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La Révolution Keynésienne

Publié le 22/03/2014

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Les 19e et 20e siècles furent une époque fleurissante pour le capitalisme, l’économie de marché connaissant un rythme d’expansion effréné. Les grandes sociétés capitalistes occidentales connaissent une croissance exceptionnelle, la richesse émane et augmente de partout. Le capitalisme est considéré par plusieurs comme une réussite économique. L’approvisionnement en ressources est assuré par des grandes puissances européennes colonisant le monde (L’Afrique, les Amériques par exemple). L’impérialisme, soit « le fonctionnement et le développement d’un capitalisme national à l’échelle mondiale «[1], permit la création de nouveaux territoires économiques qui, en plus du pillage des ressources premières, permirent d’obtenir un territoire exempt de concurrence et donc totalement exploitable par la métropole. D’ailleurs, ces colonies formèrent de nouveaux débouchés pour les produits des « grands « assurant ainsi le développement et la croissance de leurs exportations. De plus, on assiste à une augmentation de l’exportation de capitaux soit « un des moyens de s’assurer ces débouchés «[2].  Tout au long de ces années, le système subi quelques crises, soit des crises de sous-production, c'est-à-dire es crises qui ne remettent pas en cause le système puisque les causes étaient attribuables à des facteurs externes (mauvaises récoltes, guerres, famines…) Toutefois, ayant atteint un rythme de production effroyable, le système alla bientôt connaître une crise de surproduction sans précédent. La fameuse bulle spéculative qui explosa en 1929 en témoigne. Cette crise fut liée à la surévaluation des titres boursiers, à un abus de crédit et bien sûr à une surproduction, les gens n’étant plus en mesure d’assumer la quantité de biens produite (créant une accumulation). Les nations étant interdépendante économiquement, les conséquences furent désastreuses, se répercutant dans le monde entier. Les économistes orthodoxes eurent tord de croire que le capitalisme ne pouvait « s’enliser dans des crises profondes « [3].  Ainsi, un des impacts de la crise de 1929 fut la remise en question de l’autorégulation du marché. En effet, le « laissez-faire « inspirée des néo-classiques ne permit ni d’éradiquer le taux élevé de chômage, ni la reprise de l’investissement. Cette impasse laissa place à d’autres théories économiques. C’est dans ce contexte de crise économique que les idées de John Maynard Keynes seront reçues et appliquées. Afin de relancer l’économie, il proposera une approche en flagrante rupture avec les néo-classiques soit une approche prônant l’interventionnisme de l’État. Keynes croyait fortement à la l’influence des idées. « À vrai dire le monde est presque exclusivement mené par elles «[4]. D’ailleurs, la théorie élaborée par Keynes était littéralement un guide pour sortir de la crise, soit donc basée sur le court terme (Milton Friedman discrédita l’approche Keynésienne à long terme). En fait, dans les années trente, aux États-Unis, Franklin D. Roosevelt lança le New Deal, soit une politique d’inspiration keynésienne, afin de sortir de la crise. Toutefois, on attribue plus la relance économique des États-Unis à la guerre (la deuxième guerre mondiale) qu’au succès des politiques keynésiennes. Il est donc temps de voir Keynes, l’économiste à la source de la « révolution keynésienne «.  Tout d’abord, selon Keynes, le système capitaliste souffre de deux vices marquants, soit « le premier que le plein emploi n’y est pas assuré, le second que la répartition de la fortune et du revenu y est arbitraire et manque d’équité «[5]. En d’autres mots, l’inégalité et le chômage sont deux grands fléaux du capitalisme. Ni le « laisser-faire «, ni l’intérêt individuel des capitalistes n’a pu concrétiser les prétentions des auteurs classiques, soit d’agir indirectement dans l’intérêt général. Le « sous-emploi « et l’inégalité de fortune entre les individus en témoignent. En rupture avec les classiques, il rejette ainsi l’autorégulation du marché et l’harmonie des intérêts qu’il qualifie d’être fausse. « Il est parfaitement incoïcident en pratique de déduire des principes de la science économique que l’intérêt privé sagement compris va toujours dans le sens de l’intérêt général. «[6] L’équilibre ne serait que théorique, en pratique ce ne serait jamais arriver. Toutefois, il ne faudrait pas se méprendre, Keynes est loin d’être contre l’économie de marché, ni contre l’aspiration aux individus à s’enrichir étant donné que « le désir de faire de l’argent et l’amour de l’argent chez les individus constituent le principal moteur de la machine économique «[7].  En rupture avec les « classiques «, la pensée keynésienne est bel et bien une « révolution dans la manière de voir l’économie et ses rapports avec la politique «[8]. En effet, c’est tout un renversement de perspective tant de méthode que de résonnement.  