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Vaclav Havel, du théâtre à la présidence

Publié le 22/02/2012

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28-29 décembre 1989 - Au fil des jours, les manifestants de Prague ont eu trois héros, trois noms scandés avec une force retrouvée : Mazaryk, Dubcek et Havel. Tomas Masaryk, fondateur et premier président de la République tchécoslovaque en 1918, est le symbole historique de la Tchécoslovaquie démocratique Alexandre Dubcek, le dirigeant du " printemps de Prague ", est revenu ces jours-ci, après vingt ans de silence, pour dire sa foi dans le " socialisme à visage humain " Vaclav Havel, lui, est l'homme de ce soulèvement populaire de novembre 1989, l'homme du combat pour la démocratie, celui qui ne s'est jamais tu et que la foule pragoise a tout naturellement désigné, presque malgré lui, comme son leader. Jusqu'à ces derniers jours, Vaclav Havel, cinquante-quatre ans, répétait, en effet, qu'il était avant tout un homme de lettres, auteur dramatique dont les pièces étaient interdites dans son propre pays depuis vingt ans, plutôt qu'un politicien, et que l'exercice du pouvoir ne l'intéressait pas : " Je préfère, disait-il, être celui qui fait les rois plutôt que le roi. " La semaine dernière encore, devant la foule qui l'acclamait place Venceslas, il s'excusait de vouloir être bref au micro : " Je suis un écrivain, pas un orateur, et, par-dessus le marché, on peut me couper l'électricité à tout moment. " C'était la réaction naturelle d'un homme qui, avec quelques poignées d'autres, a lutté pendant de longues années contre le totalitarisme dans le plus complet isolement et qui, du jour au lendemain, se retrouve plébiscité par trois cent mille personnes. Au moment où Alexandre Dubcek et ses partisans, les communistes réformateurs de 1968 exclus du parti par centaines de milliers au nom de la " normalisation ", renonçaient, traumatisés, à toute activité politique, Vaclav Havel participait, il y a douze ans, à la création de la Charte 77. Au départ, il ne devait s'agir " que " d'une organisation de défense des droits de l'homme mais, dans le climat d'immobilisme qui régnait alors, c'était déjà très politique et les " chartistes " payèrent cher leur initiative. Havel fut d'abord emprisonné plusieurs mois en 1977, puis de nouveau en 1979, cette fois pour quatre ans, sous l'accusation de subversion. En janvier dernier, il est de nouveau arrêté pour avoir déposé, entouré de manifestants, des fleurs à la mémoire de Jan Palach, l'étudiant qui s'était suicidé par le feu en 1969. Nombreuses condamnations Sa condamnation à neuf mois de prison et la répression brutale des manifestations de janvier déclenchent un mouvement qui, en fait, va mûrir jusqu'à aboutir à l'explosion de novembre. Des artistes, des intellectuels, qui s'étaient tus pendant vingt ans, signent des pétitions, l'Occident proteste, des milliers de lettres de soutien parviennent à la prison et le pouvoir finit par faire relâcher Havel au bout de quatre mois et demi. Chez lui et à l'étranger, Vaclav Havel, au théâtre le spécialiste de l'absurde, est devenu le symbole de la contestation en Tchécoslovaquie, et Milos Jakes, alors chef du Parti communiste, s'en exaspère. En juillet, au cours d'une réunion régionale du parti, il reconnaît qu'il vaut mieux laisser Havel tranquille et harceler des opposants moins connus... Aujourd'hui, l'accélération des événements, la foule de plus en plus nombreuse dans la rue tous les jours, si nombreuse que la place Venceslas ne suffit plus et qu'il faut mobiliser le stade de Letna, le pouvoir qui cède et se désintègre, tout cela pousse Havel au premier plan et, finalement, il est élu président de la République le 29 décembre 1989. SYLVIE KAUFFMANN Le Monde du 28 novembre 1989

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