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Bergson: les vrais grands problèmes ne sont posés que lorsqu'ils sont résolus.

Publié le 17/04/2009

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Mais la vérité est qu'il s'agit, en philosophie et même ailleurs, de trouver le problème et par conséquent de le poser, plus encore que de le résoudre. Car un problème spéculatif est résolu dès qu'il est bien posé. J'entends par là que la solution en existe alors aussitôt, bien qu'elle puisse rester cachée et, pour ainsi dire, couverte : il ne reste plus qu'à la découvrir. Mais poser le problème ce n'est pas seulement découvrir, c'est inventer. La découverte porte sur ce qui existe déjà, actuellement ou virtuellement ; elle était donc sûre de venir tôt ou tard. L'invention donne l'être à ce qui n'était pas, elle aurait pu ne venir jamais. Déjà en mathématiques, à plus forte raison en métaphysique, l'effort d'invention consiste le plus souvent à susciter le problème, à créer les termes en lesquels il se posera. Position et solution du problème sont bien près ici de s'équivaloir : les vrais grands problèmes ne sont posés que lorsqu'ils sont résolus. Bergson

• Différence(s) (selon Bergson) entre invention et découverte ? En quoi la mesure de ces différences est-elle indispensable pour saisir la pensée de Bergson ? • Qu'est-ce qui justifie ici le rapprochement entre philosophie (ou métaphysique ? mais les deux termes sont-ils équivalents ?) et mathématique ? — Que peut signifier ici « spéculatif « ? — Pourquoi « déjà en mathématique, à plus forte raison en métaphysique« ? • Pourquoi Bergson peut-il affirmer que « position et solution du problème sont bien près ici de s'équivaloir« ? — En quoi peut-il être dit que « les vrais grands problèmes ne sont posés que lorsqu'ils sont résolus« ? — est-ce contradictoire avec l'affirmation précédente « la solutions existe alors aussitôt, bien qu'elle puisse rester cachée... « ? • Que signifie ici « actuellement « ?

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« (la métaphysique) n'est pas abstraite, répétons-le, puisqu'elle est le lieu privilégié de cette expérienceparticulière qu'est l'intuition (1).

Pourtant, dans l'usage si singulier qu'il fait du terme spéculatif, — usage quilui est en quelque sorte dicté par sa propre conception de la philosophie — Bergson retrouve quelque chosedu sens traditionnel.

En effet, si le problème spéculatif s'oppose aussi bien au problème scientifique qu'auproblème pratique c'est en ce qu'il se présente comme une réflexion théorique.

En ce sens nous sommes biendans le domaine de la philosophie et du mode propre de réflexion qui est le sien.

Mais alors Bergson, qui veutdégager la spécificité de la réflexion philosophique, a-t-il raison d'ajouter dans ce texte, après le mot «philosophie », ces mots : « et même ailleurs » ? (...

« la vérité est qu'il s'agit, en philosophie et mêmeailleurs...

»).Que recouvre cet « ailleurs » ? La suite du texte nous l'apprend.

En effet un peu plus loin Bergson écrit : «Déjà en mathématiques, à plus forte raison en métaphysique, l'effort d'invention consiste le plus souvent àsusciter le problème...

».

Bergson compare ainsi les problèmes métaphysiques aux problèmes mathématiques.Mais cette comparaison n'est-elle pas quelque peu hâtive et superficielle ? Car enfin, peut-on comparer lessystèmes mathématiques à la façon de procéder de la réflexion philosophique ? Alors que la mathématique seprésente comme un système hypothético-déductif, la réflexion philosophique ne se développe que par unincessant retour sur soi qui n'en a jamais fini d'expliciter les présupposés.

Il y a bien certes une réflexion surles théories mathématiques : la métamathématique (1).

Mais celle-ci qui s'attache par exemple à démontrerla contradiction ou la non contradiction d'une théorie, opère mathématiquement.

Bergson, qui fut pourtant lecontemporain du prodigieux bouleversement des mathématiques, se contente d'esquisser ici un semblant deparallèle entre ceux-ci et la philosophie quant à la position des problèmes.

C'est là assurément manquerl'originalité profonde des démarches de la 'mathématique.En ce qui concerne précisément la position des problèmes, demandons-nous à présent ce que veut direBergson lorsqu'il déclare que « poser le problème n'est pas simplement découvrir, c'est inventer ».

Inventerle problème, c'est le créer.

Pour Bergson, lorsqu'on invente un problème, lorsqu'on le crée, sa solution existedu même coup.

Il reste seulement à expliciter cette solution (« la découvrir »), à l'articuler, pour lui donnersa forme définitive.

