Devoir de Philosophie

Aimer les autres n'est-ce pas en définitive s'aimer soi-même ?

Publié le 19/06/2009

Extrait du document

INTRODUCTION. — Les philosophes ont souvent nourri de la défiance à l'endroit des réalités affectives. Seule la clarté des idées devrait retenir le penseur. Mais comment accepter une vision du monde qui négligerait systématiquement une valeur pressentie par tons, sur le plan moral et métaphysique aussi bien que psychologique : nous voulons parler de l'amour ? La philosophie moderne se penche de plus en plus sur ce problème --qu'à vrai dire elle redécouvre seulement, car les siècles de saint BERNARD et de saint THOMAS avaient abondamment disserté sur le thème cher PLATON. Une des questions les plus débattues était de savoir si l'Amour désintéressé (le pur Amour, allait dire le xviie siècle) était chose possible à l'homme. Question toujours actuelle et qui jaillit du plus profond de notre conscience, mettant en cause nos aspirations les plus grandes et nos convictions les plus chères. J'aime quelqu'un, et non point comme j'aime une chose. L'élan qui me porte vers lui m'aide à promouvoir son bien. Mais ne suis-je pas dans l'illusion ? Au fond de cet amour n'y a-t-il pas un intérêt caché, une recherche plus subtile de moi-même à travers les avantages et le plaisir qu'effectivement je trouverai ? Drame écrit par André GIDE et porté à l'écran dans La symphonie pastorale; condition impitoyablement condamnée par Jean-Paul SARTRE dans L'être et le néant où tout amour apparaît comme voué au sadomasochisme! Nous voudrions faire un peu de lumière dans ce difficile débat. Nous écouterons d'abord la réponse des honnêtes gens : elle s'inscrira naturellement en faux contre les outrances des pessimistes comme LA ROCHEFOUCAULD. Mais il faudra entendre ensuite des attaques fondées sur des considérations plus lucides et plus graves venues de la Psychologie des profondeurs ou même de la Métaphysique. Nous nous efforcerons, alors, de dégager des conclusions qui ne soient pas basées uniquement sur de bons sentiments, mais qui fassent la synthèse d'un état de fait souvent peu brillant et d'une possibilité de droit beaucoup plus réconfortante : la difficulté de donner une solution venant souvent d'une confusion regrettable entre le constituant et le constitué.

« inconsciente vient très souvent doubler la motivation consciente.Un exemple nous éclairera : il a trait à la psychanalyse du don, et vient tout à fait à notre sujet, le don étant unemanière d'exprimer et de réaliser l'amour.

Dans maint cadeau, on peut déceler ce que Nodier appelle un « bilanisme »(néologisme formé sur le mot « bilan »).

« Il consiste dans la tenue d'un compte serré du donné et du reçu, du droitet de l'avoir transposé dans le domaine psychique et surtout affectif (...).

Ainsi le but caché de donner est derecevoir en retour, le don conçu comme une perte qu'il importe de récupérer.

La réalité, hélas ! ne comble pastoujours ce désir secret.

Le donneur bilanisant de recourir alors à un procédé de compensation magique : ils'identifie inconsciemment au receveur, se met à sa place » (p.

73).

Un fiancé trouve un tableau très à son goût.

Ill'achète et dit en partant au marchand « C'est très agréable, n'est-ce pas, les cadeaux dont on jouit soi aussi ? » «Avec une semblable conception du cadeau, remarque alors l'auteur, il pourrait très bien lui venir à l'idée de donner àsa femme, pour sa fête, un fusil de chasse! » (Ouvrage cité, p.

74.)Admettons cependant que les « motivations inconscientes » ne vicient pas toujours l'acte moral.

Notre auteur lereconnaît lui-même.

Il reste que la conscience claire est l'expression plus parfaite, sublimée, d'un élan vitalprimordial.

L'homme n'échappe pas à sa loi profonde, qu'il s'agisse des instincts d'appropriation, tel que le besoin dese nourrir, ou des tendances oblatives.

La psychologie animale nous montre comment les tendances socialess'inscrivent dans la constitution biologique aussi nettement que les tendances individuelles.

(Voir Pierre DE SAINT-SEINE, Etudes, nov.

1930.)b) Au reste, comment agir autrement que pour, se parfaire ? La métaphysique nous assure que l'homme cherchetoujours son bien, que rien ne saurait échapper à cette nécessité, pas plus l'homme que la pierre.

J'aime autrui.

Cetamour est mon acte; je me réalise en lui et par lui.

Je suis le premier intéressé dans cette entreprise qui estessentiellement mienne dans son principe et sa fin ? III - ESSAI DE SYNTHÈSE L'amour que l'on a pour les autres sera-t-il donc une manière plus subtile de s'aimer soi-même ? Nous ne le pensonspourtant pas.

Une critique des critiques s'impose à son tour. a) Ne cédons pas au vertige en présence des raisons métaphysiques que nous venons de considérer.

Certes, unamour est l'amour qu'éprouve et réalise un sujet, tout comme une parole est prononcée par une bouche et unspectacle est vu par un spectateur.

Mais cela ne permet pas de conclure que l'aimant se recherche égoïstementdans l'aimé, pas plus que le voyant ne poursuit son image dans le spectacle contemplé, L'amour enrichira l'aimant;mais la visée de cet acte est bien l'aimé lui-même.

Si l'aimant peut constater, après coup, qu'il s'est enrichi, c'estdans la mesure où il aura été pleinement aimant-l'aimé.

Une égoïste recherche.

de soi n'aboutirait nullement à ceprogrès, mais conduirait à un appauvrissement certain.

L'erreur de Narcisse est démontrée aussi bien sur le planpsychologique que métaphysique.

Au reste, l'examen de la notion d'égoïsme corroborerait ces observations.

Parlerd'égoïsme, en effet, c'est se référer à une générosité de droit.

Le terme visé par l'amour, c'est la personne aimée.On ne pourra parler de retour sur soi qu'en fonction d'une sortie de soi qui aurait dû se maintenir dans sa ligne «extatique ». b) Reste pourtant la question de fait.

Ne mêlons-nous pas, dans la pratique, des visées subtiles d'égoïsme dans nosaffections en apparence les plus généreuses Ne sommes-nous pas, malgré nous, à l'affût; des avantages quel'amitié nous procurera, ne serait-ce que par la joie d'être aimé ou de nous sentir le bienfaiteur d'autrui ? A chacunde s'examiner loyalement et de répondre humblement.

Nous pensons, quant à nous, qu'il est humainement trèsdifficile d'échapper entièrement aux retours offensifs de l'égoïsme, parce que ce dernier se pare d'excellentes «raisons » et de motifs très honnêtes.Mais nous n'en sommes pas moins certains que la question de droit demeure intacte : l'amour d'autrui n'est pas unesubtile rechercha de soi, car il est en lui-même générosité pure.

Si nul ne peut se flatter d'avoir réalisé cet idéal, ildoit au moins chercher courageusement à l'approcher de plus en plus.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles