Devoir de Philosophie

d'abord vivre, ensuite philosopher

Publié le 19/03/2004

Extrait du document

Philosopher c'est, non pas étudier la Psychologie, la Logique, la Morale, mais réfléchir aux grandes et angoissantes questions que posent la vie, l'action, la pensée ; méditer sur les grands problèmes humains : le vrai, le beau, le bien, la nature de l'homme, sa destinée, l'âme et Dieu. II. - EXAMEN DE LA MAXIME A. Il semble que si le mot vivre est pris au sens strict, on ne peut qu'admettre la vérité du proverbe. La pensée et l'exercice de cette pensée dépendent de l'existence et de la vie du corps. Nous ne sommes pas de purs esprits, mais des esprits unis à un corps. La première condition pour pouvoir penser, réfléchir, philosopher, est donc déjà de vivre ; c'est une vérité trop évidente pour qu'il soit besoin d'y insister. C'est, de plus, un fait d'expérience journalière que les exigences de la vie priment celles de la pensée. Ce qui préoccupe l'homme avant tout c'est de vivre ; la plus grande partie de son activité, pour ne pas dire sa presque totalité, est dirigée vers ce but : obtenir de la nourriture, des vêtements, du confort, etc. Pourquoi l'homme chercherait-il tant à gagner de l'argent, sinon pour pouvoir vivre ?

« III.

- VIVRE EST-IL POSSIBLE SANS PHILOSOPHER ? La conclusion de ce qui précède donne donc raison à ce que nous disions au début : les proverbes expriment sousune forme condensée la sagesse populaire.

Mais la sagesse populaire est-elle la vraie sagesse ? Ce qui apparaîtévident au simple bon sens, est-il évident en réalité ? Il n'est pas besoin de beaucoup d'expérience pour se rendrecompte que le sens commun s'en tient le plus souvent aux apparences, qu'il ne va pas au fond des problèmes et queles jugements qu'il porte sont d'une vérité assez superficielle.

Avant donc de donner raison à la maxime : « d'abordvivre, ensuite philosopher », il convient d'examiner plus profondément les termes du problème.De quelle vie s'agit-il dans l'expression « vivre d'abord » ? La vie est, en effet, le partage des végétaux, des animauxet des hommes.

Or la deuxième partie de la maxime « ensuite philosopher » montre évidemment qu'il ne peut s'agirque de la vie humaine, car ni le végétal ni l'animal ne peuvent philosopher n'ayant pas en partage la raison.

Mais lavie humaine ne consiste pas seulement dans la satisfaction des besoins du corps, les exigences de la vie de l'espritne sont pas moins impérieuses.

« L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui tombe de labouche de Dieu ».

Vivre pour la pensée, c'est réfléchir, méditer, c'est philosopher, et un homme qui prétend menerune vie d'homme ne peut pas plus se passer de philosopher, c'est-à-dire d'exercer son esprit, que de donner desaliments à son corps.

Vivre sans philosopher, ce serait donc mener une vie semblable à celle d'une plante ou d'unanimal.

Or, dit Stuart Mill : « J'aime mieux être un Socrate mécontent qu'un pourceau satisfait ».

Si donc l'hommeveut mener une vie d'homme, il doit, non pas vivre d'abord et philosopher ensuite, mais unir intimement vie etphilosophie.Pourrait-il, d'ailleurs, même s'il le voulait, même s'il décidait de tenir pour rien sa pensée, mener une vie purementanimale, ce qui alors donnerait un sens au « vivre d'abord » ? Non.

La Nature a mis, en effet, à la disposition del'animal un guide sûr et presque infaillible : l'instinct.

Grâce à lui, l'animal est adapté à la vie : il n'a pas à réfléchir, àchercher.

Il n'en est pas de même pour l'homme.

Sous le strict point de vue de la vie, la Nature l'a défavorisé parrapport à l'animal.

