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CONDORCET ET L'IDEE DE PROGRES

Publié le 11/05/2011

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Condamné à mort par contumace le 2 octobre 1793. Condorcet échappe quelques mois à son destin. Mais l'incognito ne l'empêche pas d'être arrêté, comme suspect, et il meurt en prison d'épuisement, le 30 mars 1794: comme la victime marquée de Robespierre. des Montagnards et de la Révolution. Cette fin d'une vie dévouée aux lumières fait crier à l'injustice du sort, à la cruauté des hommes, à l'absurdité des révolutions. A la différence d'un André Chénier, — connu alors non comme poète mais comme un pamphlétaire monarchiste recevant ses consignes de l'étranger, la réputation philosophique et patriotique d'un Condorcet n'est pas à faire. Son projet scolaire, présenté le 20 avril 1792 devant l'Assemblée, n'avait encouru aucune critique de fond, et devait plus tard inspirer les lois de la Troisième République. Bien plus, l'histoire des idées et des lettres va retenir son message, cette Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain qu'il rédige pendant l'hiver où il échappe à ses persécuteurs, sans perdre espoir dans l'avenir des hommes et de ses concitoyens.

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« contrairement à ce dernier, sympathisant avec lui, ils durent souvent renoncer à la carrière littéraire s pour quelquemodeste fonction d'homme de loi.

La Révolution leur ouvrit les portes de l'éloquence et du journalisme, et, bien plus,les voies de l'autorité politique ou militaire.De façon plus générale, si la Révolution française a été différente de toutes les précédentes.

si elle a pu devenir lemodèle des suivantes, c'est parce qu'il existait dans la France de 1789 des hommes instruits, éclairés, capables deformuler les aspirations de leurs mandants, animés d'un esprit de responsabilité et d'un dévouement ardent à lacause publique, nationale.Le trait spécifique, et décisif, de notre Révolution est, à notre avis, son caractère national.

Le XVIIe siècle avaitsoudé le pays sous la monarchie.

Le XVIIIe siècle voit l'expansion du patriotisme (sous des formes au reste assezvariées pour englober parmi elles les militants de l'orléanisme) .Ainsi la France, — de pays devenant nation dans l'esprit de ceux qui cherchaient à la concevoir d'après les schémasnominaux hérités de l'Antiquité comme d'après les cadres créés par la centralisation absolutiste,— donne naissance,ou plutôt prédominance dans le monde moderne, à l'idée de nation.Ce qui ne va pas sans un conflit entre cette dernière et le « cosmopolitisme » des lumières.

Par une contradictionhistorique féconde (indispensable, car comment le progrès, sinon ?) , la prétention à l'hégémonie française, —transposée bientôt du plan culturel au plan politique et militaire, — va engendrer ailleurs, par inversion, lesnationalismes.

Mais dès l'étape idéologique des lumières, la réflexion naît et se nourrit du dilemme : unité de l'espècehumaineexpérience sensible de la communauté restreinte alias patrie.

Une solution ne peut être indiquée que par un retourvers l'intérêt concret des individus.

Mieux que Voltaire (article Patrie du Dictionnaire philosophique).

Diderot l'exprime en 1773 sous cette forme : « Le patriotisme ne peut durer qu'où il est fondé sur la liaisonnécessaire du bonheur de l'individu avec le bonheur de tous » (Commentaire surHemsterhuis).

Mais l'ensemble du siècle a vécu plutôt qu'approfondi un conflit latent,depuis les ratiocinations pseudo historiques cherchant des modèles « à la Chine », jusqu'àla réalisation applaudie et peu comprise qu'offrent les Etats-Unis d'Amérique des années80 (on a tort même en parlant du XVIII° siècle, d'identifier cosmopolitisme et européisme).Militants de la raison et du coeur, les épigones des philosophes dont l'intérêt se portasurtout pendant la dernière décennie, vers les questions politiques, devinrent desmilitants de la politique, et, en même temps, furent d'emblée capables de conceptualiser,de théoriser leurs expériences : aussi bien un Barnave qu'un Saint-Just et un Babeuf.C'est le fruit d'un siècle de « lumières », où s'allient sans s'opposer, et, mieux, ens'épaulant l'enthousiasme généreux et l'habitude d'exprimer rationnellement les idées.Mais alors, on ne voit pas pourquoi ces facilités, ces dons de l'époque auraient étérefusés à ceux à qui il prenait envie de prendre le contrepied.