Ce qu'il faut bien voir, c'est que c'est de la métaphysique définie comme expérience queBergson attend cet effort de créativité.

Le tort de la philosophie précédente a été selon lui d'utiliser desconcepts qui, parce qu'ils voulaient recouvrir toutes choses, ne recouvraient plus rien (tel le concept devolonté).

A la passivité d'une philosophie« subit le problème tel qu'il est posé par le langage » (L Pensée et le Mouvant, p.

51), Bergson entendsubstituer une philosophie pour laquelle poser le problème c'est l'inventer, c'est-à-dire « créer les termes enlesquels il se posera ».

C'est alors qu'un problème est « bien posé ».

En un sens on peut dire que Bergson n'apas tort de craindre le piège des mots.

Il existe en effet des pseudo-concepts philosophiques comme parexemple les mots : platonique, stoïque ou épicurien, qui loin de révéler les problèmes ne font au contraireque les masquer et les brouiller.

Rien n'est peut-être plus éloigné du type d'homme auquel songeait Épicureque l'individu jouisseur et amateur effréné de plaisirs que l'on désigne généralement par le terme d'épicurien.Il s'agit au contraire pour Épicure d'éviter des plaisirs trop violents, de ne se nourrir que de façon fort frugale(lui-même ne se nourrissait que de pain et d'eau), et surtout de parvenir au bonheur qui consiste dans le faitde se suffire à soi-même et dans l'ataraxie, c'est-à-dire l'absence de tout trouble.

C'est ainsi qu'il fautessayer de s'affranchir des superstitions et des craintes qui nous assaillent, à commencer par la crainte dela mort, « car il n'y a rien de redoutable dans la vie pour qui a compris qu'il n'y a rien de redoutable dans lefait de ne plus vivre » (Épicure, Lettre à Ménécée).

On voit donc que le terme épicurien restitué à soncontexte, signifie à peu près le contraire de ce que l'usage courant lui fait signifier.

Et il en est de mêmedans beaucoup de cas.

Mais, et nous y reviendrons plus loin, si Bergson n'a pas tort, d'être méfiant enversles emplois les plus usuels des mots, cette méfiance lui est à vrai dire dictée par la conception générale qu'ilse fait du langage.

Pour l'instant bornons-nous à constater que l'on pourrait tout aussi bien dire que s'il estvrai que les pseudo-concepts philosophiques sont trompeurs, la meilleure façon de parvenir à la vérité estencore la fidélité au sens propre des mots.

« Car, nous dit Heidegger dans Introduction à la Métaphysique,les mots et la langue ne sont pas de petits sachets, dans lesquels les choses seraient simplementenveloppées pour le trafic des paroles et des écrits.

C'est seulement, dans le mot, dans la langue, que leschoses deviennent et sont.

C'est pourquoi aussi le mauvais usage de la langue dans le simple bavardage,dans les slogans de la phraséologie, nous fait perdre la relation authentique aux choses.

»Prenons à présent un certain recul vis-à-vis du texte afin d'en mieux saisir la signification.

Les questionssoulevées par ce texte concernent non seulement la pensée de Bergson mais aussi la façon dont laphilosophie déploie son interrogation.

La première question que nous nous posons est de savoir si toutproblème philosophique peut être qualifié de spéculatif.

Précisons notre pensée : nous nous demandonsquelles sont les implications philosophiques de l'affirmation bergsonienne selon laquelle un problème spéculatif« bien posé » est résolu.

Faire une telleaffirmation, c'est implicitement affirmer que la pensée peut rendre compte intérieurement et intégralementdu réel, de l'ordre de notre expérience vécue ? Or, les conséquences de cette affirmation de Bergson vontainsi, et c'est là peut-être le point le plus surprenant du texte, à l'encontre de ses propres pensées.

Eneffet, dès les Données Immédiates de la Conscience (ce livre, paru en 1888, est sa thèse de doctorat),Bergson avait cru mettre au jour un ordre profond de la vie irréductible à toute analyse logique et purementconceptuelle.

Or la conclusion de sa phrase dans ce texte nous dit au contraire que l'ordre conceptuel dulogique recouvrirait l'ordre de la vie, du réel.

Essayons de voir d'un peu plus près ce qu'il en est.La visée profond de Bergson, visée qui n'a cessé de se fortifier au cours des années, a été de retrouver lavérité profonde du réel par-delà les significations conceptuelles.

Le langage, qui n'est pour lui qu'une suitede mots discontinus, découpe et fige ce qui en profondeur est continu, la vie intime de notre moi profond.L'appareil conceptuel de la philosophie apparaît ainsi à Bergson comme une enveloppe superficielle qui. »

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