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Commentaire le sourcil

Publié le 21/03/2017

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-INCENDIES- SCENE 1 Traditionnellement au théâtre, la première scène est là pour fournir au spectateur les éléments dont il a besoin pour comprendre l’intrigue et l’action qui va suivre. Wajdi Mouawad, auteur du XXI ème siècle respecte-t-il cette tradition ? I Les informations données par cette première scène On peut dire que la scène joue ici le rôle traditionnel de scène d’exposition dans la mesure où elle donne aux spectateurs un certain nombre de renseignements importants : c’est l’illustration du principe de la double énonciation. Le texte prononcé par un personnage s’adresse aux personnages présents sur scène, mais aussi au public.1) Temps et lieux La présentation qu’Hermile Lebel fait de son étude livre un certain nombre d’indications importantes : « les voitures et le centre d’achats », « l’autoroute » dessinent un paysage urbain, peu agréable, celui d’une grande métropole occidentale. On suppose donc qu’il s’agit de l’époque contemporaine. La saison est clairement indiquée : pour le lecteur par la didascalie première « Jour. Eté ». Pour le spectateur, la mention de la « fenêtre ouverte », et de « l’air conditionné » qui n’est pas installé le précise plus nettement. Quant à la ville exacte, elle n’est pas clairement citée. Pour le lecteur, le prénom d’Hermile renvoie cependant au Québec. 2) Situation de l’intrigue La scène se passe après la mort d’un personnage dont le nom n’est pas encore cité : il s’agit d’une femme et le notaire dans son rôle traditionnel a convoqué les enfants pour leur faire part de son testament. A plusieurs reprises, Hermile Lebel s’adresse à ces enfants en utilisant l’impératif : « Entrez, entrez, entrez ! Ne restez pas dans le passage enfin, c’est un passage ». Dans son discours, il nous apprend aussi indirectement qu’il s’agit de deux jumeaux, une fille et un garçon. On apprend aussi que la mère n’était pas ...

« ne restez pas dans le passage », répétée deux fois suggère la réticence des jumeaux à entrer dans la pièce.

Mais pour l’instant, le lecteur/spectateur en est réduit à imaginer les raisons de ce comportement.

2) Des relations familiales complexes Le discours du notaire révèle peu à peu une situation familiale assez mystérieuse : la formule traditionnelle « elle m’a souvent parlé de vous », qui apparaît comme une politesse est aussitôt rectifiée pour laisser place à la vérité : « en fait pas souvent, mais elle m’a déjà parlé de vous » et cette phrase est à nouveau corrigée par une série de phrases nominales : « Un peu.

Parfois.

Comme ça ».

Ce decrescendo donne l’image d’une mère qui ne parlait presque pas de ses enfants, alors que le notaire semblait assez proche d’elle.

De la même manière, le choix des termes apparaît révélateur : elle n’utilisait pas les prénoms de ses enfants, mais des formules assez neutres et froides : « les jumeaux », « la jumelle », « le jumeau ».

Pourtant le personnage de la mère n’est pas présenté de manière négative : elle a corrigé la parole du notaire, elle lui a permis de « bien » parler : « C’est votre mère qui m’a appris qu’il fallait dire un oiseau ».

Elle reste donc associée à cette image de l’oiseau, symbole de beauté et de liberté qui de fait ouvre la pièce « C’est sûr, c’est sûr, c’est sûr, je préfère regarder les oiseaux ».

De même, « dans son pays il ne pleut jamais » la renvoie à la chaleur et à la lumière.

3) Le silence et la parole Mais, en ce qui la concerne, la mère est caractérisée par son silence : « elle ne disait jamais rien à personne », « bien avant qu’elle se soit mise à ne plus rien dire du tout, déjà elle ne disait rien et elle ne me disait rien sur vous ».

Les négations s’enchaînent et s’accumulent : « jamais », « rien », « personne », « rien du tout », « rien », « rien ».

Une telle insistance suggère l’existence d’un secret et le lecteur pressent que c’est là que va se jouer l’intrigue.

De plus le discours du notaire met en avant la violence de la mort qui « détruit toutes les promesses », « la mort, ça n’a pas de parole ».

Ce rappel discret dans la première scène du titre de la trilogie dont fait partie la pièce Incendies amène à penser que la mère n’a pas tenu la promesse qu’elle avait faite et que les enfants devront en dénouer les conséquences.

De fait, pour mettre fin au silence, il faut bien l’intercession d’un notaire peu ordinaire.

III Un notaire hors du commun 1) Un personnage compatissant L’émotion du personnage est visible tout au long de la scène : la didascalie finale est explicite « il éclate en sanglots » et il dit très simplement : « j’aimais votre mère ».

L’ambivalence du terme (amour ou amitié ?) est nette et la phrase est répétée deux fois.

A cet égard, Hermile Lebel dépasse la figure traditionnelle du notaire, telle qu’elle apparaît dans la comédie.

Chez Molière, le notaire est un personnage souvent ridicule, utilisant un jargon prétentieux que personne ne comprend et très préoccupé d’argent.

Chez Mouawad, les liens qui l’unissaient à sa « cliente » sont beaucoup plus profonds et vis-à-vis des jumeaux son discours est celui de la compassion : il comprend leur situation, mais insiste sur la vie qui continue : « il va bien falloir agir.

Continuer à vivre comme on dit », et parlant du testament, il évoque « un mal nécessaire », l’adjectif lui-même est utilisé deux fois.

Son rôle va donc largement au-delà de ce que l’on attend d’un notaire traditionnel. 2) Un personnage bavard La mère se taisait et les jumeaux se taisent également : seul le notaire parle et longuement.

L’enjeu de la parole apparaît ainsi au cœur de l’intrigue, comme le montre la. »

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