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Faut-il parler de la vie ou du vivant ?

Publié le 26/10/2009

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Incipit : L’énoncé résonne de manière étrangement restreinte, comme s’il en était le produit, aux interrogations contemporaines. Dans les divers comités consultatifs d’éthique ne cesse en effet de se poser la question de la définition de la vie, du vivant (et implicitement donc, celle de la venue à la vie, ou génération, et celle de la corruption, ou mort). Nous verrons que cette apparente contemporanéité des préoccupations relatives à la définition de la vie et du vivant est trompeuse, et que très tôt l’alternative vie / vivant s’est posée, quoique non technique développée à l’aide de concepts qui sont le fruit des réflexions éthiques et scientifiques actuelles. Mais ce qu’il faut d’emblée remarquer avec insistance, c’est la formulation même de l’énoncé : il s’agit d’une question de terminologie, portant donc sur la légitimité d’un vocable (vie / vivant) à être employé par un certain type de discours. Parler de quelque chose est avoir cette dernière pour objet d’un discours. Quelles peuvent donc être les conditions qui en déterminent la légitimité de l’emploi (“ faut-il… ? ”) ?

 

Thèmes : Passer par une analyse thématique de l’énoncé doit permettre d’en structurer la problématique en en dégageant les présupposés. A cette fin d’explicitation, trois thèmes principaux peuvent être retenus comme constitutifs du sens de notre énoncé : (i) la vie : parler de la vie, c’est-à-dire avoir cette dernière pour objet de discours, suppose toujours d’une certaine manière sa substantialisation. La vie apparaît dès lors comme le principe de la manifestation dans la réalité du vivant : il y a un principe de vie qui expliquerait, par exemple, l’apparition de celle-ci sur la terre, ou encore, la pulsion de vie tendrait à vouloir persévérer dans son acte d’exister (vivre est vouloir continuer à vivre, ou plutôt, la vie est à elle-même le principe de sa perpétuation et de son entretien : la vie veut vivre, être actualisée dans le réel en devenant vivant). En tant qu’un tel principe de la réalité vivante, la vie tend souvent à en devenir le principe explicatif – omettant par là que les bornes de l’ignorance ont simplement été repoussées ; (ii) le vivant : parler du vivant, l’avoir pour objet, participe d’une autre logique discursive : en parlant du vivant, non seulement on le fait objet d’un discours, mais on le fait objet tout court, c’est-à-dire objet réel à la disposition de tout type d’investigation. Le vivant, signifiant par la substantification du participe présent la présence en acte dans la réalité elle-même effective, est hors du discours qui en parle, de l’esprit qui le pense, et comme disposé à sa libre consultation. Le vivant n’est plus ici principe (explicatif ultime) comme peut l’être la vie, mais au contraire irréversiblement objet, et donc objectivé (l’intérêt de la réflexion reposant sur les conditions discursives de l’objectivation du vivant, par distinction du discours sur la vie) ; (iii) la norme du discours : la norme du discours reprend ici l’idée de devoir implicitement contenue dans le “ faut-il… ” de l’énoncé. L’intérêt d’une réflexion à ce propos consiste à prendre conscience de l’alternative offerte par la notion d’un devoir-parler : le devoir peut d’une part s’entendre comme le nécessaire respect d’un système de règles discursives ; tandis que d’autre part, il peut être conçu en termes de légitimité éthique (a-t-on le droit, ou plutôt le devoir, de parler de vivant ou de vie dans tel ou tel cas ?) et épistémologique (cela fait-il sens pour la connaissance de parler de vie ou de vivant dans tel ou tel cas ?).

« etc.

(la lecture téléologique du règne naturel par Kant en est l'exemplification : tout dans le vivant a une fin, etcelle-ci est entretenue par la vie elle-même comme principe ; de même que, différemment certes, jamais le vitalismenietzschéen ne fait de la vie un objet, toujours celle-ci reste une valeur, serait-ce par transvaluation).