Une grâce historiqueaccorde donc aux dénigreurs des philosophes, aux contre-révolutionnaires la mêmenetteté d'esprit, une égale vigueur pamphlétaire, cette espèce de génie qui fait trouver d'emblée aux opposants de1790 comme de 1792, et leur donne l'art d'exprimer parfaitement 1 toutes les objections, tous les arguments « dedroite » que ne feront que ressasser leurs petits-neveux des deux siècles suivants.

C'est que la controverse, grâceaux lumières, fut aisément portée au niveau de la pensée politique comme de la littérature philosophique2.On peut être moins indulgent pour les timorés, les maniaques du distinguo et de l'ambiguïté : Raynal, Marmontel,Morellet, qui surent dépasser Thermidor.Faut-il maintenir hors de l'oubli définitif et vengeur les renégats ? Palissot et Fréron fils se mirent au service dupouvoir républicain.

Plus prévoyant, La Harpe renia ses maîtres à penser pour devenir celui de l'Empire et du sièclenouveau, au prix de calomnies systématiques.

Relayé par Nisard et Damiron.

puis par Taine et Bourget, La Harpe adonné des lumières une image partiale et effrayante qui a dominé l'Université française, peut-être jusqu'en 1945, entout cas dans les ouvrages d'enseignement élémentaire.Il en demeure à tout le moins une présentation condescendante et sottement prétentieuse des « philosophes »,dont il est temps de se délivrer.A la vérité, la pensée réellement anti-philosophique, celle des Maistre et des Bonald, ne dut rien aux dénigreurs etaux renégats, mais, — dès sa naissance aux alentours de 1790, — par son sérieux, son souci de logique, son besoinde répondre aux aspirations qu'elle attribuait à l'esprit humain, elle fut ou demeura l'héritière de la pensée deslumières.

Voulant abattre cette Jéricho, elle ne joua sur ses trompettes qu'une musique rationnelle et traditionnelle.Au reste, leur niveau de culture plaçait les émigrés français si au-dessus des milieux où il leur fallut, pendant vingtans, subsister, que, sans le vouloir, ils contribuèrent moins à convaincre l'Europe d'abattre la République françaisequ'à implanter partout l'image libérale et progressive de leur pays.Dans cet éventail d'attitudes, dont les lumières forment l'axe commun, Condorcet apparaît comme un modéré, danstous les sens du mot.

S'il exhorte La Fayette, en 1791, à avoir « le courage d'égaler [la nation] dans sa marcherapide », il n'est pas si pressé d'instaurer la République : « Un véritable républicain sait très bien attendre sous ungouvernement monarchique les effets lents mais sûrs de la raison ».

Il s'oppose en même temps aux Feuillants etaux démocrates.

Et son libéralisme, aux formules utopiques 2, semble cacher la tactique bien connue maintenantdes démagogues modérateurs : « Le principe de n'agir qu'avec le peuple et par lui, en le dirigeant, est le seul dansun temps de révolution populaire qui puisse sauver les lois ».Cette insistance mise sur la nécessaire stabilité des lois, qui justifie pour lui la Constitution, s'accorde-t-elle avecl'idée centrale de son Esquisse? Le théoricien du progrès, — comme on l'a appelé,devait-il s'effrayer devant la passion fébrile des montagnards, qui visait, au fond, à accélérer le mouvement del'histoire ?Pour répondre à cette question, il faut se replacer dans la mentalité du siècle.

Envisager des « progrès de l'esprithumain », c'est toujours céder au désir d'améliorer l'homme sans recourir à la surnature.

Si Malthus considère. »

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