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La peau de chagrin

Publié le 19/03/2015

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La peau de chagrin

Comment préférer tous les désastres de vos volontés trompées à la faculté sublime de faire comparaître en soi l'univers, au plaisir immense de se mouvoir sans être garrotté par les liens du temps ni par les entraves de l'espace, au plaisir de tout embrasser, de tout voir, de se pencher sur le bord du monde pour interroger les autres sphères, pour écouter Dieu ! Ceci, dit-il d'une voix éclatante en montrant la Peau de chagrin, est le pouvoir et le vouloir réunis. Là sont vos idées sociales, vos désirs excessifs, vos intempérances, vos joies qui tuent, vos douleurs qui font vivre ; car le mal n'est peut-être qu'un violent plaisir. Qui pourrait déterminer le point où la volupté devient un mal et celui où le mal est encore la volupté ? Les plus vives lumières du monde idéal ne caressent-elles pas la vue, tandis que les plus douces ténèbres du monde physique la blessent toujours. Le mot de Sagesse ne vient-il pas de savoir ? Et qu'est-ce que la folie, sinon l'excès d'un vouloir et d'un pouvoir ?

Eh bien, oui, je veux vivre avec excès, dit l'inconnu en saisissant la Peau de cha­grin.

 

Balzac, La Peau de chagrin, «Le Talisman «.

« 146 Les sortilèges des passions tiples.

Il y a vu le rétrécissement programmé de la vie dévolue auxjouissances désirées : Si tu me possèdes, tu posséderas tout, Mais ta vie m'appartiendra.

Dieu l'a Voulu ainsi.

Désire, et tes désirs Seront accomplis, mais règle Tes souhaits sur ta vie.

Elle est là.

À chaque Vouloir je décroîtrai Comme tes jours.

Me veux-tu? Prends.

Dieu T'exaucera.

Soit! Achille a choisi la vie courte et glorieuse.

Le compte à rebours commence, qui de bataille en bataille signe déjà cette existence brillante qu'il faudra quitter bientôt.

A mesure que s'accumulent les gloires et les plaisirs, et les souffrances qui en sont l'ombre portée, la vie s'épuise.

Et la flèche finale, fatale, atteint le seul point vulnérable.

Le destin, silencieux et invi­ sible, a cheminé jusqu'à l'heure dite.

Peau de chagrin du temps de vi_vre.

Achille meurt jeune, ayant consommé les jours impartis.

Etrange proportion inversée de la durée et de l'intensité, qui fera date dans le mythe du héros.

L'alternative est-elle si réelle entre la longue vie austère et retenue, et la vie dévorée par la hâte de jouir ? N'y a-t-il de sagesse qu'à l'écart du cycle des peines et des joies, des jouis­ sances et des souffrances ? Et la vie de plaisir, absorbée dans les tourments qui lui sont propres, ne se réalise-t-elle qu'au risque d'une élision de la conscience ? Aucune des deux orientations n'est exclusivement présente dans la vie des hommes.

Vivre sa vie en l'absorbant dans le cycle indéfini des désirs et des plaisirs, mais aussi, indissociablement, des souffrances qui ne manquent pas de leur succéder, c'est la risquer dans une dérisoire rhapsodie de sensations et d'émotions, dont la viva­ cité même offusque à la longue la conscience.

Celle-ci se perd et s'oublie, s'altère et finit par effacer ses repères.

Avec, à la fin, une vie épuisée sans avoir médité sur elle-même, sans avoir prêté attention à son sens.

Le symbole est terrible.

Il montre une vie qui se rétracte et se consume, avec pour terme ultime la souffrance indépassable où la mort s'annonce.

Peau de cha­ gnn.. »

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