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Yves MICHAUD (1942-) La parure de l'époque

Publié le 19/10/2016

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Yves MICHAUD (1942-)

La parure de l'époque

Comme cela apparaît clairement déjà, l'art sera aussi de plus en plus exposé aux effets de ces échanges et interactions. Personne ne peut plus rester isolé ; chacun doit et devra compter avec les regards des autres - qui s'en trouvent et s'en trouveront forcément affectés et qui vous affectent et affecteront en retour. Les influences seront multiples, croisées, impures, continuelles. Elles le sont déjà. La dimension cosmopolite de l'échange ne peut paradoxalement être réalisée que dans la recherche chaque fois d'identités locales, y compris reconstruites, bricolées, voire inventées : personne ne va chercher ailleurs ce qu'il trouve chez lui. Il s'ensuit et s'ensuivra une tension féconde, parfois violente, toujours difficile, entre les facteurs de métissage et les revendications d'identité. 

La première chose qui frappe en effet en lui est, par exemple, la fréquence des références qui y sont faites au corps et à sa mise en scène. 

Corps documenté, corps diminué, corps augmenté ou artificialisé, corps magnifié ou rabaissé, corps stigmatisé ou ornementé, portrait ou autoportrait, postures banales ou forcées, visages anonymes ou singularisés : la recherche de l'identité passe visiblement par la hantise du corps. Chaque artiste poursuit certainement son propre questionnement dans ce qu'il appelle « son travail », autrement personnel qu'une simple « interrogation du corps » en général, mais, pour l'observateur qui s'en tient au contenu le plus immédiatement visible, il n'est pas possible de douter que la question du corps est au cœur de l'identité contemporaine telle que l'art la présente.

Dans le même ordre d'idées, la fréquence des préoccupations relationnelles, l'obsession des interactions, des situations de communication, d'échange ou de non-communication ne répondent pas seulement à l'intériorisation par les artistes des principes d'une esthétique transformée en logo de la création, mais répond, elle aussi, à une préoccupation qui touche à l'identité contemporaine, une préoccupation inévitable dans des situations où la communication est, sous toutes ses formes, la loi, mais en même temps, échoue presque toujours à être autre chose qu'un simulacre de communication. Jamais on n'a autant parlé d'interaction communicationnelle ou de rationalité procédurale -au point que Habermas est devenu le penseur du temps et son nom le logo du monde qui communique - mais il n'y a justement que des formes et des procédures, des monceaux de rhétorique communicationnelle et très peu de communication. Ici aussi, et pas seulement dans l'art, le procédural a pris le pas sur le substantiel. 

C'est cette identité contemporaine, cet « esprit de notre temps », qu'exprime au premier degré l'art relationnel et transactionnel à la mode. L'artiste réalise une installation où les spectateurs sont appelés à communiquer et sont censés entrer en interaction ou participer à une transaction.  Le commissaire qui a produit l'exposition en choisissant l'artiste en question entend, lui aussi, produire une situation de communication et conduire l'« institution » à prendre conscience de l'époque comme époque communicationnelle. 

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