BACHELARD Gaston : sa vie et son oeuvre

BACHELARD Gaston (1884-1962). Philosophe et essayiste, né à Bar-sur-Aube, Gaston Bachelard, avec sa barbe de patriarche et son passé d’employé des P.T.T., fait honneur à la démocratie, aux lettres et à l’université françaises. Cette silhouette un peu fantastique, flottant poétiquement dans un univers imaginaire indécis, et qui tient autant du génie bienfaisant des contes ou des esprits malins du Songe d'une nuit d'été que du Philosophe de Rembrandt, a été définitivement adoptée par la Sorbonne, et c’est un peu dommage. On a tenté d’ériger en corps de doctrine un ensemble divers d’images, d’intuitions, d’aphorismes ou de raisonnements de simple bon sens qui se veulent plus un code poétique de la démarche philosophique qu’un enseignement universitaire. Seule la démarche de l’épistémologue et de l’historien des sciences apporte à cette œuvre un poids rationnel et une cohérence, d’ailleurs compromis de l’intérieur par l’attention portée à l’imaginaire.

Petit fonctionnaire de l'administration des Postes, Gaston Bachelard, autodidacte, entreprit tardivement des études de sciences et de philosophie. Licencié de philosophie en 1920, agrégé en 1922, docteur ès lettres en 1925, il fut chargé d’enseigner l’histoire et la philosophie des sciences à la faculté des lettres de Dijon (1930-1940), puis à la Sorbonne.

Deux pôles d’inspiration fort opposés sont à distinguer dans son œuvre. Le premier, se fondant sur la pratique épistémologique, tend, au contraire de Descartes, à établir, à partir des obstacles qui surgissent dans l’appréhension de l’objet de la connaissance et des errements de la raison, considérés comme étapes du processus de la découverte scientifique, une méthode dialectique conçue comme une véritable « psychanalyse de la raison » (le Nouvel Esprit scientifique, 1934; la Formation de l'esprit scientifique, 1938; le Rationalisme appliqué, 1948; le Matérialisme rationnel, 1953). Il y a là, en dépit du ton qui est un peu celui du rationalisme positiviste des instituteurs de la IIIe République, une recherche intéressante d’un processus inconscient du savoir : mais il s’agit autant d’une sorte d’actualisation des principes de l’alchimie que d’une logique de la connaissance scientifique.

C’est encore l’alchimiste qu’on retrouve, à l’autre pôle de son œuvre, parcourant l’univers de la représentation imaginaire des éléments naturels : l’eau, la terre, le feu. Peut-être est-ce la faiblesse d’une philosophie qui tenta de réconcilier dans une même démarche le rêve et la logique (la Poétique de la rêverie, 1960, « testament philosophique » de Bachelard) que de vouloir objectiver par l’analyse ce qui, par principe, échappe à l’objectivation. Mais la tentation rationnelle n’étouffe jamais la poésie.