Les Fausses Confidences
Publié le 12/04/2013
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Familier des brillants salons de Mme de Lambert, Mme de Tencin et Mme Geoffrin, Marivaux, ruiné par la banqueroute de Law, va tenter de vivre de sa plume. Romancier et journaliste, il est connu surtout grâce à son oeuvre dramatique, une trentaine de pièces, légères et élégantes comédies écrites principalement de 1722 (La Surprise de l'amour) à 1746 (Le Préjugé vaincu). Les Fausses Confidences, comédie en trois actes, fut représentée au Théâtre-Italien le 16 mars 1737 avec un succès fort mitigé, sept ans après Le Jeu del' amour et du hasard. Avec cette dernière, elle est ' considérée comme un des chefs-d'oeuvre de Marivaux et a une place de choix dans le répertoire de la Comédie-Française.
«
«Eh ! je m'en doutais
bien ; c'est Madame.
»
EXTRAITS
Acte 1, scène 14
DUBOIS.
-Si je le connais, Madame! si je le
connais ! ah ! vraiment oui ; et il me connaît
bien aussi.
N'ave z-vous pas vu comme il se
détournait, de peur que
je ne le visse ?
ARAMINTE.
- Il est vrai, et tu me surprends
à
mon tour.
Serait-il capable de quelque
mauvaise action, que tu
saches ? Est-ce que ce
n'est pas un honnête
homme ?
DUBOIS.
-Lui ! il n'y a
point de plus brave
homme dans toute la
terre, il
a, peut-être,
plus d'
honneur à lui
tout seul que cinquante
honnêtes gens ensemble.
Oh ! c'est une probité
merveilleuse ; il n'a
peut-être pas son pareil.
ARAMINTE.
- Eh ! de
quoi peut-il donc être
question ? D 'où vient
que tu m'alarmes ? En
vérité, j'en suis toute
émue.
D UB OIS.
-Son défaut,
c'est
là.
(Il se touche le front.) C'est à la tête
que
le mal le tient.
ARAMINTE.
- A la tête ?
DUBO IS.
-Oui, il est timbré , mais timbré
comme cent.
ARAMINTE.
- Dorante ! il m'a paru de très
bon sens.
Quelle preuve as-tu de sa folie ?
DUBO IS.
-Quelle preuve ? Il y a six mois
qu'il est tombé fou ; il y a six mois qu'il
extravague d'amour, qu'il en a la cervelle
brûlée , qu'il en est comme
un perdu ; je dois
bien
le savoir, car j'étais à lui, je le servais,
et c'est ce qui m'a obligé de le quitter; et
c'est ce qui me force de m' en aller encore;
ôte z cela,
c'est un homme incomparable.
Acte III, scène 12
ARAMINTE.
-Vous donner mon portrait !
Songe z-vous que ce
serait avouer que je
vous aime?
DORA TE.
- Que vous m'aime z, Madame !
Quelle
idée! Qui pourrait se l'imaginer?
ARAMINTE, d'un ton vif et naïf.
- Et voilà
pourtant ce qui m'arrive.
DORANTE, se jetant à ses genoux.
-Je me
meurs!
ARAM INTE.
-J e ne sais plus où je suis :
modére z
votre joie; levez-vous, Dorante.
DORANTE se lève et dit tendrement.
-Je ne
la mérite pas cette joie qui me transporte ;
je ne la mérite pas, Madam e; vous allez me
l'ôter, mais n'importe, il faut que vous soyez
instruite.
ARAMINTE, étonnée.
- Comment ! Que
voulez-vous dire ?
DORA TE.
-Dans tout ce qui s'est passé
che z vous, il n'y a rien de vrai que ma
passion , qui est infinie, et que le portrait
que
j'ai fait.
Tous les
incidents qui sont arrivés
partent de l'industrie
d'un domestique qui
savait mon amour, qui
m'en plaint, qui, par le '
charme de
l'espérance 1 du plaisir de vous voir, 1 m'a pour ainsi dire forcé /
de consent ir à son stra
tagème : il voulait me
faire valoir auprès de
vous.
« - Que vous m'aimez, Madame ! Quelle idée ! qui pourrait se l'imaginer ? -Et voilà pourtant ce qui m'arrive.»
NOTES DE L'ÉDITEUR
Marivaux a presque toujours écrit pour le
Théâtre-Italien.
Il sut ainsi redonner à cette
troupe qui lui plaisait un éclat
qu'elle avait
perdu au
début du siècle.
Pour le lecteur du
xxe siècle, la troupe des « Italiens » reste
indissolublement liée au nom
de Marivaux,
alors qu
'aux yeux des amateurs du xv111e
siècle, ce théâtre avait un prestige moindre
que le Théâtre-Français.
lui
reprochaient la monotonie
de ses sujets,
tel le marquis
d' Argens qui remarquait:
« Il y a un défaut dans ses pièces, c'est
qu'elles pourraient être presque toutes
intitulées La
Surprise de l'amour», et
plus bizarre de métaphysique subtile et de
locutions triviales, de sentiments
alambiqués
et de dictons populaires », selon
La Harpe.
Marivaux n'a donc
jamais connu de succès
brillant
de son vivant.
Ses contemporains leur
trop grande subtilité psychologique
que Voltaire raillait en disant qu'il pesait
« des œufs de mouche dans des balances
de toile d'araignée ».
Marivaux a pourtant créé une forme
originale
d'analyse des rapports amoureux
à leurs débuts.
La simplicité classique
s'offusquait de ce propos ,« mélange le
1 Lau ros-G iraudo n 2.
3.
4 Lith ograp hies de Paul Emile Bécat.
L' Arc en C ie l.
Paris.
1952- 1 953 I B.N.
C'est cette subtilité extrême de la
description des premiers émois amoureux
qu'on a baptisée « marivaudage ».
Ce
terme, dont la valeur péjorative est destinée
à critiquer le maniérisme et) ' affectation
exagérée
de cette analyse, définit le
« créneau » étroit auquel Marivaux doit
son
renom actuel de moraliste et de fin
psychologue.
MARIVA UX 03.
»
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