autre, Antre
Publié le 03/04/2015
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autre, Antre n.m. (angl. Other; allem. [der] Andere). Lieu où la psychanalyse situe, au-delà du partenaire imaginaire, ce qui, antérieur et extérieur au sujet, le détermine néanmoins.
L'élaboration des instances intrapsy-chiques s'accompagne nécessairement, pour la psychanalyse, d'une attention au rapport du sujet à l'autre, ou à l'Autre. D'emblée, bien sûr, l'accent est mis sur la place et la fonction de ceux par rapport auxquels se forme le désir de l'enfant : mère, père, voire, dans une dimension de rivalité, frères et soeurs. Encore faut-il, même à ce niveau d'évidence, distinguer des registres qui ne s'équivalent pas. Il est clair, par exemple, que l'enfant constitue son moi, avec toute une dimension de méconnaissance, à travers des mécanismes d'identification à l'image de l'autre : l'identification imaginaire, source d'agressivité autant que d'amour, qualifie une dimension de l'autre où l'altérité d'une certaine façon s'efface, les partenaires tendant à se ressembler de plus en plus.
À cette première dimension de l'altérité doit cependant en être opposée une seconde, une altérité qui ne se résorbe
pas, un Autre qui n'est pas un semblable et que J. Lacan écrit avec un A majuscule, un «grand A «, pour le distinguer du partenaire imaginaire, du petit autre.
Ce qu'il s'agit de marquer par cette convention d'écriture, c'est que, au-delà des représentations du moi, au-delà aussi des identifications imaginaires, spéculaires, le sujet est pris dans un ordre radicalement antérieur et extérieur à lui, dont il dépend même quand il prétend le maîtriser.
La théorie de l'oedipe pourrait servir ici au moins à introduire ce qu'il en est de cet Autre. Ainsi, le père, par exemple, peut apparaître sous les formes empruntées à l'imaginaire du père débonnaire ou du père fouettard, il peut se confondre avec l'autre de la rivalité. Mais, par sa place dans le discours de la mère, il est aussi l'Autre dont l'évocation empêche de confondre les générations, de laisser subsister une relation seulement duelle entre la mère et l'enfant. Notons que la mère elle-même, inaccessible du fait de la prohibition de l'inceste, incarne, en tant qu'objet radicalement perdu, l'altérité radicale.
On peut faire, à partir delà, un pas de plus. Si la référence à une instance Autre se fait dans la parole, l'Autre, à la limite, se confond avec l'ordre du langage. C'est dans le langage que se distinguent les sexes et les générations et que se codifient les relations de parenté. C'est dans l'Autre du langage que le sujet va chercher à se situer, dans une recherche toujours à reprendre, puisque nul signifiant ne suffit, en même temps, à le définir. C'est par l'Autre que le sujet tente de faire accepter, dans le mot d'esprit, l'expression d'une pensée obscène, absurde ou agressive. Cette définition de l'Autre comme ordre du langage s'articule d'ailleurs avec celle que l'on peut produire à partir de l'cedipe, en dégageant cette dernière de tout élément imaginaire. C'est
le Nom-du-Père, qui est au point d'articulation, le Nom-du-Père, c'est-à-dire le «signifiant qui dans l'Autre en tant que lieu du signifiant est le signifiant de l'Autre en tant que lieu de la loi «.
Dès lors qu'elle est introduite, cette catégorie de l'Autre se révèle indispensable pour situer une bonne part de ce que la psychanalyse est appelée à connaître. Si l'inconscient, par exemple, constitue la partie d'un discours concret dont le sujet ne dispose pas, il n'est pas à concevoir comme un être caché dans le sujet, mais comme trans-individuel, et plus précisément comme discours de l'Autre. Cela au double sens du génitif : c'est de l'Autre qu'il s'agit dans ce que dit le sujet, fût-ce sans le savoir. Mais aussi, c'est à partir de l'Autre qu'il parle et qu'il désire : le désir du sujet, c'est le désir de l'Autre.
Mais en fait, la question centrale pour la psychanalyse, en ce qui concerne l'Autre, c'est celle de ce qui peut
rompre la nécessité du retour du même. Ainsi, par exemple, dès lors que S. Freud démontre que toute libido s'ordonne autour du phallus comme symbole, que toute libido est phallique, la question resurgit de ce qui tout de même, au-delà de la référence effective des hommes et des femmes au phallus, qualifie le sexe féminin comme Autre. C'est à partir de là d'ailleurs que peut être introduite aussi l'idée d'une jouissance Autre, une jouissance pas toute phallique, c'est-à-dire qui ne serait pas ordonnée strictement par la castration. On notera que la jouissance elle-même se présente comme satisfaction Autre par rapport à ce qui fait repasser le sujet si aisément par des voies balisées, celles du plaisir, qui lui permettent de retrouver au plus vite une moindre tension. L'Autre dans le sujet n'est pas l'étranger ou l'étrangeté. Il constitue fondamentalement ce à partir de quoi s'ordonne la vie psychique, c'est-à-dire un lieu où insiste un discours qui est articulé, même s'il n'est pas toujours articulable.
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