Sophocle
Publié le 21/05/2012
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(v.496-406 av. J.-C.) Dramaturge, un des trois grands auteurs de tragédies grecques avec Eschyle et Euripide. Contrairement à Eschyle, il place le destin individuel au centre de ses drames, réduit l'importance du choeur antique et introduit un troisième comédien. Dans la tragédie de Sophocle, l'homme est suspendu à un destin qu'il ne peut maîtriser, en raison de sa petitesse et de son impuissance face aux dieux. Seuls sept drames de Sophocle sur cent trente nous sont parvenus : Antigone, Electre, Ajax, Philoctète, Oedipe Roi, Oedipe à Colone, les Thrachiniennes. En 1911, des fragments de Ichneutaï ont été retrouvés. Le théâtre antique d'Athènes
«
C'est plus de vingt ans après ses premières victoires, à partir de la cinquantaine, que
Sophocle paraît en possession de la maîtrise de son art, de son style propre, de sa pleine fécondité.
Il n'est pas sûr que la gaucherie ou la raideur que nous croyons reconnaître dans l'Ajax ou les
Trachiniennes soient nécessairement des signes de jeunesse ; ces œuvres nous permettent du moins
de mesurer le prix de l'aisance souveraine qu'on trouve aux œuvres du grand âge, le puissant et
abrupt Philoctete et, quelques années plus tard, à la veille de la mort, à quatre-vingt-dix ans,
ce
poignant testament poétique qu'est, en son atmosphère quasi surnaturelle, l'Œdipe à Colone;
mieux encore, encadrant peut-être, précédant ou suivant de peu l'Antigone ( 44 r), ces deux œuvres
nous
permettent de sentir ce que fut alors la découverte du beau mouvement dramatique qui dès
le prologue
s'empare de l'âme du spectateur et la porte d'un élan jusqu'au dénouement, et que
nous avons appelé depuis l'unité d'action.
Vingt-cinq ans plus tard, Electre sera la reprise savante,
trop savante il est vrai, avec les mêmes figures, des mêmes moyens devenus procédés conscients
d'un sûr métier; à mi-chemin, cette manière de chef-d'œuvre du maître artisan, l'Œdipe-Roi,
dont le pire défaut est d'être devenu très tôt un modèle, figeant le ton tragique, engendrant les
règles.
Cette flétrissure pourtant n'a pu atteindre la fraîcheur de l'Antigone qui reste pour Sophocle
et pour la tragédie attique l'instant de la grâce.
Cette tragédie n'est encore au début du siècle, avec Eschyle, qu'un long récit brodé sur la
trame continue des chants du chœur, sommairement réparti entre une ou deux voix, et ne fait
que redire solennellement les grandes lois du destin inscrites dans la légende ; Sophocle y instaure
l'art du discours, des beaux raisonnements où chacun justifie sa conduite, des 'promptes répliques
qui se croisent dans l'assaut du dialogue, et le goût de l'analyse morale : le visage d'Antigone
se modèle face à celui de Créon, s'enlève sur le profil plus tendre et fraternel d'Ismène ; surtout
il change avec l'heure ; tour à tour s'y inscrivent héroïsme et faiblesse, et cette vie d'une âme
« ondoyante et diverse » est désormais le vrai mouvement du drame.
Les chœurs qui viennent
rythmiquement suspendre ce mouvement ne font qu'en souligner le sens.
Dans l'équilibre, entre
l'élan de l'inspiration et les finesses du métier, entre le respect de la légende et sa traduction en
termes humains, entre l'incantation lyrique et le jeu clair du discours, la tragédie découvre ses
traits et sa structure classiques.
En même temps des figures adorables, des thèmes éternels de méditation sont jetés dans
l'imagination et dans la pensée.
Sophocle, chantant la puissance terrible de l'amour, la miracu
leuse intelligence de l'homme, invoquant les arbres, les oiseaux et les gloires du paysage natal et la
lumière du soleil que pleure en mourant son Antigone, opposant dans la clarté de la conscience la
loi morale jaillie du fond de l'âme à la loi aveugle du prince ou de l'État, Sophocle n'est sans
doute que l'Athénien par excellence et simplement cela ; mais du même coup pleinement homme
et fixant dans son œuvre l'une des formes les plus nobles et les plus pures qui aient été jamais
conçues et peut-être vécues de la sagesse et de la dignité de l'homme parmi ses souffrances
et ses joies.
PIERRE GUILLON
Ancien Membre de l'Ecole d'Athènes
Recteur de l'Académie
A1ontpellier.
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