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Le parasite (1715). Gil Blas

Publié le 20/06/2011

Extrait du document

Gil Blas, âgé de dix-sept ans, vient de quitter Oviédo. Monté sur une mule que lui a donnée son oncle, le chanoine Gil Perez, il arrive d'abord au village de Penaflor, et descend à — L'analyse de ce morceau doit porter successivement sur deux points : Étude de la narration, qui a son exposition, son noeud, son dénouement, et qui est un modèle de clarté et de simplicité savante; Étude des caractères : c'est une scène de comédie. On en fera ressortir la moralité, toute d'expérience. La leçon formulée au dénouement par le dupeur, est analogue à celle que le Renard donne au Corbeau, dans la fable de La Fontaine.

Je demandai à souper dès que je fus dans l'hôtellerie. C'était un jour maigre : on m'accommoda des oeufs. Pendant qu'on me les apprêtait, je liai conversation avec l'hôtesse, que je n'avais point encore vue. Lorsque l'omelette qu'on me faisait fut en état de m'être servie, je m'assis tout seul à une table. Je n'avais pas mangé le premier morceau que l'hôte entra suivi de l'homme qui l'avait arrêté dans la rue. Ce cavalier portait une longue rapière, et pouvait bien avoir trente ans. Il s'approcha de moi d'un air empressé : — « Seigneur écolier, me dit-il, je viens d'apprendre que vous êtes le seigneur Gil Blas de Santillane, l'ornement d'Oviédo et le flambeau de la philosophie. Est-il bien possible que vous soyez ce savantissime, ce bel esprit dont la réputation est si grande en ce pays-ci? Vous ne savez pas, continua-t-il en s'adressant à l'hôte et à l'hôtesse, vous ne savez pas ce que vous possédez : vous avez un trésor dans votre maison : vous voyez dans ce jeune gentilhomme la huitième merveille du monde. « Puis, se tournant de mon côté et me jetant les bras au cou : « Excusez mes transports, ajouta-t-il, je ne suis point maître de la joie que votre présence me cause. « Je ne pus lui répondre sur-le-champ, parce qu'il me tenait si serré, que je n'avais pas la respiration libre, et ce ne fut qu'après que j'eus la tête dégagée de l'embrassade, que je lui dis : —« Seigneur cavalier, je ne croyais pas mon nom connu à Penaflor. — Comment connu, reprit-il sur le même ton; nous tenons registre de tous les grands personnages qui sont à vingt lieues à la ronde. Vous passez ici pour un prodige; et je ne doute pas que l'Espagne ne se trouve un jour aussi vaine de vous avoir produit que la Grèce d'avoir vu naître ses sept Sages. « Ces paroles furent suivies d'une nouvelle accolade, qu'il me fallut essuyer au hasard d'avoir le sort d'Antée. Pour peu que j'eusse eu d'expérience, je n'aurais pas été la dupe de ses démonstrations ni de ses hyperboles; j'aurais bien connu à ses flatteries outrées, que c'était un de ces parasites que l'on trouve dans toutes les villes, et qui, dès qu'un étranger arrive, s'introduisent auprès de lui pour remplir leur ventre à ses dépens ; mais ma jeunesse et ma vanité m'en firent juger tout autrement. Mon admirateur me parut un fort honnête homme, et je l'invitai à souper avec moi. — « Ah! très volontiers, s'écria-t-il; je sais trop bon gré à mon étoile de m'avoir fait rencontrer l'illustre Gil Blas de Santillane, pour ne pas jouir de ma bonne fortune le plus longtemps que je pourrai. Je n'ai pas grand appétit, poursuivit-il; je vais me mettre à table pour vous tenir compagnie seulement, et je mangerai quelques morceaux par complaisance. « En parlant ainsi, mon panégyriste s'assit vis-à-vis de moi. On lui apporta un couvert. Il se jeta d'abord sur l'omelette avec tant d'avidité, qu'il semblait n'avoir mangé de trois jours. A l'air complaisant dont il s'y prenait, je vis bien qu'elle serait bientôt expédiée. J'en ordonnai une seconde, qui fut faite si promptement qu'on nous la servit comme nous achevions, ou plutôt comme il achevait de manger la première. Il y procédait pourtant d'une vitesse toujours égale, et trouvait moyen sans perdre un coup de dent, de me donner louanges sur louanges, ce qui me rendait fort content de ma petite personne. Il buvait aussi fort que souvent « tantôt à ma santé, et tantôt à celle de mon père et de ma mère, dont il ne pouvait assez vanter le bonheur d'avoir un fils tel que moi «. En même temps il versait du vin dans mon verre, et m'excitait à lui faire raison. Je ne répondais point mal aux santés qu'il me portait ; ce qui, avec ces flatteries, me mit insensiblement de si belle humeur que, voyant notre seconde omelette, à moitié mangée, je demandai à l'hôte s'il n'avait pas de poisson à nous donner. Le seigneur Corcuelo qui, selon toutes les apparences, s'entendait avec le parasite, me répondit : « J'ai une truite excellente; mais elle coûtera cher à ceux qui la mangeront : c'est un morceau trop friand pour vous. — Qu'appelez-vous trop friand? dit alors mon flatteur d'un ton de voix élevée; vous n'y pensez pas, mon ami; apprenez que vous n'avez rien de trop bon pour le seigneur Gil Blas de Santillane, qui mérite d'être traité comme un prince. « Je fus bien aise qu'il eût relevé les dernières paroles de l'hôte, et il ne fit en cela que me prévenir. Je me sentais offensé, et je dis fièrement à Corcuelo : « Apportez-nous votre truite, et ne vous embarrassez pas du reste. n L'hôte, qui ne demandait pas mieux, se mit à l'apprêter, et ne tarda guère à nous la servir. A la vue de ce nouveau plat, je vis briller une grande joie dans les yeux du parasite, qui fit paraître une nouvelle complaisance, c'est-à-dire qu'il donna sur le poisson comme il avait donné sur les oeufs. Il fut pourtant obligé de se rendre, de peur d'accident ; car il en avait jusqu'à la gorge. Enfin, après avoir bu et mangé tout son soûl, il voulut finir la comédie : — « Seigneur Gil Blas, me dit-il en se levant de table, je suis trop content de la bonne chère que vous m'avez faite pour vous quitter sans vous donner un avis important dont vous me paraissez avoir besoin. Soyez désormais en garde contre les louanges. Défiez-vous des gens que vous ne connaîtrez point. Vous en pourrez rencontrer d'autres, qui voudront, comme moi, se divertir de votre crédulité, et peut-être pousser les choses encore plus loin ; n'en soyez point la dupe, et ne vous croyez point, sur leur parole, la huitième merveille du monde. « En achevant ces mots, il me rit au nez et s'en alla.

