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Lénine

Publié le 23/02/2013

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1   PRÉSENTATION

Lénine (1870-1924), homme politique et théoricien révolutionnaire russe, fondateur de l’Union soviétique dont il a dirigé le premier gouvernement (1922-1924).

2   LA JEUNESSE

Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, naquit à Simbirsk. Issu d’une famille de la bourgeoisie, il était le fils d’un inspecteur d’académie. Sa mère, Maria Blank, appartenait à une famille d’origine allemande, depuis longtemps russifiée. Après une enfance paisible, Lénine fut profondément marqué par l’exécution de son frère aîné, arrêté par la police et pendu pour avoir participé à un complot visant à assassiner le tsar Alexandre III (1887). Cette même année, il s’inscrivit comme étudiant en droit à l’université de Kazan mais en fut très vite exclu pour ses menées révolutionnaires, qui motivèrent son envoi en exil chez son grand-père, dans le village de Kokushkino.

Lors de ce premier exil (1887-1888), il se familiarisa avec les grands classiques de la pensée révolutionnaire européenne, notamment avec le Capital de Karl Marx, et il adopta bientôt la théorie marxiste. Ayant finalement obtenu la permission de réintégrer l’université, il s’inscrivit au barreau de Saint-Pétersbourg en 1891, après son succès à ses examens de droit, puis s’établit comme avocat à Samara, sur la Volga, avant de regagner Saint-Pétersbourg en 1893.

3   L’ORGANISATEUR

À Saint-Pétersbourg, il rejoignit le cercle marxiste et en 1895, après avoir fait en Suisse la connaissance de Plekhanov lors de son premier séjour à l’étranger, il fonda l’Union de lutte pour la libération de la classe ouvrière. Il commença par critiquer le subjectivisme idéaliste de la doctrine des populistes dont le principal maître à penser était Mikhaïloskij, lui opposant l’union des ouvriers et des paysans en vue du combat révolutionnaire (Ce que sont les amis du peuple, 1894). Arrêté et déporté par la police tsariste, il passa trois années en résidence surveillée en Sibérie (1897-1900), années au cours desquelles il fit la connaissance de Nadejda Kroupskaïa qui deviendra sa femme et sa principale collaboratrice. La relative liberté de mouvement dont il disposait lui permit de se consacrer à l’étude du marxisme et il écrivit à cette période une étude sur le Développement du capitalisme en Russie (publiée en 1899).

À son retour de Sibérie, Lénine émigra pour la première fois : il rejoignit en Suisse, à Genève, Gueorgui Plekhanov, Iouli Martov et d’autres marxistes et créa avec eux le premier journal marxiste russe, Iskra (« l’Étincelle «). Ce journal se révéla être un outil efficace pour unifier le courant social-démocrate et accroître son audience. En 1902, il formula la première théorie d’un parti marxiste, de son organisation et de son rôle d’élément directeur dans le combat politique du prolétariat dans le texte intitulé Que faire ? L’objectif révolutionnaire devait s’appuyer sur un parti hautement discipliné de révolutionnaires professionnels qui constitueraient « l’avant-garde du prolétariat « et qui conduiraient les masses prolétariennes à une victoire inévitable sur l’absolutisme tsariste.

La thèse soutenue par Lénine concernant le caractère essentiel d’une révolution menée par des professionnels fut à l’origine d’une fracture à l’intérieur même du Parti ouvrier social-démocrate russe qui finit par se diviser lors de son IIe Congrès (1903). Sa fraction la plus radicale obtint une courte majorité au Congrès, d’où le mot « bolchevik «, (en russe pour « majorité «) qui lui fut appliqué. Les membres de l’opposition, plus modérés, furent quant à eux baptisés « mencheviks « (en russe pour « minorité «). Les querelles entre ces deux courants dominèrent la politique du Parti jusqu’à la Première Guerre mondiale.

4   L’EXIL

Lénine passa jusqu’en 1917 de nombreuses années en exil en Europe. Il retourna en Russie après la révolution de 1905, qu’il considéra comme une « répétition générale « en vue d’une révolution socialiste en Russie. En 1907, la politique répressive de Stolypine le contraignit une nouvelle fois à s’exiler.

Entre 1907 et 1917, Lénine vécut en Europe des années difficiles. Il s’engagea dans plusieurs polémiques avec les mencheviks dont il critiquait l’opportunisme, leur attribuant la responsabilité de l’échec de la révolution de 1905, alors que plusieurs de ses propres disciples s’éloignaient de lui. Il dénonça le renouveau de l’idéalisme philosophique et continua son approfondissement de la pensée de Marx par une analyse critique de la dialectique hégélienne. C’est à cette époque qu’il rédigea son plus célèbre tract philosophique, Matérialisme et Empiriocriticisme (1909), dans lequel il écrivait que « la continuation de l’œuvre de Hegel et de Marx doit consister dans l’élaboration dialectique de l’histoire de la pensée humaine, de la science et de la technique «.

Trois ans plus tard, lors d’une conférence du Parti qui se tint à Prague, la rupture entre les bolcheviks et les mencheviks fut consommée. Sa lutte incessante contre le révisionnisme aboutit ainsi à la constitution d’un parti bolchevique indépendant et à la création de son journal, la Pravda (« la vérité «).

Lorsque la Première Guerre mondiale éclata, en 1914, il s’y opposa car, selon lui, les ouvriers allaient s’entre-tuer pour satisfaire les seuls intérêts de la bourgeoisie. À la place, il encouragea les socialistes à « transformer la guerre impérialiste en guerre civile «. Il exposa et systématisa les idées marxistes sur cette guerre dans l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme (1916), avançant la thèse selon laquelle seule une révolution permettant de détruire le capitalisme était susceptible d’engendrer une paix durable.

5   LE CHEF RÉVOLUTIONNAIRE

Le déclenchement de la Révolution russe de février 1917 le surprit, mais il réussit à traverser l’Allemagne dans un train blindé pour rejoindre son pays. Son arrivée spectaculaire à Petrograd eut lieu un mois après la rébellion soulevée par les ouvriers et les soldats, qui permit de renverser le régime tsariste. Les bolcheviks de Petrograd, parmi lesquels Staline, avaient approuvé la déférence dont le soviet des représentants des ouvriers et des soldats faisait preuve vis-à-vis du gouvernement provisoire bourgeois. Lénine condamna aussitôt cette attitude, en proclamant : « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire .« Dans ses Thèses d’avril, il affirma que seuls les soviets pouvaient répondre aux espoirs, aux aspirations et aux besoins des ouvriers et des paysans russes. Sous le slogan « Les pleins pouvoirs aux soviets «, la conférence du Parti bolchevique accepta son programme.

À la suite de l’échec du soulèvement ouvrier en juillet, il passa en Finlande les mois d’août et septembre 1917, se cachant du gouvernement provisoire. Il y formula sa conception du gouvernement socialiste dans un pamphlet intitulé l’État et la Révolution, sa contribution la plus importante à la théorie politique marxiste. C’est à cette époque qu’il mit au point son programme de lutte pour le passage de la révolution démocratique bourgeoise (conquête des « libertés formelles «) à la révolution socialiste (liberté « réelle « des ouvriers et des paysans) et le concept de la dictature du prolétariat, étape préalable et nécessaire au dépérissement de l’État et à l’avènement d’une vraie société socialiste. Il multiplia également auprès du Comité central du Parti les demandes pour qu’un soulèvement armé soit organisé dans la capitale. Son plan, finalement accepté, fut mis en application en octobre 1917.

6   LE BÂTISSEUR DE L’ÉTAT SOVIÉTIQUE

Quelques jours après la révolution d’Octobre, Lénine fut élu président du Conseil des commissaires du peuple, c’est-à-dire chef du gouvernement. Pragmatique, il se consacra à la consolidation du pouvoir du nouvel État soviétique. À sa demande expresse, les petites entreprises privées ne furent pas nationalisées, à l’exception des grands conglomérats industriels et de certaines institutions telles que les banques. Il mit également au point un plan conduisant graduellement vers le socialisme (notamment par le partage des terres) et fit en sorte d’éviter qu’on l’accuse d’instaurer un régime à parti unique en incluant dans son gouvernement le Parti révolutionnaire des socialistes de gauche. Son premier objectif fut la préservation de la Révolution et de la puissance du Soviet contre les ennemis intérieurs et extérieurs. Dans la lignée de ces considérations pratiques, qui subordonnaient la poursuite de la Révolution à l’arrêt de la guerre, il accepta les exigences très sévères formulées par l’Allemagne préalablement à la signature du traité de Brest-Litovsk. La lutte tenace qu’il dut mener pour sa propre survie coûta cher au jeune régime soviétique lors de la guerre civile de 1918-1921, mais, avec Trotski, organisateur de l’Armée rouge, Lénine permit à l’Union soviétique de surmonter les troubles intérieurs. Obligé de lutter sur tous les fronts (menace des « blancs « contre-révolutionnaires issus de l’aristocratie tsariste déchue, relations difficiles avec ses voisins européens), Lénine organisa la dictature avec une rigueur de fer sur le plan économique et politique, exerçant une répression sévère contre la bourgeoisie au cours de la période dite du « communisme de guerre «. Il finit par écarter toute opposition politique, encouragea la création d’une police politique (la Tchéka), et dissout l’Assemblée constituante. En même temps, il lança le plan d’électrification de la Russie en dix ans (plan Goelro, 1920), qui était un programme en vue de restaurer les transports et de fournir au pays l’énergie dont l’industrie avait besoin.

Après la guerre, Lénine préconisa l’adoption de la Nouvelle politique économique (NEP) rétablissant en Union soviétique l’économie de marché et la société pluraliste du début de l’autorité soviétique. Cependant, il exigea en même temps l’interdiction de toute faction dissidente et insista sur le principe de l’autorité du parti unique. C’est ainsi qu’il réprima durement la révolte des marins à Kronstadt. Opposé aux « gauchistes qui voudraient brûler les étapes « (le Gauchisme, maladie infantile du communisme, 1920), Lénine supprima la réquisition des produits agricoles, les remplaçant par un impôt progressif en nature et redonna vie à une forme restreinte de commerce local. L’adoption des mesures de la NEP ne se fit pas sans de sérieuses oppositions que Lénine surmonta en jetant dans la balance la menace de sa démission. Aux prises avec la construction et la consolidation d’un État socialiste dans une Russie paysanne et peu développée, Lénine accorda également une grande attention au mouvement révolutionnaire international. En mars 1919, il fonda à Moscou la IIIe Internationale, appelée Komintern. Il imposa vingt et une conditions très strictes aux partis socialistes étrangers pour adhérer à l’Internationale, qui renonça à la révolution mondiale devant les échecs européens (spartakistes en Allemagne et république des Conseils en Hongrie), lui préférant la stratégie du « siège « des économies capitalistes. Bien qu’affaibli par la maladie, il entrevit rapidement les problèmes de dérive bureaucratique du régime et les luttes futures au sein du Comité central pour la prise du pouvoir. Il chercha à les prévenir en faisant une analyse des caractères de ses principaux leaders, Staline, Trotski et Boukharine et suggéra l’élargissement du Comité central par l’adjonction de « quelques dizaines d’ouvriers « qui contribueraient à sa stabilisation et éviteraient la mainmise d’un pouvoir personnel sur le Parti. Il relevait bien l’importance de l’œuvre accomplie mais soulignait également que « nous ne saurions le moins du monde fermer les yeux sur le fait que dans le fond nous avons repris leur vieil appareil au tsar et à la bourgeoisie. «

La première d’une série de trois crises cardiaques l’immobilisa en mai 1922. Il se rétablit mais ne put plus jamais assumer de rôle actif au sein du gouvernement ni du Parti. En meilleure santé à la fin de l’année 1922, il subit une seconde attaque en mai 1923, qui le priva de la parole et qui mit un terme à sa carrière politique. Il mourut à Gorki, près de Moscou, le 21 janvier 1924. Son corps fut embaumé et placé dans un mausolée, sur la place Rouge, à Moscou.

7   CONCLUSION

Lénine ne fut pas un grand philosophe mais un brillant penseur et un stratège révolutionnaire dont le réalisme clairvoyant permit aux bolcheviks de s’emparer du pouvoir et de le conserver. Lucide, Lénine a jugé son œuvre. Il en a mesuré la portée et les réalisations mais il a aussi vu les dangers à venir, essayant de les pallier en modifiant à de nombreuses reprises le cours de sa politique.

Il ne formula aucune solution sur la manière de construire un État ouvrier dans une société essentiellement paysanne. Ses interprètes et critiques ont des jugements partagés. Selon certains, il existe une continuité manifeste entre les premières idées de Lénine et celles de Staline, qui s’imposa rapidement après la mort du père de l’Union soviétique. D’autres analyses mettent l’accent sur la Nouvelle Économie politique pluraliste dont il se fit l’avocat à la fin de sa vie. Mais nombreux sont ceux qui s’accordent à dire que Lénine fut le théoricien révolutionnaire le plus important de l’Europe du XXe siècle. Déployée sur tous les plans (international, national, économique et social), l’activité révolutionnaire de Lénine fut en effet une véritable praxis de la révolution socialiste. À la fois penseur et acteur de la première vraie expérience de révolution inspirée des écrits de Marx, pragmatique en même temps que fidèle aux principes du matérialisme historique, Lénine concilia théorie et pratique, construction idéologique et empirisme. Comme l’affirmait en 1924 le philosophe marxiste hongrois György Lukács, « Lénine a fait le pas vers la concrétisation du marxisme devenu désormais tout à fait pratique. C’est pourquoi il est à l’échelle historique mondiale le seul théoricien à la hauteur de Marx que la lutte pour l’émancipation du prolétariat ait produit jusqu’à aujourd’hui «. Internationaliste convaincu, Lénine enrichit le marxisme de ses analyses sur l’impérialisme et la possibilité d’étendre la révolution aux pays du tiers-monde. Son système de pensée donna naissance à l’idéologie marxiste-léniniste qui fut adaptée de très nombreuses manières, que ce soit par Staline qui l’appauvrit au seul bénéfice de son pouvoir personnel, de Mao Zedong qui en donna une version nationale et asiatique ou encore de l’Albanie de Enver Hoxha qui en fit un modèle d’orthodoxie et de dictature prolétarienne. Mais si important que l’on estime le corpus et les dérives potentielles et déjà latentes en 1924 du marxisme-léninisme, Lénine n’en fit pas un système. Les exemples soviétiques, chinois, cubains ou encore nord-coréens ne sont jamais que des épigones, des sous-produits de l’action de Lénine imaginés par ceux qui entendaient poursuivre son action.

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