Tandis quede manière également générale, le vivant, comme l'indique son participe présent substantivé, suppose le fait d'avoirété objectivé, de l'être, ou du moins de pouvoir être objectivable.

Le vivant est objet ; la vie est valeur.

Telles sontles implications (présupposés et conséquences) de ces deux termes : être objet, ou bien valeur.

S'interroger sur lalégitimité de leurs emplois respectifs n'a aucun sens hors-contexte, puisque ce n'est qu'en relation au contexte danslequel ils s'inscrivent que ces termes sont susceptibles de signifier, que cela soit correctement ou non.

II.

Vie et vivant : conditions respectives Puisqu'il n'y a pas de sens à parler de vie et de vivant hors-contexte, et donc à se demander hors-contexte si leuremploi est justifié et légitime, abordons maintenant la question des conditions contextuelles elles-mêmes.

Ceci peutêtre résumé brièvement à l'aide de notre premier point ainsi que de notre analyse thématique qui l'a précédé : parlerde la vie suppose toujours l'intégration d'un contexte dans lequel intervient une dimension axiologique (c'est dire quele domaine intégré se caractérise par sa dimension d'évaluation), et plus précisément éthique, tandis que d'autrepart, parler du vivant a pour conditions discursives contextuelles l'intégration dans le champ de la connaissance (levivant a toujours rapport à la connaissance, puisque le vivant doit se concevoir sur le mode de l'objet, del'objectivité, et de l'objectivation, qu'elle soit d'ailleurs scientifique ou non n'importe pas).Ce sur quoi il est important de revenir dans la réponse à la question de l'énoncé ne tient pas uniquement dans le faitde dénoncer l'inadéquation et l'absence de rigueur de sa formulation (celle-ci donnant en effet l'impression qu'il estpossible de parler de quelque chose hors de toute dépendance contextuelle : il n'y a aucun sens à se demander s'ilfaut parler comme ceci ou comme cela, mais bien plutôt il importe de dire : est-il légitime, dans ce contexte, deparler de ceci comme cela ? – indiquant par là que parler d'une certaine manière de quelque chose en déterminel'existence : parler de la nature comme “ du vivant ” en fait un objet, éventuellement disposé aux investigationsscientifiques, alors que parler de la nature comme “ de la vie ” en fait un principe, susceptible d'intervenir dans undébat éthique sur le développement durable, etc.).

Non, ce qu'il importe de souligner est précisément qu'une telleformulation est induit par un manque de rigueur terminologique qui, conduisant à des querelles de mots ignorant nepas parler des choses, s'il était évité, éviterait lui-même la grande confusion des controverses éthiques actuelles,incapables de définir par exemple ce qu'est la vie, simplement parce qu'elle la présuppose définie, et partagéecomme le serait une notion univoque.

Or toute notion est relative à son contexte d'emploi.

* Conclusions - Parler de la vie suppose pour condition de s'inscrire dans un contexte éthique, car cela a pour implication une dimension axiologique.

Parler de vivant a pour conditions l'intégration d'un contexte épistémologique, carcela implique la question de l'objectivité (or, il n'y a bien sûr objet que pour un sujet qui connaît).

Parler duvivant ou de la vie dans le vide n'a pas de sens. - Eviter de croire pouvoir parler hors-contexte permet d'éviter d'avoir à chercher une solution à un énoncé qui n'est pas un problème.

Le problème naît de la confusion linguistique consistant à penser que les termessubsistent hors de leurs contextes discursifs respectifs, et qu'ils renvoient indifféremment à une réalitéidentique. - Les confusions caractéristiques de cette absence de précautions terminologiques préalables sont exemplairement manifestées par ce qui aujourd'hui s'appelle la bioéthique.

Sur une mode inverse, Foucault lui-même entretient une certaine confusion, mais de manière consciente, avec ses notions de bio-politique, et debio-pouvoirs, où il s'agit pour lui d'indiquer que la vie comme valeur peut devenir objet du pouvoir politique etscientifique (l'hygiénisme actuel).. »

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