En ce qui concerne la méthode, Keynes a en vue « le fonctionnement du système économique pris dans son ensemble «[9]. Il considère qu’il a été erroné d’étendre à l’ensemble du système des conclusions « correctement établies en considération d'une seule partie du système prise isolément «[10]. C’est la naissance de la macro-économie.  Quant au résonnement, Keynes demeure en rupture avec l’approche « traditionnelle «. Tout d’abord, contrairement à Say, Keynes affirme l’importance de ne pas regarder l’offre, mais bien la demande. « La consommation - ne craignons pas de répéter cette vérité évidente - est la seule fin et l'unique objet de toute l'activité économique. «[11] Malthus le précédait déjà avec sa théorie de la demande par laquelle il affirme que « l’offre ne crée pas forcément la demande «, que la loi des débouchés de Say est fausse et que par conséquent « le capitalisme peut donc craindre une insuffisance de débouchés «[12], ce qui en effet est arrivé.  La « loi des débouchés « prétend que l’augmentation de la production tendrait à augmenter le pouvoir d’achat qui causerait l’augmentation de la consommation. On croit échanger des produits contre des produits, que l’argent ne sert que de médiateur. Plus de biens sont crées, plus de biens peuvent être achetés. Enfin, on croyait ainsi que la croissance serait infinie. La crise de 1929 mis en poussière la véracité de cette théorie.  Inversement, Keynes affirme que ce serait l’anticipation de la demande qui occasionnerait une hausse de l’investissement et de la production, ce qui permettrait une augmentation de l’emploi et de la consommation (dont par le pouvoir d’achat résultant de ces nouveaux emplois). D’ailleurs, ce processus tendrait à augmenter les salaires, soit un facteur bénéfique pour le pouvoir d’achat des travailleurs. En fait, sans l’anticipation de la demande, les capitalistes n’investiront pas. Bref, « la demande effective, qui englobe la consommation et l’investissement, est le moteur de l’économie «[13]. Ainsi, chez Keynes, c’est bel et bien la demande attendue qui détermine l’offre.  Or, les années trente firent en effet état d’un taux élevé de chômage et par conséquent le pouvoir d’achat des consommateurs fut extrêmement faible, l’endettement omniprésent. La demande était à « plat «, de même pour l’investissement. Ce que l’approche « classique « considéra comme une crise de surproduction, Keynes attribua cette impasse au manque de demande. En effet, la demande fut surestimée par la spéculation, et lorsque la bulle spéculative explosa, la demande réelle était nettement plus basse, incapable de rehausser la confiance des investisseurs. Ainsi, « Keynes ne considère pas que la crise soit essentiellement une crise de sous-consommation «[14], mais croit qu’il faut favoriser l’investissement et la consommation pour sortir de la crise. La propension à consommer demeure la clé de la relance économique. Enfin, pour résoudre ce problème de demande, il faut s’attaquer au chômage qui sape cette propension à consommer et à investir tant par des facteurs financiers qu’émotionnels*.  Selon les classiques (désignant chez Keynes les néoclassiques), il existe deux catégories de chômage, soit le chômage volontaire, composé de ceux ne désirant pas travailler (les oisifs), et le chômage « frictionnel «, présent mais temporaire, résultant de l’ajustement du système. En effet, chez les classiques, « en dehors du chômage « de frottement « et du chômage « volontaire « il n'y a place pour aucune autre sorte de chômage «[15]. Ils prétendent ainsi que le « plein emploi « est réalisé, ce qui inévitablement n’est pas le cas. Or, Keynes affirme l’existence d’une troisième catégorie, soit le chômage « involontaire «. Celui-ci est présent tant que le plein-emploi n’est pas assuré. Le plein-emploi n’est réalisé que lorsque « tous ceux qui voudraient travailler au salaire du marché sont embauchés «[16]. Toutefois, le plein-emploi n’est pas réalisable sous la politique du « laisser-faire « puisque l’économie n’est jamais en équilibre et par conséquent le niveau de l’emploi demeure instable. D’ailleurs, le problème du chômage est pour Keynes « une conséquence inévitable de l’individualisme «[17]. Le « laisser-faire « a en effet fait état d’un continuel « sous-emploi «. En fait, « c’est le volume et non la direction de l’emploi que le système actuel détermine d’une façon défectueuse «[18]. Néanmoins, le chômage demeure lié à une baisse ou à un insuffisance de la demande effective et il ne s’éradique pas tant et aussi longtemps qu’on n’intervient pas dans l’économie afin d’assurer l’anticipation des capitalistes et par conséquent leurs investissements. Par ailleurs, l’État doit au moins avoir « une politique nationale intelligente concernant le nombre global de sa population «[19] afin de réaliser le plein-emploi.  