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Nul ne peut être heureux sans être tempérant (Epicure)

Publié le 17/03/2011

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epicure

— Dire comme Epicure que le bien est le plaisir, et ajouter, comme il le fait, que le principe et la racine de tout bien est le plaisir du ventre, c'est, semble-t-il, recommander la sensualité et l'intempérance : avec de tels principes, il semble impossible qu'on ne devienne pas un débauché. Aussi les ennemis de l'Épicurisme ne manquèrent-ils pas, comme nous l'avons vu, de calomnier le chef de l'école et ses disciples : l'expression « vil pourceau du troupeau d'Épicure « est restée dans l'usage; inexacte si on l'applique aux premiers Épicuriens, elle qualifie justement certains Romains, dont l'ignorance égalait la grossièreté, et qui se sont empressés, comme dit Sénèque, de cacher leurs vices sous le manteau de la philosophie.

epicure

« que nous éprouvons le comble de la jouissance.

Tant que le besoin n'était pas apaisé, et que les mouvementsphysiologiques n'avaient pas atteint leur terme, quelque chose de la douleur du besoin subsistait encore; à mesureque les mouvements se précipitent, la douleur diminue tandis que le plaisir augmente : pourquoi cesserait-il dès quel'équilibre est rétabli ? C'est alors au contraire qu'il atteint son maximum, parce que la nature, ayant atteint sa fin,est entièrement assouvie.

Il y a donc au plaisir une limite qu'on ne peut dépasser par aucun artifice, et cette limiteest la suppression de la douleur qui révèle un besoin.

Que les mots ne nous trompent pas : l'absence de douleurn'est pas un état neutre, indifférent; c'est un état de jouissance positive, c'est l'épanouissement de notre nature.Quand elle y est parvenue, elle est apaisée, heureuse.

Il ne sert de rien au gourmet par exemple d'accumuler lesmets délicats, les douceurs et les épices; si l'appétit lui manque, il n'en ressentira aucun plaisir; et s'il a faim, iln'obtiendra pas au moyen de tous ces raffinements une quantité de plaisirs plus grande que n'en éprouve l'hommefrugal qui mange du pain d'orge et boit de l'eau.

Dès qu'il est rassasié, la nature intervient et lui dit : « Tu n'iras pasplus loin ; tu ne goûteras pas plus de plaisirs; la somme de jouissances qui t'est attribuée est épuisée, maintenantque ton corps est rempli; tout ce qui était en ton pouvoir, tu l'as fait; tu as pu varier, aiguiser ton plaisir, mais nonl'augmenter.

» Nous jouirions donc de la félicité suprême en ce qui concerne notre corps si nous pouvions satisfaire, une fois pourtoutes, nos besoins physiques, et, comme les dieux, maintenir notre organisme dans un état d'équilibre qui ne seraitjamais troublé.

En fait, nous ne goûtons que pour un temps et en partie cette félicité : car un de nos besoins n'estpas plus tôt satisfait qu'un autre s'éveille qui réclame nos soins.

Mais il est utile de savoir et de se rappeler quenotre capacité de jouir est limitée et que dès que nous avons fait cesser la douleur du besoin, nous avons obtenutoutes les satisfactions dont notre nature est capable : c'est sur cette loi physique qu'est fondée la vertu de latempérance. « L'habitude d'une vie simple et sans faste, dit Épicure dans la lettre à Ménécée, d'une part assure la santé, etd'autre part pour les actions nécessaires à la vie laisse l'homme allègre et dispos.

Si, par intervalles, il nous estdonné de jouir de quelque luxe, cette habitude nous dispose à en jouir mieux, et, du reste, nous retire toute crainteà l'égard de la fortune.

