui est après tout le cas de toutes les civilisations, mais encore à l’équivalence qui se dessine entre les acteurs et les dieux. Face à une tradition gréco-chrétienne qui centre le théâtre sur l'homme, vise dès lors à la morale et se condamne à un certain réalisme, les Japonais voient sur scène un autre monde. Que ce

soit celui des dieux ou celui de la pure fiction importe peu : l'essentiel est dans cet ailleurs, dans cette différence absolue entre la scène et la salle, le monde des acteurs ou des personnages et celui des hommes.

La gestuelle kata, propre au nô et au kabuki comme aux danses sacrées dans lesquelles commence l'art dramatique japonais, est

la marque de cette différence. Elle installe les acteurs dans un espace et un temps différents, ritualisés, magiques, où la perfection du geste renvoie à un univers de pure beauté. Le corps de l'acteur, son masque ou son maquillage ne sont plus «humains»; ils appartiennent à cet autre monde dont les spectateurs sont irrémédiablement séparés. Tel l'officiant d'une cérémonie religieuse, l'acteur quitte un instant le monde humain pour se rendre, sous l'œil médusé des assistants, dans l'espace tabou des émotions pures et des passions absolues : un monde interdit et dangereux, d'où l'on ne revient pas, et où seuls quelques élus peuvent s'aventurer.

Cette logique archaïque demeure très forte dans les arts de la scène japonais, mais elle a bien évidemment changé de sens au cours des âges. Le nô et le kabuki sont des formes modernes, créées il y a quelques siècles seulement : l'«autre monde» n'y est plus conçu ou vécu comme un monde divin, mais comme celui de l’esthétique pure, de la pure représentation.

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« personnes (flûtes et tambours) accompagne les acteurs, tandis qu'un chœur se tient sur la droite de la scène.

Le jeu est très lent, et le texte est déclamé sur un ton monocorde, donnant à l'ensemble un air irréel et solennel.

(michiyuki).

C'est alors seulement que le shite apparaît, avec un chant introductif destiné à permettre aux spectateurs de le situer dans la pièce - un peu à la manière des monologues et des tirades tragiques dans notre théâtre classique.

Vient ensuite un préliminaire complexe de questions­ réponses explicatives entre le waki et le shite, dialogue soutenu par le chœur, puis une brève apparition des autres acteurs qui expliquent eux aussi la pièce, dans un langage plus simple.

Notons que les nô ayant tous été composés à une époque déjà ancienne, leur langage est généralement teinté d'archaïsmes.

Une fois achevée cette introduction, c'est au tour du waki de reprendre la parole.

Sa psalmodie marque la fin de la première phase.

le shite réapparaît alors en dansant, revêtu de son masque et d'un nouveau costume.

Il frappe le sol de son pied pour marquer la fin de chaque acte.

ArnuRs n R6us On distingue quatre catégories principales d'acteurs, et quant aux rôles proprement dits, on en dénombre huit sortes différentes.

le shitekata correspond au type de jeu le plus représenté.

Il s'incarne en divers rôles, dont le shite, son compagnon le tsure, les membres du chœur et les serviteurs de scène (koken).

L'acteur wakikata incarne les rôles du waki, qui sert de faire-valoir au shite.

le kyôgenkata est un jeu réservé aux acteurs interprétant les rôles populaires dans le répertoire nô, et vient du théâtre kyôgen.

le style hayashikata, enfin, est réservé aux musiciens.

On compte environ 1 500 acteurs professionnels de nô aujourd'hui, et la plupart appartiennent à l'une des cinq familles de nô que sont les écoles Kanze, Hosho, Komparu, Kita et Kongo.

LE GIDAYU Trois conteuses vêtues de kimonos très sobres, accompagnées de trois musiciennes qui jouent du shamisen, les unes et les autres agenouillées sur une scène : le gidayu est un théâtre de l'immobilité.

Spectacle minimaliste s'il en est, il joue sur des variations imperceptibles aux profanes : l'expression du visage, le raclement de gorge, un mouvement de la main forment l'essentiel d'un jeu subtil et économe qui fait le ravissement des amateurs.

