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Corrigé : doit-on se résigner au matérialisme ?

Publié le 26/07/2012

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En outre, quand bien même tout le confirmerait, le matérialisme n’est pas nécessairement synonyme de « résignation « pour l’homme. En effet, contrairement à ce que présuppose le sujet en utilisant le verbe « se résigner «, le matérialisme n’est pas forcément désenchantement ou nihilisme, et n’est pas forcément une « philosophie de pourceaux « qui ravalerait l’homme au rang de simple animal, sans souci de préoccupations plus dignes de lui et de son esprit. En effet, de nombreux philosophes matérialistes ne nient pas que l’homme se distingue par son esprit : ils refusent simplement de voir dans l’esprit quelque chose d’immatériel et montrent, comme le fait La Mettrie dans l’Homme-Machine, que ce n’est pas le caractère immatériel de l’esprit humain qui fait sa grandeur puisque, même s’il s’avérait n’être fait que de « boue «, il n’en serait pas moins admirable. En outre, une philosophie matérialiste n’est pas forcément incompatible avec des préoccupations « spirituelles «, comme le montre la philosophie d’Epicure,  ....

« la vie à de la matière, c'est en effet lui enlever une grande part de son mystère et de son côté sacré.

Cela conduit par ailleurs à s'interroger sur la possibilité demanipulations sur le vivant, ce qui pose des problèmes éthiques.

D'autre part, montrer que l'esprit pourrait se réduire à un organe, le cerveau, c'est aller contre l'idéed'une âme immortelle et d'une possible existence au-delà de celle de notre corps.

C'est donc affirmer notre finitude, notre caractère mortel, mais aussi remettre encause l'idée de libre arbitre.

En effet, si nous sommes intégralement « matière », cela implique que comme le reste de la réalité matérielle, nous sommes soumis austrict déterminisme des lois physiques.

Nos décisions « volontaires » ne seraient donc qu'une illusion de notre conscience.

Enfin, l'idée d'un être transcendant,immatériel,autrement dit Dieu, n'aurait plus de sens.

Ce débat n'engage donc pas que des spéculations théoriques, mais aussi des croyances existentielles.

b) qu'est-ce que la matière ?En outre, le matérialisme pose un certain nombre de problèmes théoriques et scientifiques qui pourraient conduire à le remettre en cause.

Pour pouvoir affirmer eneffet que « tout est matière », encore faudrait-il préciser en quoi consiste cette « matière ».

Pour le sens commun, la matière a sur l'hypothétique « esprit » le privilèged'être concrète, palpable, visible.

Elle semble ainsi constituer les choses qui nous entourent.

Il suffirait donc d'atteindre les plus petits constituants pour dire en quoiconsiste fondamentalement la matière.

C'est ce à quoi renvoie l'idée antique d' »atome », de « particule insécable », d'élément de base, à partir de quoi tout le reste estcomposé.

Or cette représentation de la matière comme faite de « petites choses » est remise en cause par la science.

En effet, comme le soulignent Einstein et Infelddans l'Evolution des idées en physique, c'est en terme d' »énergie » qu'il faut penser la matière, car elle consiste en une certaine concentration d'énergie, dans un« champ » qui représente lui-même une certaine quantité d'énergie, plus faible.

Ainsi, on pourrait dire avec Poincaré que « la matière n'existe pas », ou, en tout cas,n'existe pas selon la représentation naïve du sens commun, sa nature étant bien plus problématique.

c) Pouvons-nous savoir si la matière existe ? Dès lors, l'existence même de la matière comme celle des corps situés hors de nous et de notre esprit pourrait bien se révéler problématique.

En effet, l'esprit nepourrait-il pas être la seule réalité, tout ce que nous identifions comme « matière » ne consistant qu'en perceptions par ce même esprit, sans correspondre à des« choses » hors de lui ? La force de cette thèse « immatérialiste » est de retourner l'argument du sens commun, pour lequel l'évidence de la réalité de la matière tientdans ce qu'elle s'offre à la perception.

L'immatérialisme montre en effet, d'une part, que ce que nous rencontrons dans l'expérience, quand nous « touchons » ou« voyons » de la matière, ne sont que des sensations ou des « idées » présentes à notre esprit et, d'autre part que nous avons l'habitude d'attribuer la cause de cessensations à des choses distinctes de ces sensations elles-mêmes.

Or, comme le montre Berkeley, lorsque nous rêvons nous pouvons avoir les mêmes sensations sansqu'elles soient autre chose que le produit de notre esprit.

La notion de substance matérielle distincte de l'esprit serait donc illusoire, ou du moins inutile.

