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Chercher la vérité, est-ce prendre un risque ?

Publié le 27/02/2008

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A celui qui tente de s'approcher d'une vérité interdite ou considérée comme dangereuse, on prédit qu'il va se brûler les ailes comme l'a fait Icare. La vérité est souvent comparée à un idéal dont la proximité serait dangereuse pour l'homme. Et celui qui se met en quête du vrai semble mettre en péril, par cette démarche, bien des choses assurées, sa vie, son bonheur, son confort, ses certitudes. On peut donc se demander si la recherche de la vérité consiste à prendre un risque. Car si le chercheur entreprend cette quête de la vérité, c'est justement parce que ce qu'il risque de perdre ne lui semble plus valoir grand-chose, à ses yeux seule la connaissance de la vérité peut redonner sens à tout. En sorte que le risque, précisément et paradoxalement, s'abolit comme risque lorsqu'on l'affronte et qu'on se met effectivement en chemin vers la vérité. Nous verrons dans un premier temps quels types de risque prend toute personne qui décide de chercher une vérité inconnue ou interdite. Mais il apparaîtra que le risque n'est pris que parce que cette vérité prend une valeur supérieure à tout, en sorte que les biens, la vie etc., ne sont risqués que parce qu'ils n'ont plus de valeur à nos yeux, on peut donc dire qu'en quelque sorte ils ne sont plus risqués. Nous montrerons enfin que la recherche de la vérité nous conduit à prendre en effet un risque suprême car elle nous demande un engagement total, qui exige que nous dépassions le moment de la peur pour entrer vraiment dans le chemin vers le vrai, où plus aucun risque ne subsiste.

« la logique, de l'entendement – non pas en suivant les règles variables et doxiques des sociétés et des autreshommes, qui peuvent se tromper.

Celui qui cherche la vérité risque de perdre ce qui le tient debout, il met en jeu unsol assuré, car la recherche de la vérité commence avec la mise en question des évidences, le questionnement dece qu'on croit le plus certain, l'ouverture intellectuelle sur le monde des possibles : ce qui semblait impossible tout àcoup devient concevables – pourquoi pas ? Mais le monde des possibilités intellectuelles est infini, et l'hommetremble devant cet infini qui vient écraser son monde fini, limité, délimité.

La recherche de la vérité suppose untravail de remise en doute de tout ce qui faisait notre monde, et il commence par la remise en doute de nous-mêmes, de notre propre existence et de ce qui nous définit.

Ce travail sur soi et sur le monde n'est pas facile, car ilse peut que ce qui en résultera ne soit pas confortable, ou agréable.Pour celui qui cherche la vérité, il y a un risque personnel, politique, intellectuel.

Lorsqu'on prend un risque, pourquelque raison que ce soit, on calcule toujours que le risque en vaut la chandelle, c'est ce qui donne sens au risque,on risque l'aventure parce qu'on estime que ce qui désiré vaut plus que ce qui est mis en jeu.

Mais pour la vérité, lerisque devient presque total, il semble que c'est à tout que l'on doive renoncer : car la recherche de la vérité nepeut pas se contenter de demi-mesures, celui qui se met en quête du vrai doit affronter le moment de la peur, car ildoit affronter la perte du sol ancien.

Pour refonder, il faut commencer par détruire ce qui est branlant.

Chercher lavérité, ce n'est pas seulement prendre des risques, c'est prendre le risque absolu, on risque tout, il nous faudrapeut-être renoncer à tout.

Et il faut s'attendre, le cas échéant, à rencontrer sinon la mort réelle, mais au moins lamort symbolique, la mort à soi de celui qui renonce, comme dit Husserl, à ses anciens habits, qui devient un nouvelhomme en quittant les opinions fausses.

La quête ne peut donc commencer que dans la conscience parfaite de cequ'on met en jeu et qu'on risque de perdre. La recherche de la vérité exige donc du chercheur le dépassement du moment de la peur, mais ce moment, lareprésentation des risques, on ne peut pas en faire l'économie, car c'est lui qui donne le sens à la recherche, il fautavoir vu ce qu'on perdait, vu ce qu'on gagnait, mesuré l'écart immense entre les deux, et aller vers le vraiintentionnellement.

La recherche de la vérité constitue à proprement parler une prise de risque, mais au sens où ellenous oblige à nous confronter au moment nodal qu'est le moment de la peur.