Ce genre particulièrement élitiste est pratiqué au théâtre national Koku, et les actrices de gidayu font l'objet d'un profond respect.

la plus connue, Komanosuke Takemoto, a été nommée en 1999 ningen kokuho («trésor national vivant»), un titre très prestigieux au Japon.

i!jihii!iii lES ORIGINES C'est très précisément en 1603 qu'une jeune femme appelée Okuni, prêtresse du sanctuaire d'lzumo, exécute une sorte de parade érotique dans laquelle elle apparaît successivement en marin portugais, puis en guerrier japonais traditionnel.

Ce mélange plaît, notamment parce que c'est une femme qui est sur scène.

Ces danses sont reprises, sous le nom de kabuki odori, par les suivantes d'Okuni Très vite se constituent des troupes féminines (onnakabuki) dont le succès foudroyant attire l'attention du shogun : arguant de ce que les actrices mènent une vie dissolue, les censeurs font interdire le kabuki des femmes en 1629.

Parallèlement, dès 1612 est apparu un kabuki d'éphèbes (wakashukabuki ou ôkabuk1).

Ces adolescents jouant des femmes mènent une vie tout aussi scandaleuse, et une série de censures aboutit en 1653 à la promulgation d'une règle encore à nouveau le kabuki, sans pour autant détrôner les vedettes onnagata traditionnelles, tels Tamasaburo et Jakuemon Nakamura.

À 84 ans, ce dernier est sans rival dans les rôles d'amoureuses ...

CONVENTIONS DU GENRE les acteurs du kabuki ne portent jamais de masque :ils ont le vis11ge peint de manière conventionnelle, chaque forme et chaque couleur exprimant les caractéristiques du personnage représenté.

les maquillages sont très stylisés.

Ils permettent au spectateur d'identifier du premier coup d'œil les traits principaux du caractère du personnage.

En outre, l'acteur exagère toujours ses gestes et l'expression de son visage.

les premières représentations furent données sur des scènes de nô, mais le kabuki demande un espace plus vaste.

Très vite, la scène s'agrandit et elle se rapproche des spectateurs avec l'apparition du hanamichi, le «chemin décors sophistiqués font vite leur apparition, et de nombreux effets spéciaux et autres changements de décor exigent des machineries complexes.

L'orchestre, comme dans le nô, joue un rôle essentiel : il donne le rythme de la pièce et participe à la création de l'ambiance et des bruitages.

LE RtPERTOIRE Il est divisé en trois catégories : le jidai mono (pièces historiques), le sewa mono (pièces de la vie quotidienne) et le shosagoto (pièces dansées).

les pièces les plus populaires sont Kenuki, Kanjinchô, Fudô, Oshimodoshi, Nanotsu-men; la plupart mettent en scène des samouraïs : il ne faut pas surestimer le «réalisme» de cet art qui, pour faire une large part à l'improvisation, n'en reste pas moins extrêmement codifié.

Un moment caractéristique de la représentation est l'onnagata/e mie, qui voit l'acteur prendre la pose pendant quelques instants, dans une attitude caractéristique du personnage.

les spectateurs connaissent la plupart des intrigues par cœur.

les textes, à l'origine, étaient improvisés.

Ils sont aujourd'hui écrits, mais un élément essentiel du spectacle reste l'inspiration de l'acteur et sa capacité à l'improvisation, notamment pour répondre aux répliques lancées par un public qui est partie prenante du spectacle.

DES AUTEURS RtPUTtS le grand auteur de kabuki est Chikamatsu Monzaemon (1653-1724), quelquefois surnommé le Shakespeare japonais.

Partant de la tradition du nô dont il donne des adaptations, il s'Inspire de plus en plus nettement du kabuki, le théâtre populaire, qu'il va contribuer à faire reconnaître.

Son extraordinaire succès à la scène ne doit pas faire oublier qu'il fut un novateur, puisant dans la réalité bourgeoise les éléments des tout premiers drames sociaux japonais (Sonezaki shinju, 1703).