En outre,même si la matière existait, nous ne pourrions jamais en avoir la confirmation : n'ayant affaire dans l'expérience qu'à nos sensations, toute expérience directe de lamatière nous serait à jamais impossible.

Nous ne pouvons pas en effet « sortir de nous-mêmes » pour voir s'il y a bien quelque chose en dehors de nos sensations quien est la cause.

Il s'ensuit qu'il ne semble pas pleinement justifié de se résigner au matérialisme.

III.

Une réponse qui relève d'un choix éthique et existentiel : a) une réponse « pratique à défaut d'une réponse « théorique ».

Comme nous venons de le voir, la question de la nature du réel reste ouverte.

On ne saurait cependant en rester à ce constat sur un tel sujet.

En effet, la question desavoir si tout n'est que matière ou s'il existe bien quelque chose comme l' »esprit » ne concerne pas seulement les scientifiques et les philosophes, mais concernechacun d'entre nous, du fait de son importance existentielle.

D'ailleurs,chaque individu y apporte une réponse, qu'il en ait conscience ou non, par sa façon de vivre etde donner sens à son existence.

On ne vit pas de la même façon, en effet,si l'on ne croit qu'à ce qui est matériel ou si l'on croit à la réalité de l'esprit.

Comme chacunse voit tenu de répondre dans sa vie et par sa vie à cette question, alors même qu'elle est encore indécidable théoriquement, il s'ensuit qu'elle doit être impérativementexaminée sur le plan « pratique ».

b) la croyance légitime à l' »esprit ».

S le matérialisme ne peut pas se présenter comme la vérité sur le réel, l'idée d'une réalité immatérielle, l' »esprit », ne renvoie pas forcément à une croyance illusoire.Il serait toutefois illégitime de prétendre en faire un objet de connaissance authentique, dans la mesure où une telle réalité ne peut pas être perçue par nous, puisque,dans les conditions de notre expérience sensible, nous ne rencontrons que de la « matière ».

la notion d' »esprit » ne peut donc faire l'objet que d'une croyance maisd'une croyance légitime.

Elle est au cœur des trois grandes idées métaphysiques auxquelles l'homme a besoin de croire, comme le rappelle Kant : l'idée d'une âmeimmortelle, celle du libre arbitre, et celle de l'existence de Dieu.

Ce besoin de croire trouve sa légitimité dans la présence en nous de la « loi morale », donc dans laconscience que nous avons de notre devoir.

En effet, cette conscience n'aurait aucun sens si nous n'étions pas libres de remplir le devoir auquel elle nous invite.

C'estnotamment ce qui rend légitime la croyance en l'idée d'une âme immatérielle en nous, comme racine de notre libre arbitre.

Rappelons cependant qu'il ne s'agit là quede « postulats », donc d'hypothèses nécessaires d'une point de vue « pratique » mais dont on ne peut déduire aucune réfutation du matérialisme sur le plan théorique.

c) la matérialisme n'est pas nécessairement synonyme de résignation.

En outre, quand bien même tout le confirmerait, le matérialisme n'est pas nécessairement synonyme de « résignation » pour l'homme.

En effet, contrairement à ce queprésuppose le sujet en utilisant le verbe « se résigner », le matérialisme n'est pas forcément désenchantement ou nihilisme, et n'est pas forcément une « philosophie depourceaux » qui ravalerait l'homme au rang de simple animal, sans souci de préoccupations plus dignes de lui et de son esprit.

En effet, de nombreux philosophesmatérialistes ne nient pas que l'homme se distingue par son esprit : ils refusent simplement de voir dans l'esprit quelque chose d'immatériel et montrent, comme le faitLa Mettrie dans l'Homme-Machine, que ce n'est pas le caractère immatériel de l'esprit humain qui fait sa grandeur puisque, même s'il s'avérait n'être fait que de« boue », il n'en serait pas moins admirable.

En outre, une philosophie matérialiste n'est pas forcément incompatible avec des préoccupations « spirituelles », commele montre la philosophie d'Epicure, laquelle accorde une bonne place à la connaissance et à la sagesse, et considère que le contentement de l'âme ( faite d'une matièresubtile ) est au moins aussi nécessaire que celui du corps pour mener une vie heureuse.

Conclusion : Alors, doit-on se résigner au matérialisme ? Même si le réel s'avérait n'être fait que de matière, y compris notre propre « esprit », cela n'entraînerait pas pour autant notre condamnation à une existence« bassement matérielle », vide de sens.

Le matérialisme peut donc être compatible avec la dignité de l'homme et les valeurs humaines.. »

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