(Gil Blas, livre I, chap. I.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. - L'ensemble. — Une narration d'un piquant intérêt et dont l'ensemble est une véritable scène de comédie. — Quels sont les personnages mis en présence? Comment vous expliquez-vous que Gil Blas se laisse prendre aux flatteries excessives du parasite? Ce dernier a un but : lequel ? Indiquez les principaux traits du caractère de Gil Blas et de celui du dupeur; L'attitude de l'hôte Corcuelo ne vous parait-elle pas suspecte? (raisons à l'appui); A quel personnage des fables de La Fontaine pouvez-vous comparer le parasite? Montrez que chacun des dupeurs donne à sa victime la même leçon.

II. — L'analyse du morceau. — Indiquez les différentes parties de la narration : a) l'exposition (Gil Blas se met à table; — l'entrée du parasite; — ses compliments flatteurs; — ses démonstrations; b) le noeud (l'invitation à souper; l'omelette, la truite) ; c) le dénouement (le parasite se lève de table; — sa leçon à Gil Blas; son départ); Relevez quelques expressions qui montrent le caractère hyperbolique des flatteries du parasite; De quoi accompagne-t-il ses flatteries? Comment accueille-t-il l'invitation à souper de Gil Blas? Dans quel but dit-il accepter cette invitation? (souligner ce trait de comédie); Fit-il honneur au souper? Rappelez l'insolence dont il accompagne sa leçon (il rit au nez du jeune naïf); Le Sage, dans cette narration, ne montre-t-il pas un véritable talent d'auteur dramatique? Essayez de faire ressortir l'art avec lequel il crée ses dialogues, trace ses portraits, conduit une scène à la fois si simple et si curieuse.

