On dit constamment : « Il faut être de son temps.» Que signifie cette maxime et dans quelle mesure faut-il y conformer sa vie ?

La recherche la plus nécessaire, et qui d'ailleurs suffirait, est celle des conséquences. Quelles conséquences, bonnes ou mauvaises, entraîne le fait d'être de son temps? C'est de se débarrasser d'idées ou de préjugés dangereux, ou devenus dangereux, ou inutiles; être de son temps, c'est aujourd'hui, par exemple, accorder plus d'importance à l'hygiène et aux sports, donner aux jeunes filles une instruction plus large, plus de liberté, etc. Inversement, être de son temps, sans réflexion, sans discernement, c'est accepter, par mode, par snobisme ou parce que cela flatte nos instincts même mauvais, toutes les idées de ce temps, même les plus absurdes ou les plus funestes; c'est, par exemple, suivre des modes de vêtement dangereuses ou malsaines, c'est croire qu'il n'y a que l'argent ou le succès qui comptent, c'est donner aux jeunes filles non seulement la liberté, mais la licence, etc. L'étude de ces conséquences suffit à juger les avantages et les inconvénients qu'il y a à être de son temps. Mais ce jugement sera beaucoup plus précis si nous cherchons les causes, les raisons pour lesquelles on est ou on n'est pas de son temps. N'être pas de son temps signifie souvent la paresse et la médiocrité de l'esprit, l'impuissance où l'on est soit de juger ses habitudes, soit de s'en débarrasser. Etre de son temps indique aussi bien la même paresse et la même médiocrité d'esprit lorsqu'on se laisse imposer ces idées du temps sans être capable de les juger. Par contre, on peut n'être pas de son temps ou être de son temps par jugement réfléchi, parce qu'on juge meilleures certaines idées, certaines façons de vivre soit d'autrefois, soit d'aujourd'hui. Quand on est capable de ce jugement réfléchi et de volonté, on est le plus souvent de son temps avec mesure, en gardant du passé certaines idées justes et en se gardant de certaines erreurs du temps présent.