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Le roman, c'est l'histoire d'une découverte progressive ...

Publié le 15/01/2018

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histoire

Je distinguerais d'après cela trois sortes de personnages dans les

D'abord le personnage qui pense pour le lecteur et à la place de qui le lecteur se met touj ours; en ce sens un roman n'est qu'un monologue. Et, comme je ne suis point deux, ainsi il ne faut qu'un personnage de ce genre ; et s'il manque, c'est l'auteur même qui m'invite à penser et à observer avec lui. D'autres personnages sont connus seulement par leurs actions, leurs gestes et leurs paroles, autant que le principal personnage les perçoit ; mais la confiance on l'intimité permettent ici de deviner beaucoup ; et de plus les sentiments romanesques agissent aussi sur eux et les éveillent par éclairs ; mais ils sont de l'objet déjà, et déjà engagés dans le mécanisme extérieur. Encore y a-t-il ici des degrés, et Mathilde est plus loin de nous, moins acces-sible et plus chose, que Madame de Rênal. La troisième espèce comprend les Samanon, les Hochon, les Cibot, les Fraisier, les Listomère, les Conti. C'est un peuple d'automates, non point secondaires d'importance, mais soutenant le monde des hommes au contraire, et lui donnant force et résis¬tance d'objet. De quoi le romanesque ne sait pas grand'chose, ni personne; contre quoi nul ne peut rien. Ils parlent et agissent selon la nécessité ; leur porte fermée, on ne sait plus rien d'eux. J'ai longtemps remarqué la puis¬sance de ces figures qu'on dirait épisodiques, j'entends extérieures, aussi bien pour elles. Mais j e n'ai pas compris sans peine que cette puissance venait de ce que ces esquisses, en traits et en actions seulement, sont par leur être même des esquisses, en ce sens que la vie romanesque y est niée absolument; même leurs affections sont sans conscience; c'est pourquoi ni amour, ni prière ne les touchent. De Marsay est sans doute la plus saisissante de ces

 

figures sans pensée, ou sans conscience, dans tous les sens de ce mot si riche; le puéril de Mortsauf encore, et tant d'autres. Tous ces degrés d'êtres font un monde plein, que la pensée romanesque éclaire et dessine en tous ses reliefs. Ces remarques aideront à comprendre ce que c'est qu'un roman sans matière, et fait seulement de confidences.

Ce qui fait le roman et ce qui le tient debout, c'est sans doute ce passage d'enfance à maturité, qui est comme l'histoire intime de tous nos sentiments et de toutes nos pensées. Comme on voit bien en Tolstoï, maître du genre par ce désaccord entre le tumulte de l'attente et la réalité de la chose. Le mouvement d'un timide qui imagine des conflits, des obstacles, et qui trouve l'objet humain dans un fauteuil, produisant par sa forme un genre de pensées sans aucune conséquence, et terminé là comme une chose, ce mouvement et cette rencontre, qui fait massacre de fausses suppositions, est proprement romanesque. C'est ainsi que les immenses rêveries de Lévine se terminent à sa femme, à ses enfants, à sa ferme ; et celles de Besoukov à marcher sous la pluie sans penser à rien d'autre; et la peur d'avoir peur est effacée par le métier de soldat, ce qui fait que le jeune Rostov apprend bien vite à suivre les ordres et à ne plus penser en avant de l'action. Napoléon vu de loin est un homme qui sans doute pense, souffre, espère et se trompe ; mais il se montre et il est impénétrable ; le bruit de son pas vif termine toutes nos conjectures et n'en éveille point d'autres. Et le roman nous plaît par ce mouvement juste qui va des apparences à l'objet; car c'est ainsi que toutes nos pensées mûrissent. Tous les épisodes d'un roman commencent par la confidence et se terminent par la description. A peine l'enfant est né qu'il faut le nourrir, le laver, le brosser, le bercer; nous voilà forcés de contourner cette nature inflexible, sans la connaître. << Il faut être sage ,>, comme dit à Fabrice je ne sais quel politique, et peut-être Mosca ; mais nul n'est sage pour longtemps. Devant chaque objet qui se montre, il faut recommencer ; et Mosca lui-même ne sait pas toujours se munir de ses plaques et cordons lorsqu'il veut persuader; en quoi il est romanesque. Il faut en rabattre, et à toutes les minutes. Quand Tolstoï en vint à ne plus rien rabattre de ses pensées, il avait passé l'époque du roman. Au contraire, ses Souvenirs sont un roman, par le passage d'un âge à l'autre, et par la maturité à chaque

histoire

« refroid it les images et en même temps les brouille.

