La vérité et l'erreur
Publié le 13/06/2012
Extrait du document
Définition. - L'opinion. est l'état de l'esprit qui affirme avec la crainte de se tromper. Contrairement au doute, qui est une suspension du jugement, l'opinion consiste donc à affirmer, mais de telle sorte que les raisons de nier ne soient pas éliminées avec une entière certitude. La valeur de l'opinion dépend ainsi du plus ou moins de probabilité des raisons qui fondent l'affirmation.
Tantôt, nous parlons de « vrai vin «, de « vrai or «, tantôt nous disons : « Ce vin est bon «, « cet or est pur «, « ce tableau est beau «. Dans les deux cas, nous voulons affirmer que ce qui est, est. Et c'est en cela même que consiste la vérité en général. Mais il y a cependant une différence entre les deux genres d'expressions que nous venons de citer. Le premier exprime une rérité ontologique, le second une rérité logique.
«
que nous concevons fort clairement et distinctement sont toutes
vraies.
>> (Discours de la Méthode, 4e partie.)
Cette définition est très équivoque.
En effet, la clarté et la
distinction sont des propriétés formelles des idées (52), qui ne
nous
apprennent rien sur les objets eux-mêmes.
Je puis avoir
l'idée claire
et distincte d'une chimère, d'une montagne d'or,
d'un chiliogone.
Mais ces idées ne sont en elles-mêmes ni vraies
ni fausses.
Elles ne
le deviendront que par le jugement qui les
mettra en connexion avec un prédicat leur convenant ou non.
-
Quant à la clarté du jugement, il va de soi qu'elle ne saurait
suffire à définir la vérité.
Il y a maints jugements parfaitement
clairs qui sont parfaitement faux (La terre est couverte de mon
tagnes d'or).
A plus forte raison devra-t-on rejeter aussi
la définition kan
tienne de la vérité comme étant cc l'accord de la pensée avec
elle-même
n.
En effet, la chose que signifie le sujet du jugement
et dont nous affirmons, par le prédicat, quelque attribut, est
évidemment conçue comme distincte
du jugement lui-même.
C'est dans la conformité de la pensée avec cette chose ou cet
objet que réside la vérité, non dans la simple cohérence, qui n'est
encore qu'une propriété formelle.
118 Il y a intérêt, en anticipant sur la Critique, à noter et discuter ici
brièvement une objection que l'on oppose souvent à la défmition du vrai comme conformité au réel.
Il y a là, dit-on, cercle vicieux, car
comment savoir, sinon par des représentations encore, qu'un juge ment est conforme avec ce qui est ? Pour s'assurer de la vérité de
la représentation, il faut recourir au réel ; mais pour connaître le
réel, il faut recourir à la représentation.
Le cercle est évident 1
.
Cette objection est sans portée.
La vérité, qui ne se trouve quo dans le jugement (60), s'établit en effet pa.r référence à des repré sentations (images ou concepts), mais à des représentations qui,
comme telles, c'est-à-dire, abstraites du jugement, sont le réel même, tel qu'il est reçu dans les sens ou l'entendement (43).
L'objection
que nous discutons repose donc sur une fausse notion de la connais sance et sur le postulat implicite que le jugement est l'opération
fondamentale de l'esprit.
Or ce postulat est erroné, car le jugement suppose toujours la simple appréhension, par laquelle l'esprit entre
en possession du réel.
C'est par référence à cette appréhension, et par conséquent au réel même, que l'on peut établir la vérité ou la
fausseté du jugement.
Il n'y a là aucune espèce de cercle vicieux.
Sinon, il faudrait renoncer à donner un sens au mot de « vérifica tion ».
On assure bien que, faute de pouvoir trouver le contact avec
{1) Cf.
Mouy, Logique, Paris, 1%4, p.
23..
»
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