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Pourquoi les mathématiques ont-elles toujours été, pour le philosophe, un objet privilégié de réflexion ?

Publié le 27/02/2008

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Remarquer qu'il n'est pas énoncé: "L'objet privilégié de réflexion", mais "un objet privilégié de réflexion". Il ne nous est pas demandé si "les mathématiques ont toujours été un objet privilégié de réflexion" ni si les philosophes ont été toujours eux-mêmes des mathématiciens... Il est sans doute bon de s'interroger pour savoir en quoi les mathématiques peuvent être un objet privilégié de réflexion pour le philosophe; cette interrogation pouvant nous conduire à la réponse à la question "pourquoi".

« sur des êtres réels, mais sur des constructions de l'esprit, toujours fidèles à la définition qui les constitue.

Kant exprimait cette situation en disant que la pensée mathématique se composede jugements a priori. b) La fécondité : Et pourtant, la démonstration mathématique aboutit à des propositions qui n'étaient point contenues dans les définitions de départ(opposer l'induction complète qui n'est qu'une répétition tautologique).

Nousassistons sans cesse à ce paradoxe de trouver dans les constructions denotre esprit plus que nous ne savions y avoir mis.

Ainsi, l'égalité des anglesd'un triangle isocèle n'est point contenue dans sa définition, et pourtant elles'y joint nécessairement dès que je songe à faire pivoter le triangle autour dela bissectrice du troisième angle.

Toutes les définitions mathématiques sontainsi génératrices, se comportant comme des germes qui engendrent plusqu'ils ne contiennent.

Kant exprimait cette situation en disant que la penséemathématique se compose de jugements synthétiques.Le logicien rencontre beaucoup de jugements a priori (par exemple en Logiqueformelle) et de.

jugements synthétiques (par exemple dans les sciencesexpérimentales) ; mais en mathématiques — et cette réunion paradoxale posepeut-être un problème au métaphysicien — ces deux caractères se trouventréunis.

Disons donc, en employant le langage de Kant, que le privilège desmathématiques s'explique par leur caractère synthétique a priori. 3) Discussion.

Les limites du Privilège mathématique. Privilège qui provient en somme du caractère exceptionnel de l'être mathématique, création de notre esprit.

C'estdire qu'il serait dangereux d'exiger partout une connaissance « more geometrico ».

De nombreuses réalités nousrésistent, s'imposent à nous sans se laisser construire, ni reconstruire.

Ne croire qu'aux mathématiques, ce seraits'interdire, l'approche de ces réalités rebelles.

Et s'appauvrir d'autant.

Pascal réagissait ici contre Descartes; l'espritde finesse nous ouvre bien des portes que fermerait l'esprit de géométrie.

De même BERGSON réclame en faveur d'une connaissance souple, se pliant au réel, tâtonnante peut-être, mais allantfinalement plus loin que la démonstration mathématique.

Précisons quelques-unes des limites de cette dernière. a) Les mathématiques portent sur des êtres définis une fois pour toutes,immuables et universels.

Mais les réalités les plus importantes de notre vie ne sesoumettent pas à de telles lois de construction.

Elles sont singulières etchangeantes.

A décrire par de patientes retouches.

On ne donne pas ladéfinition de Néron, on en fait le portrait.

On n'écrit pas la formule de la cruautéou de la vanité; on les suggère par une évocation artistique.

Qui ne connaîtraitque la définition ou la formule de type mathématique perdrait le sens du concret.Valeur formatrice — pour équilibrer les mathématiques — de la science concrètepar excellence, l'histoire. b) Plus profondément, les mathématiques portent sur un univers créé par nous,et de sa docilité vient leur perfection.

Mais les connaissances les plus précieusessont peut-être celles qui nous ouvrent sur le réel, et de sa résistance vient leurprix.

Atteindre la réalité ce n'est pas nous l'assimiler, mais nous adapter à elle.Non pas lui imposer nos propres formes d'intelligibilité, mais nous faire semblablesà elle.

Nous changer pour ne pas la changer.

Bergson songeait à cet effortlorsqu'il décrivait l'intuition.

Et de même Claudel lorsqu'il disait que « co-naïtre »c'est naître avec.

Qui ne voudrait se défaire de l'impérialisme mathématique, perdrait le sens de l'autre. Conclusion On pourrait comparer la, connaissance mathématique à celle que le créateur possède de sa création.

De là sonprivilège et aussi ses limites.

Il faudrait croire que l'on peut coïncider avec Dieu pour espérer démontrer touteschoses., Et nous comprenons ici que Spinoza qui fait de l' « Ethique » une suite de théorèmes soit précisément unpanthéiste.

Aboutissement normal du rationalisme mathématique.

Mais si l'homme est jeté dans un monde qu'il n'apas fait, créature et non créateur, il lui faut abandonner la démonstration au profit de méthodes plus humbles.Tâtonner, sympathiser, co-naître.

Tel est peut-être le sens de la réaction de Pascal contre l'esprit de géométrie.. »

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