Rompant avec le « laisser-faire « et l’État minimal, Keynes offre un tout nouveau rôle à l’État, soit « faire ce qui actuellement n’est pas fait du tout «[20]. Dans l’optique d’atténuer les effets des fluctuations économiques et d’enrailler les problèmes occasionnés par le chômage, l’État se doit d’assurer un pouvoir de consommation à tous (par un revenu minimum par exemple) afin d’inciter l’investissement. En fait, Keynes proposa divers moyens d’assurer la hausse de la demande effective, soit par exemple par de grands travaux assumés par l’État qui engagerait une masse de personnes tout en enrichissant les collaborateurs du privé. De plus, un revenu minimum accordé aux moins nantis permettrait aussi d’arriver à cette fin. En d’autres mots, « Keynes proposait une autre issue capitaliste qui, par une relance de l’activité, permettait de réduire le chômage, sans amputer le pouvoir d’achat des travailleurs «[21]. Or, cela n’était pas sans conséquences néfastes. En effet, les budgets déficitaires de nombreux pays ayant adoptés de tels politiques en témoignent.  Toutefois, les moyens de l’État pour arriver à cette finalité ne s’arrêtent pas là. En effet, puisque « l’épargne est rigoureusement déterminé par le flux de l’investissement et que l’investissement grossit sous l’effet d’une baisse du taux d’intérêt«[22], selon Keynes, l’État doit agir sur les taux d’intérêts afin de varier la propension à consommer afin de réguler l’économie. Donc, en tant de crise, on doit maintenir les taux d’intérêts bas afin d’éviter que l’épargne et encourager la consommation et l’investissement. Enfin, le « plein emploi exigera une baisse profonde du taux d’intérêt «[23]. En somme, par sa politique fiscale, l’État est en mesure d’agir sur les flux d’investissement et est donc en mesure de gérer l’économie sans faire entrave aux libertés individuelles.  À la différence des néoclassique, Keynes considère le taux d’intérêt comme un « paramètre purement monétaire «[24]. Il ne serait pas fixé par la confrontation de l’offre de capital et la demande de capital. Supposant que les hommes préfèrent la liquidité, ce serait plutôt la récompense à la renonciation de cette dernière qui justifierait le taux d’intérêt. De plus, ce serait la quantité et la demande de monnaie en circulation qui détermine le taux d’intérêt. Ainsi, en temps de crise, l’État doit donc, selon Keynes, injecter une masse monétaire dans la société puisque, rappelons nous, c’est le taux d’intérêt qui permet d’augmenter l’investissement, permettant par la suite le plein emploi. La création monétaire serait donc bénéfique pour atteindre le plein-emploi (à noter qu’à ce stade, elle provoque l’inflation). Enfin, il n’existerait selon Keynes « aucune raison intrinsèque qui justifie la rareté du capital «[25] et Keynes cherche à éradiquer cette rareté, qui est au fondement de l’intérêt.  Par ailleurs, la baisse des taux d’intérêts demeure l’élément le plus préconisé chez Keynes tandis que la relance économique par le déficit public et la consommation ont pris beaucoup plus d’importance dans le champ élargi des politiques « keynésiennes «, soit dans l’application de sa théorie par différents acteurs fervents de l’interventionnisme étatique. Ainsi, plusieurs politiques interventionnistes « ont été plus keynésienne que Keynes «[26]. D’ailleurs, Keynes aurait critiqué les réformes de Roosevelt pour avoir été trop loin…  De plus, l’État doit agir afin d’effectuer une meilleure redistribution des revenus et donc combattre un des grand maux du capitalisme, soit l’inégalité. Toutefois, Keynes ne prêche pas une société égalitaire, tel que chez Marx par exemple, puisqu’il considère certaines inégalités comme étant justifiables. Néanmoins, via des politiques de redistribution tels que la taxation sur la succession (l’héritage), l’État est en mesure de réduire ces inégalités économiques. En effet, « depuis la fin du XIXe siècle la taxation directe des revenus cédulaires, des revenus globaux et des successions a permis de réaliser, surtout en Grande Bretagne, de sérieux progrès dans la réduction des très grandes inégalités de fortune et de revenu. «[27]  En résumé, « l’élargissement des fonctions de l’État [est] nécessaire à l’ajustement réciproque de la propension à consommer et de l’incitation à investir «[28]. Il s’agit d’une alternative aux régimes totalitaires qui pour résoudre ce problème sacrifient la liberté et le rendement individuels. Ainsi, par sa critique du « laisser-faire « d’inspiration classique et sa légitimation de l’interventionnisme de l’État, Keynes a inévitablement permit de tendre vers le modèle bien connu de l’État-providence. À mi-chemin entre le « laisser-faire « et l’économie planifiée tel que dans les régimes totalitaires (d’ailleurs où le plein emploi et la demande effective sont radicalement assurés), l’État-providence s’est effectivement pleinement développé et « mis en place à partir de la Deuxième Guerre mondiale «[29] en raison de l’influence des idées de Keynes. Ainsi, Keynes offrit une « troisième voie «. Or, des auteurs très en vogue à l’heure actuelle tel que Milton Friedman et Friedrich Von Hayek démontrèrent des théories très critiques à l’égard des politiques keynésiennes en prônant un état minimal pour un marché maximal. Ces ténors du néolibéralisme témoignent d’un combat théorique toujours inachevé. Toutefois, l’agression contre l’État-providence, quant à elle, est bien réelle. Enfin, nous ne voyons que la pointe du Iceberg…

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