Peut-être plusieurs vies intérieures en conflit, comme le per met le roman par lettres, donnent-elles plus de variété; mais par cet abus d'analyse, l'objet manque aussi.

Car la vie romanes que ne s'écl aire que par l'oppo sition des objets et par la pré sence du monde ; et dans le monde des objets il fau t compter les homm es aussi.

C'est en quoi la Julie est inférieure aux Confe ssions.

Enfin le thème detout roma n, c'est le con flit d'un personnage romanesque avec des choses et des ho mmes qu'il découvre en perspective à mesu re qu'il avance , qu'il connaît d'abord mal, et qu'il ne compre nd jamais tout à fait.

Au regard de sa fille, le père Grandet est un objet; aussi le roman a pour titre Eugénie Grandet.

On peut essayer d'ima giner ce que serait le roman, si Grandet en était le principal personnage; mais il y aurait alors quelque chose de roma nesque dans ce cara ctère, ce qui, à pre mière vue, s'accorde assez mal avec l'avarioe.

Touj ours est-il que, dans l'œuvre de Balzac, les rêveries de Grandet ne nou s sont connues que par ce qu'il dit et par ce qu'il fait.

Mais, en all ant plus avant, on pourrait dire que ce genre de caractère ne s'oppose pas aux forces exté­ rieures, mais plutôt les accepte et s'y joint, ce qui fait que la vie intérieure est ici une sorte de désert inexprimable peut-être.

Et même la vie intérieure de Madame de Mortsauf est sans doute plus simple que Félix ne croit, et plus simple assurément qu'il ne voudrait.

On la devine d'après la lettre de la morte et d'après quelques traits de son agonie.

Par ces moyens le monde reste fort, et la pen sée roma nesque saisit son terme antagoniste, ce qui la fait exister aussi.

Je distinguerais d'a près cela trois sortes de personnages dans les D'abord le pers onnage qui pense pour le lecteur et à la place de qui le lecteur se met toujours; en ce sens un roman n'est qu'un monologue.

Et, comme je ne suis point deux, ainsi il ne faut qu'un personnage de ce genre ; et s'il manque, c'est l'auteur même qui m'invite à penser et à observer avec lui.

D 'autres personn ages sont co nnus seulement par leurs actions, leurs gestes et leurs paroles, autant que le princip al pers onna ge les perço it ; mais la co nfiance on l'inti mité permettent ici de deviner beaucoup ; et de plus les sentiments romanesques agissent aussi sur eux et les évei llent par éclairs ; mais ils sont de l'obj et déj à, et déj à engag és dans le méc anisme extérieur.

Enc ore y a-t-il ici des degrés, et Mathil de est plus loin de nous, moins acces­ sible et plus chose, que Madame de Rên al.

La trois ième espèce comprend les Saman on, les Hochon, les Cibot, les Fraisier, les List omère, les Conti.

C'est un peuple d'automa tes, non point seconda ires d'im portance, mais soutenant le monde des hommes au con trai re, et lui donn ant force et résis­ tance d'objet.

De quoi le roma nesque ne sait pas grand'ch ose, ni pers onne; con tre quoi nul ne peut rien.

Ils parlent et agiss ent selon la nécessi té ; leur po rte fermée, on ne sait plus rien d'eux.

J'ai long temps remarqué la puis­ sance de ces figures qu'on dirait épisodiques, j'entends extérieure s, aussi bien pour elles.

Mais je n'ai pas compris sans peine que cette puissance venait de ce que ces esquiss es, en traits et en actions seulement, sont par leur être même des esquiss es, en ce sens que la vie rom anesque y est niée absolume nt; même leurs affections sont sans conscience; c'est pourquoi ni amo ur, ni prière ne les touchent .

De Marsay est sans doute la plus saisissante de ces. »

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