L'Oeuvre de Zola
Publié le 06/04/2013
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Lors de sa publication en 1886, L'OEuvre ne connut qu 'un succès mitigé; ainsi, en 1902, alors que l'on avait déjà vendu cent quatrevingt- treize mille exemplaires de Nana et cent quarante-deux mille de Germinal, ce roman n'arrivait qu'en seizième position, avec soixante mille volumes vendus...
«
« Son originalité de
notation, si claire, si
vibrante de soleil,
tournait à la gageure,
à un renversement de
toutes les habitudes
de l'œil ( ..
.
).
La folie
semblait au bout.
»
EXTRAITS ~~~~ ~~ ~-
Claude, le peintre, pose
un regard critique sur les œuvres
exposées
au Salon
Au printemps, Claude, qui avait juré de ne
plus exposer,
par une affectation de dédain,
s'inquiéta beaucoup
du Salon.
Quand il
voyait Sandoz, il
le
questionnait sur les
envois des
cama
rades.
Le jour de
l'ouverture,
il y alla,
et revint le soir
même, frémissant,
très sévère.
Il n'y
avait qu'un buste de
Mahoudeau, bien,
sans importance ;
un petit
pa ysage de Gagnière, reçu dans le
tas, était aussi d'unejolie note blonde; puis,
rien d'autre , rien que le tableau de Fage
rolles, une actrice devant sa glace, faisant
sa figure.
Il ne l'avait pas cité d'abord,
il en
parla ensuite avec des rires indignés.
Ce
Fagerolles, quel truqueur! Maintenant qu'il
avait raté son prix, il ne craignait plus
d'exposer, il lâchait décidément !'École,
mais
il fallait voir avec quelle adresse, pour
quel compromis , une peinture qui
jouait
l'audace du vrai, sans une seule qualité
originale ! Et ça aurait du succès, les bour
geois aimaient trop qu'on les chatouillât, en
ayant l'air de les bousculer.
Entre l'amour et l'art, le créateur
est déchiré
Christine, alors, souffrit avec Claude.
Elle
avait partag é ses espoirs, très brave,
égayant l'atelier de son activité de ména
gère;
et, maintenant , elles' asseyait, décou
ragée quand elle le voyait sans force.
A
chaque tableau refusé, elle montrait une
douleur plus vive, blessée dans son amour
propre de femme,
ayant cet orgueil du
succès qu'elles ont toutes.
L'amertume du peintre
l'a igrissait aussi, elle éprouvait ses
passions, identifiée à ses goûts, défendant
sa peinture qui était devenue comme une
dépendance d'elle-même,
la grande affaire
de leur
vie, la seule importante désormais,
celle dont elle espérait son bonheur.
Chaque
jour, elle devinait bien que cette peinture lui
prenait son
amant davantage ; elle n'en
était pas encore à la lutte, elle cédait, se
laissait emporter avec lui,
pour ne faire
qu'un , au fond du même effort.
Mais une
tristesse montait de ce commencement
d'abdication , une crainte de ce qui l'atten
dait là-bas.
Face à la toile terminée, le peintre
constate son échec
Et, béant , il avait peur de son œuvre, trem
blant de ce brusque saut dans l'au-delà,
comprenant bien que la réalité elle-même
ne lui était plus possible ,
au bout de sa
longue lutte
pour la vai ncre et la repétrir
plus réelle, de ses mains d'homme.
-
Tu vo is ! tu vois! répétait victorieusement
Christine.
Et
lui, très bas, balbutiait :
-
Oh ! qu 'ai-je fait ? ...
Est-ce donc impos
s ible de créer
? nos mains n'o nt-elles donc
pas
la puissance de créer des êtres ?
Elle le sentit faiblir, elle le saisit entre ses
deux bra
s.
« Est-ce que,
en art, il y avait autre chose que
de donner ce
qu'on avait
dans le ventre ? »
L'Œuvre fut à l'origine
d 'une brouille entre
Zola et Cézanne, qui
crut se reconnaître dans
le personnage
du peintre raté.
Zola ,
c'est vrai, s'est
complètement trompé
à propos de l'esthétique
de Cézanne, mais le
héros de son roman,
à
lévidence, n 'est pas
Cézanne.
NOTES DE L'EDITEUR
« On sait combien Zola s'est passionné
pour la peinture ,
à quel point son jugement
s'est révélé juste, à une exception près,
celle de son ami d'enfance , Cézanne , que
paradoxalement
il n'a pas compris .
A dire
vrai, cette incompréhension n
'es t singulière
qu'en apparence, car jamais deux hommes
ne furent plus éloignés
l'un de l'autre .
saisissons
que l'image, et si le peintre
s'acharne à l'interpréter aussi fidèlement
que possible , son âme est ailleurs.
Il croit
à une vérité transcendante, surnaturelle,
alors que pour son
ami Zola il n'en est avec
l'espèce de
triste écœurement qu'on
rapporte de sa présence par hasard à une
scène de basses
et crapuleuses gens.
( ...
)
Pour Cézanne, la réalité n'est que le reflet
d'une vérité plus complexe dont nous ne pa
s
d'autre que celle qu' il peut observer.»
M.
Bernard, Zola par lui-m êm e, Le Seuil,
1952 .
« Je lis en chemin de fer un feuilleton de
L'Œuvre de Zola.
( ...
)On so rt de ce
feuilleton fait à coups de
" Nom de Dieu ! "
La langue de l'artiste peut être émaillée de
jurements, peut être canaille, mais elle a
s ous les jurements , sous la canaillerie de
l'expression, quelque chose qui la distingue,
qui la sépare, qui la relève de la langue des
charpentiers , et
ce sont toujours des
charpentiers qui parlent dans
L'Œuvre.
»
Journal des Goncourt, Éditions Laffont
Bompiani, 1989.
1 détai l du port.rait de Zola par Manet (1868).
musée d'Orsay I Edimédia 2 tableau de P.
Cézanne, musée d'Art, Sao Paulo/ Giraudon 3 idem, galerie Beyeler , B âle I Lauros-Giraudon 4 idem.
Kunsthaus, Zurich I Giraudon ZOLA08.
»
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