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Peut-on apprendre à percevoir ?

Publié le 16/02/2004

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Les yeux du petit enfant se dessillent très vite sans que personne lui apprenne à voir. L'énoncé du sujet semble donc sous-entendre que, nous qui croyons spontanément voir le monde correctement, nous ne le verrions en réalité peut-être pas assez précisément. Il nous serait donc possible, comme à l'issue de tout apprentissage, de faire des progrès dans notre manière de voir. Mais qui pourrait nous apprendre à mieux voir? Nous nous interrogerons d'abord pour savoir si notre vue s'avère parfois défaillante et pour quelles raisons. Puis nous rechercherons qui pourrait nous apprendre à mieux voir. [Voyons-nous mal le monde? A quoi sommes-nous aveugles?]Les philosophes, de Platon à Descartes, n'ont pas cessé de mettre en cause le caractère trompeur des sens. Nos sens ne sont pas « ajustés au monde », ajoutera Hannah Arendt.

POUR DÉMARRER Ce sujet pose un problème fondamental lié à la notion de perception : s'agit-il d'un acte de l'esprit résultant de l'organisation de celui-ci ou au contraire est-ce le produit d'un apprentissage ? Il est clair que la définition de la perception que vous donnerez joue un rôle déterminant dans votre devoir. CONSEILS PRATIQUES Vous devez parcourir ici successivement les différentes théories concernant la notion de perception telles qu'elles vous ont été enseignées, pour répondre à chaque fois à la question posée. Souvenez-vous que la perception a été longtemps considérée comme l'organisation et l'interprétation des sensations ; ensuite, dans la conception contemporaine, elle est devenue expérience corporelle et saisie de structures globales. Au fond, la perception est-elle savoir ou appréhension non cognitive ? Connaissance ou processus d'organisation ? BIBLIOGRAPHIE LAGNEAU, Célèbres leçons et fragments, PUF. M. MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, Tel-Gallimard.

 

« Introduction La question suggère que percevoir est naturel et inné, par opposition à ce qui est appris et acquis, comme le langage, l'art, la science(présupposés).

La question « peut-on...

? » interroge sur la possibilité physique de modifier ou de perfectionner la perception naturelle: sommes-nous capables d'apprendre à percevoir {forme de la question) ?« Apprendre à percevoir » suppose soit que nous ne pouvons pas percevoir spontanément sans un apprentissage, soit que notreperception naturelle peut être perfectionnée par apprentissage.

Quant à l'apprentissage, il consiste en une éducation ou un exercice,qui permet d'acquérir ou d'améliorer un savoir ou une compétence.

Ne fait pas l'objet d'un apprentissage tout ce qui est inné, c'est-à-dire donné à la naissance {les termes du sujet).

Autrement dit, la perception nous est-elle donnée par naissance, comme la couleur dela peau, ou est-elle acquise par apprentissage, comme le langage ? Notre perception est-elle parfaite dès la naissance, ou peut-onl'améliorer par l'éducation ? Est-elle le produit de la nature biologique ou de la culture d'une société (reformuler la question) ?Le problème soulevé est donc de savoir si notre sensibilité est une donnée innée, si notre corps est achevé dès la naissance, ou sicorps et sensibilité sont façonnés par l'éducation et la culture.

Peut-on modifier sa façon de percevoir? Notre perception dépend-elle dupays et de l'époque où nous vivons ? À travers ce problème sont mis en jeu le rapport entre nature et culture, la relativité historiquede la sensibilité, ainsi que le pouvoir de l'éducation et de la volonté sur le corps (problématique et enjeux).

Nous envisagerons, dans unpremier temps, en quoi la perception est antérieure et indépendante de tout apprentissage ; puis nous verrons que la perception peutêtre améliorée et modifiée par, apprentissage ; enfin, au-delà de la possibilité d'un apprentissage perceptif, nous examinerons s'il fautapprendre à percevoir, et dans quelles limites (annoncer le plan). 2.

Développement (arguments et exemples) a.

Première partie : percevoir ne s'apprend pas. Nous n'avons pas à apprendre à percevoir, puisque dès la naissance le bébé peut voir, entendre, sentir, toucher ou goûter.

