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Connaissons-nous mieux le présent que le passé ?

Publié le 16/01/2004

Extrait du document

La question ne porte pas directement sur la possibilité ou l'impossi­bilité d'une connaissance. Aussi ne faut-il surtout pas la transformer en «Pouvons-nous connaître le présent?« ou «Pouvons-nous connaître le passé?«

Comme toute question portant sur le temps, celle-ci peut entraîner de redoutables difficultés. On n'échappera pas en effet, ne serait-ce qu'incidemment, à la question «Qu'est-ce que le temps?« Or une telle interrogation s'est révélée, à maintes reprises dans l'histoire de la philosophie, aporétique.

Il ne faudra pas non plus manquer d'interroger le sens d'une «connais­sance meilleure«. Il est implicitement question ici soit de degrés dans la connaissance, soit de degrés de facilité. L'omettre serait appauvrir considérablement le sujet.

Il faut remarquer que le sujet ne mentionne que deux temps: le présent et le passé. L'absence du futur est peut-être significative.

► Enfin, on prendra garde au fait que les notions de présent et de passé n'ont rien d'évident. Leur définition respective étant fluctuante, il faudra en examiner les conséquences relativement à la question.

« 3.

Il n'y a de connaissance ni du passé, ni du présent A.

La connaissance du passé est toujours une connaissance présente. Le passé n'est toujours qu'un passé du présent puisqu'il n'est que représentation.

La connaissance que nous pouvons avoir du passé est une connaissancedu présent.

Nous pouvons donc dire que dans le présent nous connaissons mieux le passé que le présent. B.

L'histoire est constamment à réviser. Il s'ensuit aussi que la connaissance du passé est dépendante du présent.

Elle est non seulement dépendante des moyens dont nous disposons dans leprésent pour procéder à des investigations du passé (et certaines innovations techniques font que nous connaissons mieux une époque que ceux qui l'ontvécue), mais elle est aussi dépendante des intérêts du présent.

L'histoire est souvent conditionnée par les préoccupations d'une époque, quelques notionsd'historiographie suffisent à le prouver.

En définitive, c'est par la connaissance du passé que s'élabore aussi la compréhension du présent.

Sartredéveloppera une même idée concernant le présent et e passé individuels; La signification du passé est étroitement dépendante de mon projet présent.

Cela ne signifie nullement que je puisfaire varier au gré de mes caprices le sens de mes actes antérieurs; mais, bien au contraire, que le projet fondamentalque je suis décide absolument de la signification que peut avoir pour moi et pour les autres le passé que j'ai à être.

Moiseul en effet peux décider à chaque moment de la portée du passé: non pas en discutant, en délibérant et en apprécianten chaque cas l'importance de tel ou tel événement antérieur, mais en me « pro-jetant » vers mes buts, je sauve lepassé avec moi et je décide par l'action de sa signification.

Cette crise mystique de ma quinzième année, qui décidera sielle « a été » pur accident de puberté ou au contraire premier signe d'une conversion future? Moi, selon que je déciderai- à vingt ans, à trente ans - de me convertir.

Le projet de conversion confère d'un seul coup à une crise d'adolescence lavaleur d'une prémonition que je n'avais pas prise au sérieux.

Qui décidera si le séjour en prison que j'ai fait, après unvol, a été fructueux ou déplorable? Moi, selon que je renonce à voler ou que je m'endurcis.

Qui peut décider de la valeurd'enseignement d'un voyage, de la sincérité d'un serment d'amour, de la pureté d'une intention passée, etc.

? C'est moi,toujours moi, selon les fins par lesquelles je les éclaire.

SARTRE. Conseils pratiques. • N'oubliez pas que Sartre dans toute son oeuvre, donne à voir l'univers de la liberté humaine.

C hez lui, j'existe et jesuis libre se présentent comme deux propositions rigoureusement équivalentes.

Il y a, en un sens, identité del'existence et de la liberté.

