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(Sujet : « Les Livres les plus utiles sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié », Voltaire. A la lumière de votre lecture de Candide, appréciez ce jugement de Voltaire.

Publié le 21/08/2012

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« parlement, ce pays « à l’envers » fait réfléchir le lecteur sur les failles de la France du XVIIIème siècle et donne à lire l’absence d’égalités, l’inaccessibilité dupouvoir et l’intolérance religieuse de la France d’Ancien Régime.Le type de raisonnement qu’implique le recours à la fiction fait appel au lecteur.

Ainsi, après le travail d’imagination fourni par le lecteur, le conte philosophiques’adresse aussi à la raison du lecteur et énonce des vérités importantes, fruits d’une observation lucide de l’actualité ou d’une réflexion profonde sur la naturehumaine.

Par ailleurs, dans le chapitre vingt-deux de l’œuvre, de loin le plus long du conte, le lecteur est invité à établir le lien entre les faits –Candide est dépouillépar Paris »- et les idées (Paris est la capitale de la décadence et de la perversion) : cette incitation à la réflexion, le passage nécessaire de l’exemple à la généralisation,du concret à l’abstrait, oblige le lecteur, après l’agrément du récit, à une interprétation pour traduire l’exemple en une sorte de moralité.

Le lecteur est même amené às’interroger sur ses propres préjugés d’où les thèmes parisiens du chapitre, qui appuient l’amertume de Voltaire face à la « ruine » de Paris.

En fait, le lecteur suitl’histoire sans penser à la morale : il se laisse entraîner et...

surprendre par la logique du raisonnement inductif.

Ici, Voltaire recourt à une argumentation qui utilise lemasque du récit : il invite le lecteur à participer à la construction du sens de l’œuvre.

Séduit par le charme du récit, le lecteur est d’autant plus fasciné et absorbé parles aventures de Candide, plus attentif au sort des personnages mis en scène qu’à la lourdeur argumentative de certains essais.

Captive, le lecteur est plus réceptif à laleçon qui s’immisce à travers les lignes.

Alors, la force du conte ne réside non pas dans les préceptes éthiques peu concrets qui peuvent se lire dans la morale maisdans le spectacle des aspects palpables du bien et du mal qui prennent alors pour le lecteur toute leur signification.

Le lecteur lève le voile de l’allégorie et exerce untravail de déchiffrage au niveau des personnages : derrière l’apparente aménité de l’abbé se dévoile la turpitude du personnage prêt à voler Candide en l’accusant« d’étranger suspect » auprès des autorités, elles-mêmes corrompues.

Par ce cheminement, le lecteur comprend que Voltaire s’attaque implicitement à tout unsystème religieux et judiciaire fallacieux.

En outre, stimulé, le lecteur est flatté que Voltaire s’adresse à lui par l’implicite : dissimuler une vérité importante sous lerécit suppose que l’auteur lui fait confiance et le juge intelligent.

Ainsi, il le laisse comprendre lui-même l’érosion d’un système qui baigne dans une mer corruptive.Le lecteur sait qu’il se montre supérieur à Candide qui ne se rend pas vraiment compte de la situation à laquelle il est confronté.

Guidé par le récit et non unerhétorique argumentative autoritaire, le lecteur perçoit lui-même, grâce à son imagination et sa réflexion, les intentions de l’auteur.

Dès lors, loin de se rebeller contreune idée qui lui est imposée, il ne peut qu’adhérer à un propos qu’il a lui-même établi. [Conclusion partielle du 2ème axe et transition annonçant la 3ème partie] Ainsi, le conte philosophique est doublement utile : au lecteur, il apporte une certaine instruction par une lecture participative ; à l’auteur, il apporte l’adhésion dulecteur à ses convictions et à sa thèse qu’il a lui-même formulée.

Néanmoins, un livre est-il « plus utile » lorsque le lecteur participe à la construction du sens del’œuvre ? N’y a-t-il pas des risques à cette participation ? Un livre doit-il nécessairement être utile ? [III- Les limites du jugement de Voltaire (réfutation)] Pour Voltaire, l’utilité d’un livre se juge à la participation du lecteur.

Autrefois cultivé, le lectorat était capable de comprendre et d’apprécier la circonlocution deVoltaire.

Ainsi, dans le second chapitre, Candide se fait remarquer par « deux hommes habillés de bleu » qui l’invitent « à dîner très civilement » : le lecteur duXVIIIème siècle comprend immédiatement l’ironie du passage et la méthode que l’armée emploie pour recruter des civils par force.