III. — Le style; — les expressions. — Le Sage rapporte-t-il les paroles mêmes des personnages qu'il met en scène (langage direct) ? — ou bien se borne-t-il à les résumer (langage indirect) ? Est-il indifférent, au point de vue de l'intérêt du récit, qu'il procède de l'une ou de l'autre façon? Montrez que les personnages se peignent eux-mêmes par leurs propos et leurs gestes (la flatterie outrée et l'impudence du parasite, — la naïveté et la vanité de Gil Blas...); Faites remarquer que la phrase narrative de Le Sage est simple, naturelle et généralement courte (Je demandai à souper dès que je fus dans l'hôtellerie. C'était un jour maigre on m'accommoda des veufs...); Que désigne-t-on ici par le mot hyperboles? Qu'est-ce qu'un panégyriste?

IV. — La grammaire. — Indiquez la composition des mots accolade, embrassade, savantissime; Trouvez quelques autres mots terminés par le suffixe - ime;  Distinguez les propositions contenues dans la troisième phrase du morceau : Pendant qu'on me les apprêtait...; nature de chacune d'elles; Nature et fonction de chacun des mots suivants : que je n'avais point encore vue.

Rédaction. — Imaginez, en vous inspirant du récit de Le Sage, l'histoire d'un jeune homme de votre entourage dupé par un flatteur.

« I.

- L'ensemble.

— Une narration d'un piquant intérêt et dont l'ensemble est une véritable scène de comédie.

—Quels sont les personnages mis en présence? Comment vous expliquez-vous que Gil Blas se laisse prendre auxflatteries excessives du parasite? Ce dernier a un but : lequel ? Indiquez les principaux traits du caractère de Gil Blaset de celui du dupeur; L'attitude de l'hôte Corcuelo ne vous parait-elle pas suspecte? (raisons à l'appui); A quelpersonnage des fables de La Fontaine pouvez-vous comparer le parasite? Montrez que chacun des dupeurs donne àsa victime la même leçon. II.

— L'analyse du morceau.

— Indiquez les différentes parties de la narration : a) l'exposition (Gil Blas se met àtable; — l'entrée du parasite; — ses compliments flatteurs; — ses démonstrations; b) le noeud (l'invitation àsouper; l'omelette, la truite) ; c) le dénouement (le parasite se lève de table; — sa leçon à Gil Blas; son départ);Relevez quelques expressions qui montrent le caractère hyperbolique des flatteries du parasite; De quoiaccompagne-t-il ses flatteries? Comment accueille-t-il l'invitation à souper de Gil Blas? Dans quel but dit-il acceptercette invitation? (souligner ce trait de comédie); Fit-il honneur au souper? Rappelez l'insolence dont il accompagnesa leçon (il rit au nez du jeune naïf); Le Sage, dans cette narration, ne montre-t-il pas un véritable talent d'auteurdramatique? Essayez de faire ressortir l'art avec lequel il crée ses dialogues, trace ses portraits, conduit une scèneà la fois si simple et si curieuse. III.

— Le style; — les expressions.

— Le Sage rapporte-t-il les paroles mêmes des personnages qu'il met en scène(langage direct) ? — ou bien se borne-t-il à les résumer (langage indirect) ? Est-il indifférent, au point de vue del'intérêt du récit, qu'il procède de l'une ou de l'autre façon? Montrez que les personnages se peignent eux-mêmespar leurs propos et leurs gestes (la flatterie outrée et l'impudence du parasite, — la naïveté et la vanité de GilBlas...); Faites remarquer que la phrase narrative de Le Sage est simple, naturelle et généralement courte (Jedemandai à souper dès que je fus dans l'hôtellerie.

C'était un jour maigre on m'accommoda des veufs...); Quedésigne-t-on ici par le mot hyperboles? Qu'est-ce qu'un panégyriste? IV.

— La grammaire.

— Indiquez la composition des mots accolade, embrassade, savantissime; Trouvez quelquesautres mots terminés par le suffixe - ime; Distinguez les propositions contenues dans la troisième phrase dumorceau : Pendant qu'on me les apprêtait...; nature de chacune d'elles; Nature et fonction de chacun des motssuivants : que je n'avais point encore vue. Rédaction.

— Imaginez, en vous inspirant du récit de Le Sage, l'histoire d'un jeune homme de votre entourage dupépar un flatteur.. »

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