Ce qui signifie que même le passé ne saurait se constituer comme un donné opaque megouvernant et régissant ma vie.

La liberté est ce pouvoir de rompre la chaîne infinie des causes et des effets...

A moi dedécider et de choisir... • Définir clairement les termes ou expressions importantes : ~ Passé : Il désigne, selon une définition générale, une dimension du temps écoulé, en tant qu'il n'est plus là et exprime une irréversibilité absolue.Chez Sartre, le passé se définit comme un « pour-soi noyé par l'en-soi », à savoir une manière d'être de l'existant humain figée dans ce qui est, de manièrestable.~ Projet : aspect de la conscience humaine, toujours en avant d'elle-même, vers l'avenir.~ Se projeter vers : se transcender, au-delà de soi-même, dans le monde, dans la temporalité, vers le futur.~ Projet fondamental : projet originel commandant nos déterminations particulières.

Choix par lequel chaque personne se fait personne.

Un choix unique denotre vie unifierait, en effet, nos choix particuliers et informerait toutes nos actions et tous nos goûts.~ Projet présent : libre production de la fin, censée exister dans le moment où je parle.~ Signe : élément représentant ou symbolisant un élément futur.

Donné gros d'autre chose que lui-même.~ Fin : but vers lequel je tends. • Structure du texte : Dans un premier mouvement, la pensée de Sartre est théorique.

Thèse sur la signification du passé humain, sur le caractère choisi et construit du passé.Ensuite, une série d'exemples nous est présentée.

Passage de l'abstrait au concret, de l'élucidation philosophique à l'illustration concrète. 1) « La signification du passé ...

sa signification » : mon « projet originel » et mon projet présent décident de la signification de mon passé, lequel n'est doncpas un bloc figé.a) « La signification...

projet présent » : énoncé de la thèse générale, selon laquelle le passé est informé par le présent.b) « Cela...

j'ai à être » : ce ne sont pas des déterminations arbitraires et fantaisistes qui décident de mon passé, mais bien mon projet originel.c) « Moi seul...

signification » : ma projection permanente vers le futur décide de mon passé.2) « Cette crise mystique...

je les éclaire » : les exemples illustrent la thèse générale énoncée.a) « Cette crise mystique...au sérieux » : exemple d'une crise mystique, d'une phase critique où j'ai eu le sentiment d'entrer en rapport direct avec Dieu.

Amoi de lui donner un sens à travers mon projet présent.b) « Qui décidera...

m'endurcis » : exemple d'un moment dont je construis perpétuellement le sens (le séjour en prison).c) « Qui peut...

éclaire » : ce sont les buts vers lesquels je tends qui éclairent les diverses modalités de mon passé (voyages, serment d'amour).• Quelle est l'idée directrice du texte ? Le présent, le futur et le « projet fondamental » de mon existence décident du sens du passé, lequel n'est pas un blocfigé, mais une perpétuelle transformation.• Le problème soulevé par le texte : si le passé pèse sur moi, tel un ensemble de déterminismes, ou bien s'il est une matière pour la liberté humaine.

Lepassé, obstacle ou organe d'une liberté ?• Quel est l'enjeu du texte, ce qu'il me fait gagner ou perdre, théoriquement et pratiquement ? S'il s'avère que je décide librement, dans l'instant présent, demon passé, alors je redécouvre le champ de ma liberté et de ma pratique dans le monde, la sphère des infinis possibles.

Si l'analyse de Sartre est exacte,alors rien ne me structure de manière définitive et je décide seul de mon destin et de ma vie.

Loin d'être opacité, le passé est organe de ma liberté et je puisdonc échapper à tout ce qui tend à me figer en « essence ».• Quant à l'intérêt philosophique : ces lignes me renvoient à la liberté du sujet pleinement responsable de lui-même.

Leur intérêt est de me recentrer sur matotale responsabilité et sur mon choix.. »

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