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DELEUZE (Gilles)

Publié le 10/03/2019

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DELEUZE (Gilles), philosophe français (Paris 1925). Après avoir publié des études assez classiques sur Hume, Nietzsche, Kant, Bergson ou Spinoza, il aborde des œuvres plus « littéraires » avec, en 1964, un ouvrage sur Marcel Proust et les signes (il y montre que cette dernière notion est plus opératoire que celle de « mémoire » pour approcher le texte proustien) et, en 1967, une « présentation » de Sacher-Masoch. Dans sa Logique du sens (1970), il s'appuie sur des auteurs malaisément classables (L. Carroll, Artaud) pour élaborer un certain nombre de concepts fluctuants (surface et profondeur, « corps sans organes », perversité et schizophrénie) qui lui permettent d'examiner les questions du langage, de l'expressivité et de la signification qui vont être au cœur de sa collaboration avec le psychanalyste dissident Félix Guattari. En 1972, l'Anti-Œdipe scandalise les milieux psychanalytiques par son insistance sur la schizophrénie comme limite de la théorie freudienne et sur la complicité qui unirait cette dernière au capitalisme. Mais l'ouvrage est surtout le premier exemple d'une démarche qui utilise des références multiples : philosophiques, artistiques, littéraires (Beckett, Kafka — auquel sera consacré un ouvrage particulier en 1975 —, Artaud massivement), poétiques, scientifiques, sans préoccupation hiérarchisante et avec l'intention délibérée de montrer que le désir doit être compris non plus comme manque, mais comme machine de production polymorphe. Pour sa part, la littérature devrait être conforme au désir et à la

 

schizophrénie : « un processus et non pas un but, une production et non pas une expression ». D'où le clivage opérable dans son histoire, qui oppose les partisans d'un surmoi prudent (Goethe, Schiller, Breton) aux aventuriers et explorateurs authentiques du désir sans contrôle (respectivement Artaud, Lenz, Hôlderlin). Bien entendu, les premiers finissent par avoir « raison » relativement à l'ordre social : « La forme œdipienne de la littérature est sa forme marchande. »

 

Deleuze et Guattari en viennent, dans Mille Plateaux (1980), qui constitue la suite de l'Anti-Œdipe, à concevoir trois sortes de livres, leur préférence allant évidemment à la dernière, dont leur propre travail constitue une illustration : au « livre-racine », qui obéit à la loi de la réflexion introduisant une différence originelle entre le livre et la nature, et dont la formule serait « un se divise en deux », a historiquement succédé le « livre-radicelle » — écriture éclatée et privée de centre apparent (cut-up de Burroughs), vocabulaire inouï (Joyce) semblent d'abord y laisser place à la multiplicité. Mais de telles tentatives sont mystificatrices en ce qu'elles restaurent ailleurs une autre unité (dans un au-delà des fragments utilisés par Burroughs ou dans la totalité du texte et du savoir joycien). Il est donc temps de faire succéder à ces modèles totalitaires un « livre-rhizome », capable de connecter n'importe quel point (événement, fait historique, concept, sentiment, groupe, fiction) avec n'importe quel autre : « Le livre, agencement avec le dehors, contre le livre-image du monde. » Si dès lors, « la seule question quand on écrit, c'est de savoir sur quelle autre machine la machine littéraire peut être branchée, et doit être branchée pour fonctionner », les réussites de cette nouvelle littérature semblent, de l'aveu même de Deleuze et Guattari, rares. Une exception toutefois : le « livre vraiment nomade » de Joëlle de La Casinière, Absolument nécessaire.

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