Laperception existe donc avant l'intelligence et le savoir, avant tout ce qui s'apprend.

Nous partageons la perception avec les animaux.Or les animaux n'apprennent pas à percevoir ; ils le font d'instinct.

Puisque l'homme est aussi un animal, il perçoit sans apprendre,immédiatement dès la naissance.

Nous apprenons bien des choses : à marcher, à parler, à mémoriser, à réfléchir et raisonner, àdessiner ou à chanter, mais jamais à percevoir.

Car personne n'admettrait qu'il ne sait pas voir ou entendre, du moment qu'il n'est pasaveugle ou sourd.Percevoir ne semble donc pas dépendre d'un apprentissage : il suffit de disposer d'organes des sens en bon état de fonctionnement, etla perception n'est plus qu'un mécanisme spontané.

Ne dit-on pas que même des machines peuvent « voir » ou « entendre », sansl'avoir jamais appris ? b.

Deuxième partie : on peut apprendre à percevoir. Nous avons montré précédemment qu'on peut percevoir sans l'avoir appris ; mais non qu'on ne peut pas apprendre à percevoir.

Sansdoute, chez l'animal ou le nourrisson, un certain nombre de perceptions existent déjà avant tout apprentissage, mais cela n'exclut pasque nous ayons à apprendre certaines perceptions : par exemple, savoir goûter un vin est une perception qui s'apprend.De plus, le nourrisson a des sensations, non des perceptions : il voit des couleurs et de vagues formes, mais percevoir un objetsuppose d'organiser ces sensations en une unité stable et reconnaissable.

Sans ce travail d'unification dans la perception, nous n'avonsqu'un kaléidoscope de sensations anarchiques.

La perception résulte donc d'un apprentissage de structuration des données sensibles.Nous voyons notre capacité à percevoir s'améliorer au cours de notre vie : apprendre la musique ou des langues perfectionne l'oreille.Rousseau conseillait d'éduquer le toucher, de sorte qu'Emile ait « des yeux au bout des doigts », comme les aveugles.Enfin, les tribus de chasseurs ont une vue plus précise que nous ; leurs langues sont plus riches pour désigner les nuances colorées dela végétation ou de la terre.

Cela prouve que la perception est déterminée par le style de vie et la culture : les chasseurs indiensd'Amérique, par contre, ne savent pas percevoir selon la perspective, inventée en Europe à la Renaissance.

On apprend donc àpercevoir selon sa culture, ses besoins, sa langue et sa vision du monde. c.

Troisième partie : faut-il apprendre à percevoir ? On peut donc apprendre à percevoir, et il semble même que notre perception soit essentiellement le fruit d'un apprentissage culturel,même si nous sommes biologiquement « équipés » dès la naissance pour sentir.Demandons-nous alors si on peut ne pas apprendre à percevoir : notre perception peut-elle échapper au conditionnement culturel, etgarder ou retrouver une « innocence » naturelle ? Si apprendre à percevoir garantit une bonne intégration pratique à notre société, parcontre cette relativité de la perception s'oppose à la vérité : quelle est la « vraie » couleur de cet oiseau ? Quel est le « vrai » goût dece vin ? Cela dépend de chacun et de chaque culture...Enfin, apprendre à percevoir pose un problème esthétique : pour Hume, le goût en art suppose de cultiver et de perfectionner saperception des œuvres ; pour Merleau-Ponty, au contraire, il faut désapprendre à percevoir pour retrouver un contact naturel immédiatavec les choses. 3.

Conclusion (récapituler et ouvrir à d'autres questions) Non seulement on peut apprendre à percevoir, mais la perception se distingue de la pure sensation physique en ce qu'elle résulte d'untravail de construction intellectuel et d'une détermination culturelle.

Apprendre à percevoir, est-ce alors se dénaturer, en perdantl'innocence d'un regard animal ou enfantin sur le monde ? Ou pénétrer plus finement la nature et l'art, grâce à une sensibilité exercée ?Décider du degré d'apprentissage à imposer à la perception, c'est choisir un certain rapport de l'homme à la nature et au monde, entreart et vérité, entre maîtrise et jouissance.. »

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