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TARTUFFE DE MOLIERE: ACTE III - Scènes 1 et 2

Publié le 15/06/2011

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moliere

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« C'est que Tartuffe doit simultanément avoir l'air de ce qu'il est, mais qu'il cache (un hypocrite), et de ce qu'il n'estpas, mais donne à voir (un dévot).

Pour cela, Molière le fait en outre jouer devant un double public, qu'il installe àl'intérieur même du dispositif dramaturgique.

Tartuffe joue en même temps devant des aveugles, comme MmePemelle ou Orgon, et devant des clairvoyants, comme Cléante ou Dorine.

Tandis que devant les aveugles il mimeavec emphase la danse du dévot, aux yeux des clairvoyants l'excès même de son jeu révèle qu'il joue.C'est exactement ce qui se produit lors de son entrée en scène : dès qu'il « aperçoit Dorine », nous voyons sousnos yeux Tartuffe se composer et prendre le masque.

Le quatrain qu'en apparence il adresse à Laurent est unecomédie dans la comédie, jouée avec son comparse à l'intention de Dorine.

L'erreur de Tartuffe, comme celle desvieux cabots, est de se méprendre sur la situation : il croit que Dorine ne l'a pas vu, et, la prenant de ce fait pour «aveugle », il lui mime sa danse du dévot sans estomper l'habituelle emphase de son jeu.

Parce qu'il a composé samine en « apercevant Dorine », nous sentons tout ce que la componction de son discours (« ma haire », » madiscipline ») peut avoir d'affecté.

D'autant que la » macération » ne convient guère à quelqu'un dont nous savons lerobuste appétit (cf.

v.

191-194, 234, 238-240, 245).

Ainsi, Tartuffe fût-il damoiseau, notre point de vuecoïnciderait aussitôt avec celui de Dorine.

En quasi-aparté, elle commente l'outrance de ce jeu dans le jeu, par unalexandrin monorème remarquable où les accents mobiles sont compensés par des accents consonantiquesd'intensité, dont le premier est rendu nécessaire par une suggestive diérèse :» Que d'affec/tati-on // et de for/fanterie ! » Mais Dorine ne fait que rendre à l'hypocrite la monnaie de sa pièce :elle aussi sait jouer sur les limites de l'illusion comique : par un effet symétrique de comédie dans la comédie, son »aparté », comme l'apostrophe de Tartuffe à Laurent, n'était que pour être surpris ! Quoi qu'il en soit, la voiciinstallée plus que jamais dans la fonction de personnage-témoin.

Elle continue d'être le miroir véridique qui réfléchiten direction du public la duplicité du jeu de Tartuffe.

Dorine est celle qui en sait le plus et, par son regard, lesspectateurs en sauront toujours autant qu'elle : sa fonction est de soulever les masques.

La suivante sert donc àMolière de truchement : tandis qu'elle parle sur scène à d'autres personnages, c'est à nous que Molière s'adresse. 7.

C'est sans doute un peu par économie que Molière ne montre pas Laurent sur scène.

Il est néanmoinsremarquable qu'il interdise ainsi à Tartuffe toute scène de confidence.

Parlant à son » garçon », Tartuffe aurait punous révéler son vrai visage et ses intentions.

Mais on voit que Molière s'est également interdit d'accorder àl'hypocrite le moindre petit aparté, a fortiori le moindre monologue.

Il y donc là un parti délibéré, que ne sauraientexpliquer de simples contingences de représentation.

Ce parti est d'autant plus remarquable que le dramaturge,contrairement au romancier, ne peut se faire omniscient.

Il ne peut qu'adopter le point de vue de ses personnagesles plus clairvoyants, qui, eux-mêmes, ne peuvent sonder les reins et les coeurs au-delà des apparences.

Nous neconnaîtrons donc jamais le coeur de Tartuffe.

Il y avait à cela plusieurs raisons :- ce qu'est en soi Tartuffe importe peu, seul compte ce qu'il est pour Orgon, le monomane de la pièce.

Sa fonctionpremière est d'être l'objet de la quête d'Orgon : il n'est donc que le fantasme d'un désir ;- la comédie classique reposant sur la fixité des caractères, Molière se refuse à montrer les métamorphoses d'unProtée baroque : son hypocrite sera toujours montré en hypocrite, c'est-à-dire masqué ;- la force dramatique du rôle tient à ce que Tartuffe est condamné à porter un masque, dont il s'efforceconstamment de se défaire, sans jamais y parvenir. Cette impuissance le rend maladroit puis furieux, et cela crée, à l'intérieur du personnage, une tension dramatiqued'une force étonnante, qui alimente les péripéties et peut même prendre des résonances presque pathétiques ;- de plus, demeure jusqu'au bout suspendue cette question : verrons-nous jamais son visage ? Et le mystère dumasque est certainement le plus sûr moyen d'entretenir la suspension d'intérêt.

Molière avait trop de métier pour sepriver d'un si puissant ressort. 8.

Cette scène achève la transition entre la résolution de contre-attaquer (v.

795-852) et l'exécution du plan (III,3).

Elle permet une bonne lecture d'un personnage non encore apparu et pour cela le présente avant qu'il n'agisse,selon la technique constante de Molière.

Elle n'en est pas moins un sketche fort comique : comédie dans la comédie(v.

853-862 et v.

875-76), comique gaulois dans le célèbre lazzi de Tartuffe (v.

861: « Couvrez ce sein que je nesaurais voir.

»), ainsi que dans la verte réplique de la décolletée : Dorine, la poitrine sous le nez du cagot, se plait àévoquer sa nudité à lui, peu tentante...

(v.

863-868).

Plaisir enfin de voir d'emblée Dorine soulever le masque ettromper le trompeur.. »

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