A travers les « uniformes bleus »,le lecteur de l’époque reconnaît les sergents de Prusse et savoure la connivence instaurée par l’auteur.

Aujourd’hui, à l’inverse, la perte de certaines référencesculturelles entache la compréhension spontanée du texte si bien que le lecteur a désormais besoin d’explications pour pallier les difficultés scripturaires et lasophistication syntaxique inhérente aux œuvres des Lumières.

Le lecteur d’aujourd’hui participe donc à moindre mesure à la construction du sens du texte.

Pourautant, le conte philosophique ne se trouve pas amputé de sa fonction distrayante.

Alors, pour Voltaire, Candide serait « moins utile » de nos jours dans la mesure oùle lecteur participe peu à l’édification de son sens.Choisir de laisser la parole à un personnage fictif pour convaincre apparaît d’emblée comme une forme d’argumentation efficace car le lecteur s’instruit ens’amusant.

Cependant, cette stratégie argumentative peut comporter certains risques.

En effet, la tentative de construction du sens ultime de l’œuvre par le lecteurpeut être vouée à l’échec.

Ainsi, dans le troisième chapitre de Candide, Voltaire exhale son abomination pour la guerre.

Au lieu de rédiger un véhément pamphletdélétère contre la « boucherie héroïque » guerrière, l’auteur préfère user de l’ironie en adoptant le point de vue naïf de Candide, qui assimile les combattants abares etbulgares sanguinaires à des « héros » et qualifie leurs désirs de viol de « besoins naturels ».

Derrière une représentation esthétique du champ de bataille « si beau, sileste, si brillant » perce la raillerie de Voltaire qui ne doit absolument pas être manquée sous peine de comprendre le chapitre à contresens.

Il est vrai qu’une lectureau premier degré peut induire le lecteur en erreur : si ce dernier ne lève pas le voile de l’ironie, s’il ne fait pas la distinction entre le personnage fictif de l’auteur, ilverra en Voltaire un chantre de la guerre au lieu d’un philosophe pacifiste.

Par conséquent, la littérature demeure un art dont les subtilités peuvent parfois échapper àun lecteur peu averti.

Sa participation peut alors nuire à la compréhension et à la construction de l’œuvre.Au premier abord, l’on pourrait croire que puisque tant de livres se publient et peuplent par leur diversité l’immense bibliothèque littéraire mondiale, un livre estutile.

Ainsi, dans le chapitre vingt-cinq, Pococurante, pour qui la vie, à l’image de Venise, est enlisée dans des eaux froides et dans des reflets vains, déplore lavacuité des livres où « il n’y a [que] de vains systèmes, et pas une seule chose utile ».

Blasé, le personnage recherche, comme Voltaire, une utilité dans le livre.Cependant, si l’utilité da la littérature d’idées, des contes philosophiques à visée morale, paraît profondément enracinée dans les terres littéraires, qu’en est-il desécrits esthétisants qui revendiquent, au XIXème siècle la recherche de « l’art pour l’art » ? Alors, est-ce que faire de la littérature demeure encore utile quand on nemêle pas politique, philosophie et littérature, comme dans Candide ? Finalement, la gratuité s’érige, elle aussi, comme une forme d’engagement contre l’efficacité, lagratuité, l’horreur qui règne dans certains endroits du monde...

L’ultime utilité de la littérature serait donc de parvenir à préserver son aspect pittoresque, désormaisérigée en valeur universelle.

Enfin la littérature doit s’affranchir d’une trop grande contingence : une œuvre comme Candide, très ancrée dans son époque –commel’Inquisition au chapitre six- peut s’oblitérer. [Conclusion partielle du 3ème axe du devoir, avant le bilan général du devoir] Ainsi, la littérature n’a pas pour unique but le débat d’idées : en effet, l’idée ne doit en aucun cas détruire, « tuer » l’art.

Quant au lecteur, il faut parfois limiter saparticipation : il peut par une incompréhension fortuite de l’œuvre nuire à l’édification de son sens. [Conclusion générale du devoir : bilan + ouverture] Comme toute position trop tranchée, le rôle que Voltaire assigne au lecteur est peu recevable, même si sa participation à l’œuvre peut servir le dessein de l’auteur : lapersuasion.

Sans rejeter l’utilité du livre et des écrivains comme Voltaire qui se sont appliqués à dénoncer les bévues et les abus des institutions religieuses,politiques...

il faudrait concevoir une littérature moins utilitariste, une littérature d’évasion et de loisir, échappatoire littéraire aux problèmes quotidiens.. »

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