COMTE Auguste : sa vie et son oeuvre
Publié le 22/11/2018
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COMTE Auguste (1798-1857). Auguste Comte vient au monde à l’extrême fin d’un xvme siècle où Kant tire les leçons des succès de la physique moderne, cette « révolution subite dans la manière de penser », en réduisant toute métaphysique future au statut de théorie de la connaissance; où la Révolution, après avoir abattu le séculaire édifice social, cède la place à des régimes sans légitimité ni stabilité et enfante une société désemparée, inquiète, orpheline de ses anciennes valeurs; où les « philosophes » ont sapé les formes de la religion, et jusqu’à l’idée même de Dieu. Cette triple négation a dicté au fondateur du positivisme une triple mission : reconstruire une épistémologie scientifique, un corps social harmonieux, une religion moderne.
Vocation et apostolat positivistes
Après de brillantes études mathématiques, Auguste Comte devient, en 1817, le disciple d'un Saint-Simon qui veut rebâtir rationnellement la nation en libérant les travailleurs des classes parasitaires qui les entravent et en lui insufflant une foi nouvelle. En 1822, il publie son Plan des travaux scientifiques pour réorganiser la société. Cet ouvrage, le troisième des quatre cahiers constituant le Catéchisme des industriels (et qui sera réédité, en 1824, sous le titre Système de politique positiviste), contient, sous une forme embryonnaire, les intuitions génératrices de la doctrine (succession des trois états; substitution finale de la recherche scientifique aux spéculations métaphysiques). Mais Comte ne conçoit une véritable réforme qu’au terme d’une stricte science sociale, qu’il faut construire sur les mêmes bases théoriques que la physique mathématisée; sa philosophie de l’histoire lui prouve que l’heure n’en est pas encore venue : d’où sa rupture avec Saint-Simon. Son existence difficile, son métier précaire de répétiteur à l’École polytechnique, ses heurts de républicain avec le pouvoir monarchiste, les graves troubles mentaux qui le frappent de 1826 à 1829, tout cela n’entrave pas la rédaction régulière du Cours de philosophie positive, dispensé devant un auditoire de mathématiciens, de physiciens, de médecins, et publié en six volumes de 1830 à 1842. En 1844, Comte rencontre Clotilde de Vaux, dont il devient l’ami et le confident; la jeune femme meurt de phtisie en 1846, à trente-deux ans, et le philosophe lui voue un véritable culte que reflète la tonalité religieuse de ses dernières œuvres (Système de philosophie positive, 1851-1854; Catéchisme positiviste, 1852). Il meurt entouré de disciples français et étrangers réunis dans la Société positiviste qu’il a fondée en 1848.
De l'épistémologie à la sociologie
Le Cours de philosophie positive s’ouvre sur la fameuse « loi des trois états », cadres fondamentaux et infranchissables des trois épistémés qui se succèdent : à l’état théologique — où les phénomènes sont rapportés à l’action directe des causes surnaturelles —, à l’état métaphysique — où des qualités abstraites, purement verbales, remplacent, comme explication, les dieux et les démons — s’oppose l’état positif, où l’esprit humain renonce à chercher le « pourquoi » des choses (leurs causes originelles et finales) pour en déterminer le comment, c’est-à-dire les rapports constants qui les unissent et les lois qui traduisent mathématiquement ces relations entre les phénomènes. Cette « explication » règne désormais dans les mathématiques, l’astronomie, la physique : l’humanité entre dans l’âge positif et peut espérer une maîtrise de ses structures et de son devenir (« Savoir pour prévoir, afin de pourvoir »). La tâche du philosophe consiste à introduire dans la positivité des sciences moins générales : par ordre de complexité croissante, la chimie, la biologie, la philosophie sociale enfin, couronnement de l’édifice. Cette sociologie (le mot est de Comte, qui dit encore : physique sociale, politique, ou anthropologie) se décompose en « statique sociale » (science de l’ordre commun à toutes les sociétés) et en « dynamique sociale » (science du progrès); elle met en œuvre la même méthode d’observation, de comparaison et de déduction que les autres sciences, et permettra la libération démocratique de la société.

«
chimie,
la biologie, la philosophie sociale enfin, couron
nement de l'édifice.
Cette sociologie (le mot est de
Comte, qui dit encore : physique sociale, politique, ou
anthropologie) se décompose en « statique sociale >>
(science de l'ordre commun à toutes les sociétés) et en
«dynamique sociale >> (science du progrès); elle met en
œuvre la même méthode d'observation, de comparaison
et de déduction que les autres sciences, et permettra la
libération démocratique de la société.
De la philosophie à la religi on
La classification des connaissances.
la minutie analy
tique (par distinctions binaires), les ambitions de réforme
sociale sont communes à beaucoup de« socialistes utopi
ques » du XIXe siècle.
Fourier, Proudhon proposent aussi
d'étudier scientifiquement la nature, et de reconstruire
l'organisation politique sur des bases assurées.
Mais
Comte est le seul à rompre avec le subjectivisme prophé
tique des utopistes, leur métaphysique absolutiste : il
se guide à la méthode hypothético-déductive et à son
armature mathématique, qui ont fait leurs preuves; il
emprunte à Hegel la vision d'un devenir nécessaire de la
société et de r esprit, qui relativise toute vérité; il consi
dère, avant Durkheim, les faits sociaux comme des cho
ses que le positivisme permettra de connaître, et non
comme l'argile soumise à l'homme providentiel (de là
son indifférence aux systèmes politiques, son ralliement
à Napoléon Ill, puis sa« récupération >> par les conserva
teurs comme Maurras).
Cependant il n'échappe pas, dans la dernière partie de
son œuvre, à la réinstauration d'une morale et d'une
religion -septième science, la plus haute -pour ani
mer et couronner l'édifice social :il pose des limites aux
recherch�s fondamentales, pour développer la foi dans le
« Grand Etre , ..
(1' humanité) entouré du « Grand Milieu >>
(1' espace) et du « Grand Fétiche>> (la terre).
Autour de
cette trinité positiviste s'organise un culte avec son
clergé, ses rites, ses sacrements, son «catéchisme >>, et
même sa vierge mère : catholicisme « redressé >>, désor
mais force ae cohésion et de conscience sociales,
croyance rationnelle qui, loin de terroriser et d'aliéner,
épanouit et libère le fidèle en favorisant la communion
de l'individu avec la totalité du devenir et des énergies
de l'humanité.
On comprend qu'à la ferveur des intimes ait répondu
l'opposition des premiers disciples: Littré et John Stuart
Mill, par exemple.
Il reste que l'appel à une nouvelle
alliance entre la science, la philosophie et, éventuelle
ment, la religion reçut un écho mondial et suscita un
apostolat positiviste particulièrement fervent en Améri
que latine : ::'est que la chaleur de conviction et la
flamme abstraite qui vivifient les œuvres difficiles de
Comte correspondaient à une soif de certitude et d'espé
rance rationnf�lles que ne devaient combler ni la disper
sion irrémédiable des champs de recherche, ni l'abandon
de toute reve-,dication d'une épistémologie unitaire, ni
les soubresauts politiques du xx! siècle.
Du moins le
positivisme, avec sa dialectique synthétique et concilia
trice (très élc·ignée de l'hégélianisme ou du marxisme
qui exaspèrent les oppositions pour les nier en les dépas
sant), demeu:e-t-il l'emblème de l'optimisme et des
grandes espérances d'un âge qui pensait maîtriser son
destin, échapper aux crises et toucher à la sérénité.
BIBLIOGRAPHIE
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