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Bachelard: L'obstacle épistémologique

Publié le 27/02/2008

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Bachelard L'obstacle épistémologique Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique. Et il ne s'agit pas de considérer des obstacles externes, comme la complexité et la fugacité des phénomènes, ni d'incriminer la faiblesse des sens et de l'esprit humain : c'est dans l'acte même de connaître, intimement, qu'apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles. C'est là que nous montrerons des causes de stagnation et même de régression, c'est là que nous décèlerons des causes d'inertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques. La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. Elle n'est jamais immédiate et pleine. Les révélations du réel sont toujours récurrentes. Le réel n'est jamais " ce qu'on pourrait croire " mais il est toujours ce qu'on aurait dû penser. La pensée empirique est claire, après coup, quand l'appareil des raisons a été mis au point. En revenant sur un passé d'erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel. En fait, on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même, fait obstacle à la spiritualisation. L'idée de partir de zéro pour fonder et accroître son bien ne peut venir que dans des cultures de simple juxtaposition où un fait connu est immédiatement une richesse. Mais devant le mystère du réel, l'âme ne peut se faire, par décret, ingénue. Il est alors impossible de faire d'un seul coup table rase des connaissances usuelles. Face au réel, ce qu'on croit savoir clairement offusque ce qu'on devrait savoir. Quand il se présente à la culture scientifique, l'esprit n'est jamais jeune. Il est même très vieux, car il a l'âge de ses préjugés. Accéder à la science, c'est spirituellement rajeunir, c'est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé. Bachelard, La formation de l'esprit scientifique, 193
Bachelard a contribué à donner à l’épistémologie française ses lettres de noblesse, en particulier en déclarant dès les premières pages de « La formation de l’esprit scientifique « (1938) : « C’est en terme d’obstacle qu’il faut poser le problème de la connaissance scientifique. « Bachelard s ‘est battu contre deux idées fausses portant sur les sciences, répandues dans le public. D’une part, celle qui veut que le savant arrive pour ainsi dire l’esprit « vierge « devant les phénomènes à étudier, d’autre part celle qui voit le développement des sciences comme une simple accumulation de connaissance, un progrès linéaire. En affirmant cette citation, il souhaite montrer les difficultés inhérentes à l’acte même de connaître. Les obstacles à une connaissance scientifique ne viennent pas d’abord de la complexité des phénomènes à étudier, mais des préjugés, des habitude de savoir, des héritages non interrogés. « Quand il se présente à la culture scientifique, l’esprit n’est jamais jeune. Il est même très vieux, car il a l’âge de ses préjugés. «

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« d'une boule sur un plan incliné) sont compris comme identiques.

Mais, alors que le premier est difficilementmesurable avec les instruments de l'époque, le second peut l'être. Ensuite, Galilée , pour vérifier ses hypothèses, a construit, après avoir conçu, un dispositif technique. C'est en ce sens que l'on peut parler du début de l'expérimentation et de la rupture avec l'observationcourante. Le trait de génie de Galilée consiste en l'association de la science et de la technique et en l'élaboration d'un mécanisme permettant de mesurer les rapports entre les paramètres sélectionnés.

Le dispositif permetaussi de calculer les variations réciproques de l'espace et du temps et d'établir que la distance parcourue parle mobile est proportionnelle au carré du temps de la chute. Enfin, Galilée a su négliger ce qui devait l'être.

ainsi, il n'a pas tenu compte des forces de frottement de la boule sur le plan ou de la résistance de l'air, qui, ralentissent la chute. Kant a su montrer en quoi l'expérimentation rompait avec l'observation : en quoi ici la théorie prenait le pas sur la simple réception de l'expérience première, et en quoi l'effort scientifique visait à poser une question précise à la nature, en inventant les moyens de lacontraindre à nous répondre. « Lorsque Galilée fit rouler ses boules sur un plan incliné avec un degré d'inclination qu'il avait lui-même choisi […] une lumière se leva pour tous les physiciens.

Ils comprirent que la raison ne perçoit que ce qu'elleproduit elle-même d'après ses propres plans, qu'elle doit prendre les devants […] et forcer la nature à répondreà ses questions […] car sinon les observations, faites au hasard, sans plan tracé d'avance, ne serattacheraient pas à une loi nécessaire, ce que la raison pourtant recherche et exige. » Reste à montrer grâce à un exemple pourquoi Bachelard déclare que l'esprit scientifique « juge son passé en le condamnant ».

Bachelard affirme : « Il n'y a pas de transition entre le système de Newton et le système d' Einstein .

On ne va du premier au second en amassant des connaissances […] Il faut au contraire un effort de nouveauté totale.

» Pour Bachelard en effet, les idées et connaissances héritées finissent par former une sorte « d'inconscient » scientifique, qui produit l'impression que tel ou tel axiome, tel ou tel concept sont évidents et vont de soi. Or, « Toute vérité nouvelle naît malgré l'évidence, toute expérience nouvelle malgré l'évidence immédiate. » Bachelard se sert de l'exemple de l'idée de simultanéité pour le montrer.

L'idée de simultanéité est une idée simple, évidente, immédiate.

Autrement dit une question que l'on n'éprouve pas le besoin de se poser.

Dans la physique de Newton, si l'on doit, pour étudierle même mouvement dans deux repères différents, changer les coordonnées spatiales, il va de soi que la coordonnée temporelle resteidentique.

Le même phénomène est pensé comme simultanéité dans les deux repères différents.

Or, c'est un fait que la mécanique d' Einstein a su montrer que cette idée prétendument simple de simultanéité était en réalité complexe, et que le temps s'écoulait différemment pour deuxobservateurs animés de vitesses différentes.

On connaît le paradoxe des jumeaux de Langevin .

Si l'on envoie l'un des deux jumeaux dans l'espace à une vitesse proche de celle de la lumière, il ne vieillira pas au même rythme que le jumeau resté sur la terre. Cela signifie que l'on passe d'une théorie à l'autre par une redéfinition des concepts initiaux, des notions fondamentales de la physique (ici le temps, mais la physique ondulatoire a amené à une redéfinition de lanotion de cause).

Il ne s'agit donc pas d'une transition d'un système à un autre, mais d'une révolution, etd'une mutation dans les méthodes et les concepts.

De ce que Bachelard nomme une déformation.

La notion de temps voit son sens radicalement renouvelé du système de Newton à celui d' Einstein . Le mérite de Bachelard est de montrer que l'esprit a toujours l'âge de ses préjugés.

Si l'obstacle premier, inhérent à l'acte même de connaître est la connaissance commune, l'opinion, reste que « l'esprit scientifique est essentiellement une rectification du savoir, un élargissement des cadres de la connaissance.

Iljuge son passé historique en le condamnant » A une époque qui sombre volontiers dans l'apologie naïve de la science, il n'est pas inutile de rappeler que celle-ci se nourrit de révolutions, de ruptures, s'élabore contre lespensées et les théories antérieures.

L'audace scientifique n'a rien à voir avec l'image de calme accumulation deconnaissance que le grand public s'en fait. G.

Bachelard, La formation de l'esprit scientifique, (1938) Ed.Vrin, 1970, pp.

13-14 Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cetteconviction que c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissancescientifique.

Et il ne s'agit pas de considérer des obstacles externes, comme la complexité et lafugacité des phénomènes, ni d'incriminer la faiblesse des sens et de l'esprit humain: c'est dans l'actemême de connaître, intimement, qu'apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, deslenteurs et des troubles.

C'est là que nous montrerons des causes de stagnation et même derégression, c'est là que nous décèlerons des causes d'inertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques.. »

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