Analyse et critique de La Condition humaine de MALRAUX
Publié le 13/12/2011
Extrait du document
On est souvent tenté de juger La Condition humaine en utilisant une grille chrétienne : notre graphique (p. 52) rappelle le tympan des églises romanes, les élus d'un côté, les damnés de l'autre. Les uns, dans une assomption réussie, triomphent de la mort : ils sont sortis de la nuit, cette nuit qui pour les révolutionnaires est toujours une nuit de jugement dernier.
«
• Prisonniers
Dans les dernières pages des Noyers de l' Altenburg, Malraux
rappelle le texte fameux de
Pascal : « Qu'on s'imagine un
grand nombre d'hommes dans les chaînes et tous condamnés
à
mort dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des
autres, ceux qui restent voient leur propre condition dans
celle de leurs semblabies ...
C'est là l'image de la condition
des hommes.
• De Kafka (1928) à Camus (La Peste), Koestler
et
Sartre (Huis clos), d'innombrables écrivains ont repris
le thème sous des
formes différentes.
Ici le thème de la pri
son trouve d'emblée sa plus forte et sa plus symbolique
expression : les héros n'accèdent à la vraie liberté qu'après
avoir passé
par la pire servitude.
Conception platonicienne
ou mieux encore chrétienne ...
La prison pousse à leur maximum les traits particuliers
à
la condition humaine : solitude, promiscuité, dépendance :
" Il ressentait jusqu'à l'envie de vomir l'humiliation que res
sent
tout homme devant un homme dont il dépend » (p.
236).
Là les hommes sont plus lâches, leur sadisme est actif chez
le gardien,
ou passif chez les prisonniers.
La prison dégrade,
au moins ceux qui acceptent de se laisser dégrader.
L'hor
reur et l'absurde s'y combinent quand le gardien frappe le
fou : la victime est doublement irresponsable, comme être
humain et comme aliéné.
Le bourreau appartient à cette
sous-humanité qui sévira dans les camps de concentration
et dans laquelle la corruption s'unit au sadisme.
Mais la prison révèle aussi les gens à eux-mêmes : ces
prisonniers assez lâches pour approuver et même souhaiter
que le gardien frappe le fou et le fasse taire seront les mêmes,
à partir
du moment où ils seront aux portes de la mort, à
constituer le chœur sublime qui accompagne les héros
dans la mort.
Il est vrai que deux intercesseurs leur auront
permis cette transformation: Kyo et surtout Katow, en allant
au-devant de la douleur, auront
" nié leur propre néant »
(Malraux emploiera cette expres sion pour traduire l'effort
des artistes), donné aux autres le courage de l'affronter.
La prison n'est donc finalement, comme le supplice,
comme la Croix, que le tremplin d'
où les élus s'élancent vers
le ciel..
»
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