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L'ÉCONOMIE - LA PRÉVOYANCE

Publié le 17/01/2022

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Lecture - Les économies.

(Le père Bastide a perdu sa place et ne travaille plus, Mme Bastide réfléchit devant ses économies.)

C'étaient les économies du ménage. C'étaient vingt-cinq ans de travail en commun, de sagesse de tous les instants, de refus des tentations...

Au total, moins de dix mille F. — Dix mille F, ce n'est guère, quand c'est enfermé dans une boîte comme provision suprême pour le restant de la vie. — Mais c'est quelque chose d'infini, quand l faut le ramasser. — C'était quelque chose de désespérant à attendre, quand on partait du premier sou. — Dix mille F, c'est dix mille jours. — Même avec un courage sans limites, il n'est pas possible de mettre de côté plus d'un F par jour... — Il faut réussir à mettre le F de côté tous les jours. — Il faut trouver moyen de le garer même les dimanches et les grandes fêtes... Il faut savoir regarder les autres qui entrent dans les cafés, et détourner la tête sans amertume. — Il faut s'endurcir à des épreuves plus poignantes, apprendre à ne pas s'apercevoir que votre mari s'est arrêté devant ce qui lui faisait envie... Il faut écarter son enfant de la contemplation des jouets trop chers ; lui expliquer que ce cheval de deux F est plus beau que l'autre qui vaut douze F.

Jusqu'ici, quand Mme Bastide faisait une visite à ses économies, elle ne leur demandait qu'une promesse lointaine de sécurité. — Grâce à elles, il lui semblait que le ménage échappait un peu à la terrible loi du travail : sois capable de travailler demain matin, ou tu ne mangeras pas... Il allait s'agir, maintenant, hélas ! de demander aux économies couchées dans la boîte, le service essentiel pour lequel elles étaient là : écarter la misère, faire qu'un peu d'argent coule toujours dans la maison, quand la source habituelle est tarie...

D'après Jules ROMAINS - Les Hommes de bonne volonté. Les Humbles. Flammarion

 

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