Autre auteur remarquable, Ki no Kaion (1663-1742) est resté célèbre pour avoir, après une carrière couronnée de succès, abandonné le théâtre pour ouvrir une confiserie.

On lui doit une cinquantaine de drames comiques, parmi lesquels se détache Osome et Hisamatsu (1711 ).

UNE MODERNITÉ TIMIDE Des formes de théâtre comique ont pu s'imposer à l'époque moderne, dont les plus importantes sont le kyôgen et le raguko.

lE KYKEN Dès le XVI" siècle, on prend l'habitude d'Intercaler entre deux pièces de nô un épisode comique de sarugaku, la danse du singe, pratiquée par des acrobates.

Sous le nom de kyôgen, que l'on pourrait traduire par «folie», ces farces deviendront inséparables du nô, à telle enseigne que, dans une pièce de nô, il y a toujours au moins un acteur kyôgen pour interpréter les personnages populaires.

Ces acteurs jouent sans masque, avec très peu de musique et de chœurs, et ils s'expriment dans une langue contemporaine, voire vernaculaire - à la différence du nô, dont la langue est souvent archaïque.

le surnaturel, fréquent dans le nô, ne fait guère l'objet que de parodies, tout comme les personnages nobles.

On est acteur de kyôgen de père en fils.

Deux écoles coexistent : l'école Okura, dont la famille Shigeyama est la plus célèbre représentante, et l'école lzumi, illustrée par la famille Nomura.

Avec 177 pièces en commun, les répertoires comptent 180 pièces pour Okura et 254 pour lzumi.

Ce répertoire limité laisse la voie libre à de nombreuses variantes, et malgré la rigueur de ses techniques, le kyôgen reste un art de l'improvisation.

LE RAfiUKO Né à la même époque, le raguko est une forme comique plus modeste, liée aux traditions du manzai et au théâtre de foire.

le rakukoga est un conteur qui narre de brèves histoires satiriques et humoristiques, dans un petit théâtre appelé yose.

Il y en a eu jusqu'à 400 dans la seule ville de Tokyo, au milieu du XIX' siècle, mais on n'en rencontre plus qu'une dizaine aujourd'hui, et la télévision a littéralement vidé ce genre de spectacle de son intérêt, alors que le nô et le kyôgen ne se sont jamais aussi bien portés.

Il faut admettre que la vigueur des traditions classiques, celle du nô et du kabuki, n'a guère laissé d'espace au renouvellement des genres, dans un Japon où le respect du passé est encore une valeur sûre.

Ainsi, il n'est pas 1--------------'---------------l étonnant que le dramaturge le plus LE MANIAI Il existe au Japon une tradition profane, peu spectaculaire, qui au regard des traditions locales se situe aux marges du théâtre : le -z•l.

Ce genre dialogué remonte au VIl� siècle, et il était pratiqué dans les foires et les banquets : sans scène, sans musique, et sans danse, il est joué par des duos d'acteurs comiques qui se donnent la réplique.

Ce genre a trouvé un second souffle avec l'apparition de la télévision, et l'un des acteurs japonais les plus connus de manzai sous le nom de Beat.

les acteurs de manzai sont de véritables stars, mais ils ne bénéficient d'aucune considération, au contraire des acteurs de nô et de kabuki, dont les plus célèbres sont honorès comme des «trésors nationaux vivants».

brillant du XX' siècle, Yukio Mishim11 (1925-1970), se surtout par sa de faire le genre un temps par le et le r....ury0 !1en.

Mais on lui doit aussi Madame de Sade, pièce d'Inspiration occidentale caractéristique d'une forme d'acculturation héritée de l'ère Meiji.

les dramaturges en puissance se sont en fait tourn ès vers un média entièrement neuf, et donc ouvert à l'Invention, le cinéma, dans lequel ils ont rapidement fait la preuve de la vivacité des arts dramatiques japonais.

la scène japonaise contemporaine présente donc la particularité d'être prise entre l'absolue modernité du cinéma, qui n'est plus du théâtre, et l'éclat intact du théâtre classique.. »

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