L'homme qui veut chercher le vrai, quiveut se lancer dans l'aventure, tremble en pensant à ce qu'il risque, à ce qu'il pourrait perdre, car les risques, nousle disions, sont réels pour l'homme qu'il est – nous ne sommes pas de purs esprits insensibles à toute douleur, àtoute émotion.

Et le moment de la peur, c'est le moment fondateur où une conscience regarde le vide, se confronteauthentiquement avec l'idée de la perte, de la mort, de sa propre mort.

Je regarde le risque comme on regarde lapossibilité de sa propre mort dans les yeux.

Et en toute conscience, je décide de faire la démarche malgré tout.

Etle paradoxe du risque vient de ce que celui qui prend un risque sait que le risque existe, mais il l'abolitparadoxalement en le reconnaissant.

Car il s'y prépare, et va donc être prêt à ne pas se faire surprendre par ledanger, le cas échéant – le trapéziste prend des risques, mais il ne les prend que parce qu'il est sûr de lui, il connaîtses techniques, et c'est pourquoi il n'a pas peur.

L'homme qui se met en quête du vrai ne cherche pas au hasard, ilva développer des méthodes, il va utiliser les lois de la raison, il va précisément utiliser ce qu'il n'utilisait pasauparavant, et c'était cette carence qui le maintenait dans l'ignorance ou l'illusion.

Et lorsque la recherche acommencé, il n'a plus peur, pas plus que le trapéziste sur son trapèze, car il sait comment avancer, il a passé lemoment de la peur, il lui a fallu le traverser, et pour cela, affronter avec courage la représentation des risques.

Maisle moment de la décision est aussi un moment paradoxal où, comme nous le disions, le risque s'abolit d'avoir étéreconnu – il ne demeure un risque que pour celui qui regarde de l'extérieur, qui n'accomplit pas l'action, et qui sesent comme un spectateur impuissant devant les dangers possibles.

Mais l'homme qui affronte le tyran sans craindrepour sa vie au nom de la vérité, peut le faire car il n'est plus devant l'image des risques, il est dans la chose, dans lechemin.C'est en ce sens que Husserl parle du moment du passage à la vie philosophique – mais on peut l'étendre à toutedémarche authentique et absolue de recherche du vrai – comme d'un moment de vocation, dans l'Introduction de laPhilosophie Première, II.

Il y montre comment la démarche philosophique consiste pour l'homme philosophe, l'hommeentier, l'esprit et le corps, comme un moment où il engage la totalité de sa vie connaissante, certes, mais aussi etsurtout sa vie complète : « Devenir philosophe en ce sens le plus authentique du mot, implique que lui incombe unedécision correspondante qui engagera sa vie de manière absolument radicale, une décision qui fera de sa vie une viepas vocation absolue.

» Le radicalisme de cette vocation vient de ce que le sujet connaissant doit décider qu'il nerenoncera plus à la vérité pour des motifs personnels, particuliers, il doit se consacrer à la recherche de la vérité demanière entière, chercher à assurer ses positions par tous ses moyens.

Et c'est en tant que « moi pratique » quel'homme fait cette démarche, c'est en ce sens que la recherche de la vérité est une prise de risque, on y engage savie non seulement spirituelle mais matérielle.

Mais puisque le chercheur de la vérité a compris que la possessionspirituelle de la vérité valait plus qu'une vie matérielle dans l'illusion, la perte de cette dernière n'a plus designification réelle, il est prêt à sacrifier sa vie – pas inutilement, mais si la vérité le demande.

Car pour celui quicherche la vérité, pour celui qui a si radicalement fait ce que Platon désigne comme la « profession de foi duphilosophe » (Phédon), le fait même de ne pas respecter cette promesse de chercher le vrai implique une «aberration de soi-même, un devenir-infidèle-à-soi-même » (Philosophie Première). La recherche de la vérité, comme nous l'avons vu, semble donc une entreprise qui implique une prise de risque réel,pour notre vie d'homme, et également intellectuels – mais avec des implications pratiques – dans la mesure où pourcette quête, nous devons être prêts à renoncer à ce qui nous semble certain.

Mais nous voyons en examinant lanature même de cette quête, que le risque est pris seulement parce que celui qui cherche, ayant estimé ce qu'ils'apprête à risquer, considère que cela vaut moins que ce qu'il cherche, et même, il ne le risque que parce qu'il nes'en contente pas.

En sorte que le risque, paradoxalement, n'existe que pour celui qui se le représente, le confronte,. »

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