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BERGSON: SOUVENIR ET MEMOIRE

Publié le 27/02/2008

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bergson
Derrière les souvenirs qui viennent se poser ainsi sur notre occupation présente et se révéler au moyen d'elle, il y en a d'autres, des milliers et des milliers d'autres, en bas, au-dessous de la scène illuminée par la conscience. Oui, je crois que notre vie passée est là, et que tout ce que nous avons perçu, pensé, voulu depuis le premier éveil de notre conscience, persiste indéfiniment. Mais les souvenirs que ma mémoire conserve ainsi dans ses plus obscures profondeurs y sont à l'état de fantômes invisibles. Ils aspirent peut-être à la lumière : ils n'essaient pourtant pas d'y remonter ; ils savent que c'est impossible, et que moi, être vivant et agissant, j'ai autre chose à faire que de m'occuper d'eux. Mais supposez qu'à un moment donné je me désintéresse de la situation présente, de l'action pressante. Supposez, en d'autres termes, que je m'endorme. Alors ces souvenirs immobiles, sentant que je viens d'écarter l'obstacle, de soulever la trappe qui les maintenait dans le sous-sol de la conscience, se mettent en mouvement. Ils se lèvent, ils s'agitent, ils exécutent, dans la nuit de l'inconscient, une immense danse macabre. Et, tous ensemble, ils courent à la porte qui vient de s'entrouvrir.BERGSON

Le thème soulevé par le texte est celui de l’inconscient. Bergson y affirme que l’inconscient humain est constitué des souvenirs de l’individu, et que ceux-ci peuvent ressurgir à certains moments, lorsque l’hégémonie de la conscience s’efface. Le philosophe nous montre donc que la vie du sujet humain est bien plus riche que ce qu’elle semble être de prime abord. Mais par ailleurs, cette thèse présente des difficultés, car comment peut-on affirmer l’existence de l’inconscient puisque, par définition, ce dernier échappe à notre conscience ?

            Dans un premier temps, l’auteur fera une description sommaire de l’inconscient, qu’il liera à la mémoire. Dans un second temps, il usera d’une métaphore pour présenter ces souvenirs inconscients comme des « fantômes invisibles. « Enfin, dans un troisième temps, Bergson montrera que cet inconscient n’est pas pure invention fantaisiste, et qu’on y accède notamment au cours du rêve.

 

bergson

« invisible » peut être éclairée par cette autre affirmation de Bergson tirée de Matière et mémoire et dans laquelle il affirme que : « Notre vie psychologique passée tout entière, conditionne notre état présent, sans le déterminerd'une manière nécessaire ; tout entière aussi elle se révèle dans notre caractère, quoique aucun des états passésne se manifeste dans le caractère explicitement.

Réunies, ces deux conditions assurent à chacun des étatspsychologiques passés une existence réelle, quoique inconsciente ».

b) La conscience les empêche de parvenir jusqu'à elle.

(de « Ils aspirent… » à « …m'occuper d'eux.

») Par ailleurs, Bergson souligne que notre conscience n'est pas totalement étrangère au fait que ces « fantômes » neparviennent pas jusqu'à elle.

Bergson n'écarte pas l'éventualité selon laquelle ces « fantômes » aimeraient parvenir àla « lumière » (c'est-à-dire à la conscience), mais en dépit de cela, « ils n'essaient pourtant pas ».

Pourquoi ? Parceque c'est « impossible » et que « j'ai autre chose à faire que de m'occuper d'eux.

» Quelle en est la raison ? Celle-cinous est donnée par la théorie de la conscience qu'élabore Bergson.

D'après lui, ainsi qu'il l'écrit dans l' Evolution créatrice , la conscience est un « instrument de l'action.

» Autrement dit, la conscience est avant tout une puissance d'agir, une capacité à « n'accepter des objets que l'impression utile pour y répondre par des réactionsappropriées » ( Le rire ).

Or, si la totalité de notre vie psychique se rappelait à notre conscience en permanence, nos actions seraient bloquées, car nous aurions un trop-plein de souvenirs qui retarderait nos actions.

La conscienceimpose donc l'oubli aux souvenirs dont elle n'a pas besoin, pour ne pas se surcharger de ces « fantômes ».

