Des spectacles
Publié le 07/04/2013
Extrait du document
Tertullien (Quintus Septimius Florens Tertullianus, v. 155-v. 220) vécut à Carthage et se convertit lors d'un voyage à Rome (190). Devenu prêtre, quoique marié, il est l'auteur de nombreux ouvrages d' apologétique et de morale.
« ... car le monde est de Dieu, mais les choses du monde, du diable. « Tertullien
«
Masques de th éâ tre
ro main s
EXTRAITS
Le théâtre
Si d'autre part nous regardons avec mépris,
comme sottise aux yeux de Dieu,/' enseigne-
ment de la littérature
profane , cela suffit
pour nous défendre
aussi les genres de
spectacles que la litté
rature profane
fait
répartir en divertis
sements et drames.
Car
si les tragédies et les
comédies qui nous
proposent crimes et dé
bauches sont respecti
vement sanglantes et
lascives , impies et
déréglées, rien de ce
qui est atroce ou vil ne
gagne à être évoqué :
ce que nous rejetons
dans les faits, nous ne devons pas même en
accepter le récit.
L'amphithé âtre
Si nous pouvons soutenir que la cruauté ,
/'impiété, la barbarie nous sont permises ,
allons à /'amphithéâtre.
Si nous sommes
tels
qu'on nous dit, délectons-nous de
sang humain.
« C'est un bien de punir
des coupables.
» Qui le niera, sinon le
coupable ? Il ne faut pas pour autant que
les innocents se complaisent au supplice
d'autrui : il convient mieux à /'innocent de
souffrir de ce qu'un homme, son semblable,
se soit rendu assez coupable pour expier si
cruellement.
D'autre part, qui me garantit
que ce sont toujours des coupables que
la
sentence voue aux bêtes ou à tout autre
supplice ? Que la vengeance d'un juge ,
la
faiblesse de la défense ou la pression de la
torture n'en frappent pas aussi l'innocence ?
( ...
)En tout cas, des gladiateurs innocents viennent
à /'entraînement pour se faire les
victimes du plaisir public.
Folie des spectateur s
Les païens , pour qui la vérité n'existe pas
en plénitude, puisqu'ils n'ont pas Dieu pour
la leur enseigner, jugent du bien et du mal
au
gré de leurs passions : bien ici, ce qui
là est mal ; mal ici, ce qui là est bien .
Le
résultat ?
Tel qui oserait à peine soulever sa
tunique
en public pour soulager sa vessie ne
peut manifester son enthousiasme au cirque
sans projeter tout son sexe à la face de tous.
Tel qui préserve de tout mot grossier les
oreilles de sa fille encore vierge la mène
lui-même au théâtre pour les paroles et les
gesticulations que l'on sait.
(.
.
.) Tel autre
frémit d'horreur en voyant le cadavre d'un
homme qui a normalement achevé sa vie,
mais il tolère
fort bien d'appuyer ses
regards du haut de l'amphithéâtre sur des
corps rongés, déchiquetés et
noirrissant
dans leur sang.
Traduction de
Marie Turcan,
Éditions du Cerf, 1986
Scène de com édie,
a rt ro m a in
NOTES DE L'ÉDITEUR
«S'il est une chose que Tertullien ne perd
jamais de vue,
c'est la conversion du ·
pécheur.
Il y travaille dans le cas présent
avec d'auta nt plus d'opiniâtreté
qu'à la
différence du fornicateur, que son péché
plonge dans une mort irrémissible, le
fanatique des spectacles est un
« pécheur
qui vit
encore ».
( ...
)Sans doute sait-il
[Tertullien] fort bien que ses arguments et
juge plus
efficace
de
tout interdire que
d'établir de subtils distinguos entre le
permis et le défendu.
» Marie Turcan,
Des spectacles, préface, Éd.
du Cerf, 1986.
osciller
entre le drame noir, où des meurtres
sont exécutés réellement sur scène, et la
pièce pornographique où les spectateurs
peuvent se régaler d'une scène de parricide,
d'accouchements et d'actes de bestialité.
sont parfois spécieux ou fragiles.
( ...
)
Mais il sait aussi qu'un doigt mis dans
l'engrenage risque
d'y entraîner tout le reste Le
théâtre à l'époque de Tertullien :
«Le théâtre proprement dit
n'avait
rien de
commun avec les impérissables tragédies
de la Grèce .
On avait glissé de la tragédie à
l'opéra, et de l'opéra au music-hall.
Le héros était devenu le pantomime.
Certes,
à Rome, au temps
d' Auguste, de grands
acteurs avaient élevé très haut le niveau
du théâtre.
Mais bientôt celui-ci se mit à
l B.
N .
2 Ce ntre de recherches sur les monum ents historiques, Paris, 1992 3 Werner Farman Archive 4 The Manse ll Collection
( ...
)Au même moment, la comédie était
remplacée par la farce bouffonne et
sanglante.
Dans
Laureolus, on crucifiait
effectivement su r scène un acteur,
Prométhée était vraiment déchiré par des
bêtes devant des spectateurs, et Herc ule
brûlé
vif.» Jean Steinmann, Tertullien,
Éd.
du Chalet, 1967.
TERTULLIEN 02.
»
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