Lorsque nous disons que le plaisir est la perfection, ce n'est pas des plaisirs desintempérants ni de la sensualité que nous parlons, contrairement à ce que croient par malveillance certains de nosadversaires, ou par ignorance certains de nos partisans, mais l'absence de douleur dans le corps, de trouble dansl'âme : ce ne sont pas les boissons ni les festins ininterrompus, ni la luxure, ni la bonne chère que porte une tablesomptueuse, qui font l'agrément de la vie, mais une sobriété raisonnée, l'habitude de se demander, avant de désirerou de fuir une chose, pourquoi il convient de le faire, et de bannir les opinions qui jettent dans les âmes le plusgrand trouble.

» Nos désirs sont de deux sortes : les uns sont naturels, les autres artificiels et vains.

Les premiers sont les besoinsphysiques, qui se manifestent à notre conscience par une douleur; une fois que cette douleur est supprimée, cesdésirs sont satisfaits.

Les autres ne sont déterminés en nous par aucune douleur positive, mais par une vaineopinion, c'est-à-dire par l'espérance de plaisirs toujours plus intenses, toujours plus nombreux.

Parmi les désirsnaturels, il faut encore faire une distinction : les uns sont naturels et nécessaires, les autres sont simplementnaturels.

Il n'est pas seulement naturel, il est nécessaire de manger et de boire; mais du pain d'orge et de l'eausuffisent à contenter ce désir; il n'est pas nécessaire de manger du fromage ni de boire du vin; encore ce désir est-il naturel, tandis que celui des mets épicés et des tables somptueuses est entièrement artificiel.

Il est sage desupprimer en soi-même tout désir artificiel ; d'abord parce que ces désirs ne s'imposent à nous par aucune douleur,ensuite parce que, ne pouvant rencontrer aucune satisfaction définitive, ils vont jusqu'à l'infini, enfin parce qu'ilsnous rendent esclaves des choses extérieures et des autres hommes.

Il n'est pas aussi aisé de refréner les désirsnaturels, parce qu'ils sont excités en nous par une douleur; cependant, autant que possible, il faudra leur résisterafin de ne pas émousser le plaisir qu'ils nous procurent lorsque les circonstances permettent de les satisfaire.

Lesseuls désirs auxquels il faille toujours céder sont les désirs naturels et nécessaires; s'ils sont incoercibles, ils sontaussi aisément satisfaits ; la nature met à notre portée le peu qui nous est nécessaire, et la volupté que nouséprouvons, une fois supprimée la douleur du besoin, est la plus intense, la plus pleine et la plus durable que nouspuissions demander à notre corps, Les désirs artificiels, dit Épicure, vont jusqu'à l'infini et amènent plus de douleurs que de plaisirs : c'est ce que nousallons vérifier par l'analyse des principales passions, l'amour, l'ambition, et le désir des richesses. L'amour, qui fait oublier à celui qui en est possédé ses intérêts comme ses devoirs, a toujours paru au vulgaire unsentiment mystérieux, dû à quelque influence magique ou divine.

Les Grecs, par exemple, disaient qu'il est causé parle fils d'Aphrodite.

Déjà Platon avait tenté de détruire cette légende ; dans la mythologie philosophique qu'ilsubstitua à celle des poètes, l'amour n'est plus un dieu, mais un être intermédiaire entre les dieux et les hommes.C'était dire que la passion désignée par ce mot ne doit pas être admirée ni approuvée sans réserve; mais c'étaitreconnaître en même temps qu'elle n'est pas entièrement condamnable, qu'on peut s'en servir, comme il est indiquédans le Banquet, pour parvenir au souverain bien, c'est-à-dire à l'amour des idées : l'amour, selon Platon, vientmoins du corps que des idées, il est une imitation de la raison, parce qu'il est un attachement à l'être impérissable. Épicure se garde de toute mythologie, même philosophique ; l'amour, déclare-t-il, n'est pas envoyé par les dieux.Rien de spirituel ne s'y mêle ; il a son origine dans un besoin du corps. L'erreur des amants est de croire qu'il recouvre autre chose, et ils le compliquent alors de désirs artificiels.

Une. »

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