Il rejointici Nietzsche, qui écrivait déjà avant lui que la faculté d'oubli est un « pouvoir actif, une faculté d'inhibition dans levrai sens du mot » Généalogie de la morale , deuxième dissertation , §1) Transition : Toutefois, si l'intérêt spéculatif de l'hypothèse de l'inconscient est ainsi avéré, qu'est-ce quinous prouve que cet inconscient existe ? Comment développer une « connaissance » de l'inconscient ? Un accès à l'inconscient reste possible. (de « Mais supposez… » à la fin du texte) 3.

a) Partir d'une hypothèse : l'interruption de la conscience.

(de « Mais supposez… » à « …que je m'endorme.

») Nous avons donc montré dans la partie précédente que l'inconscient ne l'était vraiment que dans la mesure où laconscience, préoccupée par les affaires de la vie quotidienne, par les nécessités et les besoins de la vie humaine,chassait les souvenirs qui lui étaient inutiles hors d'elle-même.

Pour Bergson, cela appelle une expérience depensée : que se passerait-il si l'on mettait fin à cet affairement perpétuel, si l'on se désintéressait « de la situationprésente, de l'action pressante » ? Rappelons au passage que la conscience étant un « instrument de l'action », etl'action étant ici intéressée avant tout aux choses utiles pour la vie, se désintéresser de « l'action pressante »revient à interrompre la dynamique de la conscience.

Aussi, cette expérience de pensée revient à analyser ce qui cepasserait si l'on arrêtait ce processus qu'est la conscience.

Cette hypothèse n'est par ailleurs pas qu'une purespéculation, car nous avons tous l'occasion d'en faire l'expérience quotidiennement alors que nous dormons.

D'oùl'intérêt pour Bergson de faire cette proposition qui résonnera en tout homme : « Supposez (…) que je m'endorme.

» b) Dans un tel cas, l'inconscient pourrait être exploré.

(de « Alors ces souvenirs… » à la fin du texte) Dans le sommeil, la conscience s'affaiblissant, nous pouvons en inférer que cela revient, pour ce qui concerne lessouvenirs inconscients, à « soulever la trappe qui les maintenait dans le sous-sol de la conscience.

» La consciencen'opérant plus alors cette censure qui consiste à ne donner la parole qu'aux souvenirs utiles, tous les souvenirs « semettent en mouvement.

» L' « immense danse macabre » que l'inconscient exécute alors, nous en avons tous déjàfait l'expérience à travers le rêve.

L'intérêt du domaine onirique réside en cela qu'il nous prouve que desmanifestations de l'inconscient peuvent parvenir jusqu'à nous.

Le songe peut être ainsi pris comme modèle del'activité désintéressée de la conscience, et on peut en déduire qu'une connaissance de l'inconscient se profile àtravers d'autres activités analogues au rêve, comme l'art ou la pensée intuitive.

Bergson écrit ainsi dans L'évolution créatrice : « C'est à l'intérieur même de la vie que nous conduirait l' intuition , je veux dire l'instinct devenu désintéressé, conscient de lui-même, capable de réfléchir sur son objet et de l'élargir indéfiniment.

» Conclusion : Nous percevons grâce à Bergson l'intérêt de l'hypothèse de l'inconscient, qui révèle la possibilité d'une viebeaucoup plus riche que ce à quoi notre conscience se cantonne.

Son exposition dans le domaine des songessemble d'autre part en prouver l'existence et rendre raison du phénomène onirique pourtant si mystérieux.

Freud lui-même n'affirmait-il pas que le rêve constituait « la voie royale de l'interprétation de l'inconscient » ( L'interprétation des rêves ) ? Ce faisant, le fondateur de la psychanalyse a peut-être poussé plus loin encore l'analyse de l'inconscient en remarquant que celui-ci n'était pas qu'un réceptacle à souvenirs, mais qu'il constituait une instancepresque autonome, avec ses désirs propres, générateurs de conflits avec le moi.

Reste à savoir dès lors s'il nousfaut rendre grâce à Bergson de n'avoir pas cédé à un fétichisme de l'inconscient qui consisterait à faire de celui-ciune personnalité obscure déresponsabilisant le moi, ou s'il faut lui reprocher de n'avoir pas vu que, selon la formulede Freud, le moi « n'est pas maître dans sa propre maison » ( Introduction à la psychanalyse ) ?. »

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