Elle lui a bien donné l'intelligence, mais celle-ci ne fournit pas de solutions immédiates auxproblèmes qui se posent.

Or, de cette intelligence, l'homme ne peut se passer, même s'il veut vivre d'une viepurement animale.

Il lui faut penser, réfléchir, chercher des solutions, faire un choix, c'est-à-dire arrêter l'actionpour s'élever au-dessus d'elle.

S'il s'enferme dans l'action, il la compromet et en ne voulant que vivre d'abord sansphilosopher, il risque d'être entraîné à la mort.Il ne faut donc pas dire, comme la maxime populaire le voudrait : « primum homo faber, deinde homo sapiens », maishomo faber quia sapiens » et « homo sapiens quia faber ».Ne faut-il pas aller plus loin dans l'opposition avec le proverbe que nous étudions ? Vivre d'abord, mais vivre d'unevie humaine, entièrement humaine.

Or, la vie humaine n'est pas une fin en soi, elle n'est qu'un moyen pour atteindrecette fin, et cette fin c'est le Souverain Bien.

Vivre, pour l'homme, c'est diriger son activité vers l'acquisition de lavertu et la possession du bonheur.

Les hommes, hélas ! n'y pensent pas assez, absorbés qu'ils sont par les soucispurement matériels.

« Unum est necessarium ».

Ce qui indiquera à l'homme la direction de cette vie vers la vertu etle bonheur, ce qui dirigera son activité vers cette fin en soi, qu'est-ce sinon la philosophie, la méditation ? D'abordphilosopher, puis ensuite vivre pour réaliser ce sans quoi la vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue.Or, que nous apprend justement la Philosophie ? Interrogeons, pour le savoir, celui qui est peut-être le plus grand detous les philosophes.Il nous dit, dans le « Phédon », que ce corps, dont nous cherchons par tous les moyens à assurer d'abord la vie,n'est que le tombeau de l'âme, que cette vie sur la terre n'est qu'une ombre, une vie dans la caverne.

La vraie vie,la vie véritable, est celle que mènera l'âme une fois séparée du corps, quand elle contemplera le monde des « Idées» et, en particulier, la « Forme du Bien ».

Vivre d'abord, ce sera donc mépriser cette vie corporelle pour assurerautant qu'il nous est possible la plénitude de la vie à notre esprit.

Les plus sublimes méditations de Socrate ne sesituent-elles pas au moment où la mort planait déjà sur lui ? La ciguë était préparée, mais, grâce à ses amis, ilpouvait fuir, sauver la vie du corps.

Il médite, et le résultat de sa méditation, nous le possédons, dans les sublimespages du « Phédon » sur l'immortalité de l'âme. Conclusion.

— Vivre d'abord, formule acceptable, mais à la condition de bien s'entendre sur le sens du mot vivre. Vivre d'abord de la vie de l'esprit, car c'est la pensée seule qui fait la grandeur de l'homme et lui confère toute sadignité.

C'est elle seule qui peut nous renseigner sur la juste place qu'il convient d'accorder dans nos préoccupationsà la vie du corps et qui donnera un sens et une valeur à cette vie.

Vivre ainsi d'abord, c'est en même temps et enpremier lieu philosopher.Cette conclusion, il est vrai, dépasse les horizons du sens commun.

Tourné vers la terre, attaché à son corps,l'homme, trop souvent, donne la priorité à sa vie purement animale :"Du pain et des jeux, du plaisir et des amusements", voilà ce en quoi se résume pour la foule le « vivre ».

Mais alorselle risque bien de ne plus avoir de temps pour philosopher, et même lui resterait-il du loisir après ce qu'elleconsidère comme la seule occupation vraiment sérieuse, qu'elle ne voudrait pas l'employer pour philosopher, carphilosopher risquerait de lui faire comprendre combien sa vie est misérable et insensée.

Or, si l'homme accepte devivre en insensé, il ne veut pas admettre que sa vie n'ait aucun sens.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles