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LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR

Publié le 27/06/2012

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senghor

Illustrateur exemplaire de sa propre pensée, qui toujours procède par couples ~ d'où son classicisme et son équilibre- c'est au poème qu'avant tout il a demandé de configurer son univers affectif et mental. Si son Anthologie de la Poésie nègre et malgache (1948), que Jean-Paul Sartre fit précéder des pages de son Orphée Noir, sacrifie à l'éclectisme, il se met à nu dans la suite de ses recueils: Chants d'Ombre (1945), Hosties Noires (1948), Éthiopiques (1956), Nocturnes (1961). Homme de tradition, qui entend ne rien renier du legs des Ancêtres, il chante le totem protecteur, les masques qui assurent la médiation entre l'occulte et le visible,

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« qu'il a adressés à profusion aux auditoires les plus divers, tant à Paris qu'au Sénégal, à New York comme à Rome, à Strasbourg et à Bruxelles, augmentés des préfaces et essais dans lesquels il a martelé, telle forgeron de brousse, personnage investi de pouvoirs sacrés, le thème de ses doubles amours : ainsi des pages sur Pierre Teilhard de Chardin et la politique africaine, dans lesquelles il nous propose une union dialectique de la foi religieuse et de la conviction marxiste.

Illustrateur exemplaire de sa propre pensée, qui toujours procède par couples ~ d'où son classicisme et son équilibre- c'est au poème qu'avant tout il a demandé de configurer son univers affectif et mental.

Si son Anthologie de la Poésie nègre et malgache ( 1948), que Jean-Paul Sartre fit précéder des pages de son Orphée Noir, sacrifie à l'éclectisme, il se met à nu dans la suite de ses recueils: Chants d'Ombre (1945), Hosties Noires (1948), Éthiopiques (1956), Nocturnes (1961).

Homme de tradition, qui entend ne rien renier du legs des Ancêtres, il chante le « totem >> protecteur, les masques qui assurent la médiation entre l'occulte et le visible, le « sang païen >> qui ne cesse de couler dans ses veines; mais en même temps il proclame très haut son appartenance à la religion du Christ.

Qu'il suscite l'image des processions sous les palmes au chant du Tantum ergo, ou qu'il invoque les vertus théologales et la Paix désirable, le tour de ses poèmes est celui de la prière, leur accent, celui d'une liturgie au déroulement grégorien.

Nul n'est plus subtil et raffiné que cet auteur en qui se marient les lumières du philologue, du grammairien, du musicien, du tribun, du diplomate et du chef d'État; c'est cependant à l'élémentaire que revient toujours le poète issu d'une race laborieuse, ce jardinier du langage pour qui n'ont aucun secret la culture de l'arachide et le rôle des racines fertilisantes des pays secs : «Je ressuscite mes vertus terriennes », vertus qui lui font éprouver, égale et commune à tous ceux qui se penchent vers le sol, la fraternité universelle : J'ai choisi mon peuple noir, mon peuple paysan, toute la race paysanne par le monde.

Il est un érotisme africain que la malveillance hypertrophie; en fait, si l'on en juge d'après les poèmes de Senghor, le désir charnel peut faire bon ménage avec une expression d'une décence toute hellénique, qui chez lui s'épure jusqu'à ce ton des « cours d'amour » qui dériva jadis de l'Orient méditerranéen jusqu'à l'Afrique intérieure.

S'il a célébré l'attirance de la femme noire et les séductions de la « signare », il a tressé de lyriques couronnes à la princesse de Belborg, héritière des Vikings : encore une fausse opposition, une réduction des contraires à l'unité.

Il y eut enfin, sous la plume de l'apôtre de la négritude- le poème dramatique de Chaka en fait foi- une phase militante jusqu'à l'agressivité; après quoi, les épreuves de la guerre ayant fondu les antinomies au creuset des souffrances communes, le poète s'est senti indissolublement lié, par le cœur autant que par l'esprit, à la nation d'Europe dont il parle la langue avec son accent propre (et non sans l'enrichir de néologismes savoureux), mais par laquelle il accède à l'universel, la vraie patrie où il trouve un air respirable.

Il ne cesse depuis lors de revendiquer ce « métissage culturel » qui lui confère une position originale de témoin et d'acteur sur la ligne de crête de deux civilisations.

Au génie nègre il a demandé l'esprit de communion et la joie qui vivifient; à la tradition de l'Occident européen la rigueur et le choix, qui lui ont fait élire pour intercesseurs un Péguy, un Claudel et un Saint-Johr~; Perse, maîtres d'un ton sacramentel et d'un rythme libéré qui sont la voix même de l'Afrique.

Pour opérer ce parfait amalgame de son ardeur native et de la lucidité française, il n'a eu d'autre talisman, avec la passion de la vie totale, qu'un goût tout charnel des choses de l'esprit.

ARMAND GUIBERT 531. »

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