Commentez ce vers de Boileau : « On peut être héros sans ravager la terre » ?

« III.

L'HÉROÏSME QUODITIEN En fait, il reste l'apanage d'êtres exceptionnels, et le modèle paraît alors bien lointain.

Une autre conception del'héroïsme se fait jour chez les penseurs modernes.Elle est d'abord l'antithèse des opinions communément admises dans ce domaine.

La gloire est désormais considéréecomme superflue ; l'héroïsme « à la une » ressemble trop à une entreprise publicitaire, et Camus, dans la Peste,refuse les sentiments qui seraient « exaltants, à la vilaine façon d'un spectacle ».

Il critique même un peu ceux desRésistants qui tentent d'auréoler leurs actions passées.

En face d'eux, il campe un modèle paradoxal, unbureaucrate sans envergure, Grand : « Le narrateur propose justement ce héros insignifiant et effacé qui n'avaitpour lui qu'un peu de bonté au coeur et un idéal apparemment ridicule ».Est-ce à dire que l'héroïsme se confond alors avec la pratique des vertus faciles ? Pour Camus au contraire, ilsuppose un choix fondamental : le docteur Rieux et ceux qui l'entourent se consacrent au salut de leursconcitoyens.

Chacun, et surtout Rambert, a dû renoncer pour cela à un aspect essentiel de sa vie individuelle.Avant de faire le sacrifice, le journaliste interroge : « Avez-vous donc choisi, vous, et renoncé au bonheur ? » Maisil a déjà décidé de rester à Oran.

Cette option qui est libre, individuelle, n'a rien qui suscite l'enthousiasme.

Elle n'enest pas moins difficile, puisqu'elle s'oppose à l'aspiration profonde de chaque être au bonheur ; mais pour lespersonnages de la Peste, ceux qui ont préféré la satisfaction de leurs propres désirs ne sont pas condamnables :cet héroïsme silencieux et exigeant ne s'arroge pas le droit de juger autrui.L'efficacité - C'est pourtant autrui qui en bénéficie, puisque seule la cause de l'humanité justifie, dans cesperspectives, le renoncement au bonheur.

Giraudoux, dans La Guerre de Troie n'aura pas lieu, laisse s'affronter deuxthèses opposées : tandis que Priam et les hommes de son entourage affirment l'excellence de la guerre, Andromaquedémontre que la nature suffit à exercer les qualités viriles, sans qu'il soit besoin d'adversaire humain; la viequotidienne demande aussi une certaine forme d'héroïsme : « On meurt toujours pour son pays ! Quand on a vécuen lui digne, actif, sage, c'est pour lui aussi qu'on meurt ». CONCLUSION Il ne saurait être question de minimiser la bravoure de tous ceux qui ont lutté avec les armes lorsque lescirconstances le leur imposaient.

Mais il est peut-être bon de mettre en valeur un autre héroïsme, moins meurtrier,plus positif : le mot prend alors une valeur très différente, et Camus le montre bien lorsqu'il fait dire au docteur Rieux: « Il ne s'agit pas d'héroïsme dans tout cela.

Il s'agit d'honnêteté».

Définition modeste, qui a l'avantage de réduireà des proportions plus humaines un idéal ambigu, hérité d'une mythologie dépassée — et qui laisse aux êtresd'exception la possibilité de s'épanouir.

Il est vrai que s'ils ont cette possibilité, c'est grâce au sacrifice d'autreshommes qui sont morts pour que « l'honnêteté » redevienne possible.. »