Bérénice, IV,5 (Jean RACINE)

I- Le dialogue, ou l'expression d'un rapport conflictuel entre Titus et Bérénice a) Une tonalité pathétique à l'annonce de la séparation - Le "trouble cruel" et les "pleurs" répétitifs de Titus - L'évocation de la mort par Titus: le "suicide stoïcien" - Résignation de Bérénice: "Dans un mois, dans un an, comment souffrirons nous..?" (v. 1114); "Je n'écoute plus rien; et pour jamais, adieu ! " (v.1110) : ici, Bérénice feint de se résigner pour rendre la scène encore plus théâtrale. D'ailleurs, elle dit "adieu." mais continue directement de parler à Titus. - "Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice": passage à la troisième personne: mythification du couple Titus/Bérénice qui renforce l'aspect dramatique et pathétique. b) La partie agonistique du dialogue: La colère de Bérénice accable Titus - Répétition de "cruel" pour désigner Titus (v1062;v1071;v1081; v1103) : Désir de Bérénice d'attendrir mais aussi de blâmer Titus. - Souvenir des paroles passées de Titus: moyen de faire du "seigneur" un traître -> paradoxe. - Questions rhétoriques de Bérénice: rythme le dialogue d'une certaine violence: alternance de questions et d'exclamations. - "Ignorez-vous vos lois" v1065: Bérénice comme accusatrice du comportement de Titus. -Evocation du passé houleux et conflictuel avec Rome " Tout l'Empire a vingt fois conspiré contre nous" : Argument renforçant la trahison de Titus envers Bérénice. c) Le tableau d'un avenir sans Titus: une stratégie de Bérénice pour parvenir à ses fins. Bérénice, par stratégie, tente d'affecter Titus de son malheur en usant de la menace et en décrivant un avenir loin de lui. - Emploi du passé composé: "Je me suis crue aimée": v1063 - Emploi de l'imparfait: la résignation de Bérénice: "D'un amour qui devait unir tous nos moments" v.1106; "Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous?" - " Ces jours si longs pour moi lui sembleront trop courts" : provocation de Bérénice dans le but d'attendrir Titus. C'est donc grâce à ce rapport de force entre Titus et Bérénice que l'on peut distinguer deux personnalités différentes: Bérénice abat toute sa colère sur Titus et s'impose en tant que dominatrice d'une scène agonistique. C'est de leur amour conflictuel que vont découler divers paradoxes, signes d'une folie grandissante faisant perdre la raison à Titus. II- Un amour jonché de paradoxes et d'une folie grandissante a) Entre l'amour passionné et la raison (Titus): deux désirs opposés - "Forcez votre amour à se taire" v.1051 - Le "devoir" (v.1053) de Titus: rompre avec Bérénice. - "Mais il ne s'agit plus de vivre, il faut régner" v.1102: Le désir de la "gloire" est à ce moment plus fort que celui de l'amour. Le "coeur d'un Empereur": ce "coeur" devait initialement être offert à Bérénice mais est rattrappé par l'envie de régner. b) La folie amoureuse de Titus lui faisant oublier la rupture - Vous verrez que Titus n'a pu sans expirer" (v.1125) : paradoxal, puisqu'il a normalement pour projet de régner après cette rupture d'avec Bérénice. - "Hélas! Vous pouvez tout, Madame. Demeurez" v.1130 : Cette fois, c'est à Titus de se résigner; il est subjugué par l'émotion et l'amour et perd toute son argumentation. Ceci s'explicite : "Je n'y résiste point. Mais je sens ma faiblesse" v.1131 - "[...] mon coeur, hors de lui-même": La folie a pris le dessus sur la raison. La raison ne domine donc plus et l'incompréhension règne. Les personnages se contredisent et oublient , Titus divague et Bérénice supplie. Ces deux entités ne peuvent au final se rejoindre, ce qui s'explique parfaitement par l'entrée de Bérénice annoncée comme une sortie. III- Une entrée s'interprétant comme une sortie, la symbolique de deux personnages impossibles à unifier a) Deux "ici" différents et une "entrée/sortie": un schéma spatio-temporel complexe La scène commence avec une didascalie adressée à Bérénice: "En sortant". Paradoxal: Une entrée ou une sortie? - "En vain tous vos conseils me retiennent ici" -> désigne l'appartement de Bérénice -"Il ne faut point ici nous attendrir tous deux" -> désigne le cabinet où se trouvent Titus et Bérénice. Titus entre dans son règne et dans son rôle d'empereur alors qu'au contraire, Bérénice en subit les conséquences en "sortant", en laissant à Titus la possibilité de vivre comme il le souhaite. -" Il faut nous séparer": s'illustre grâce à la didascalie. b) En entrant/"en sortant": le signe d'un amour impossible? Bérénice et Titus ne peuvent pas vivre leur histoire ensemble si d'emblée il nous est indiqué que Bérénice sort, alors que Titus entre. L'union des deux amants se fait alors très compliquée voire impossible.