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Désirer autrui est-ce attenter à sa liberté ?

Publié le 23/08/2005

Extrait du document

II. Le désir peut s'ouvrir à l'altérité en s'inscrivant dans la dynamique de l'amour. Il se donne alors la possibilité de respecter la liberté de l'autre               Concevoir le désir de l'autre comme simple pulsion de consommation, c'est manquer le fait que le désir peut parfois nous ouvrir à une réalité qui nous dépasse. Or le propre du désir est bien d'ouvrir le sujet sur l'extérieur, parce qu'il ne vise pas la possession de tel objet particulier, mais l'ouverture en tant que telle. C'est ce que Platon  exprime dans Le Banquet par la voix de Diotime. En expliquant à Socrate ce qu'est l'amour, Diotime explique du même coup ce qu'est le désir. L'amour dit Diotime, doit s'éduquer. On commence par aimer les beaux corps, puis les belles activités, puis les âmes des gens qui pratiquent ces activités, puis le Beau en lui-même. Aimer c'est donc non pas aimer telle chose particulière, mais ce qui est aimable en soi. Or ce qui est aimable en soi, Diotime le décrit comme un océan de beauté.

Le désir se définit comme un mouvement qui nous porte vers un objet que l’on se représente comme une source de satisfaction. De plus, à l’inverse de l’amour, qui peut être totalement chaste (l’amour d’un parent pour son enfant par exemple, ou d’un frère pour sa sœur) le désir comporte intrinsèquement une dimension charnelle. Dès lors, le mouvement qui porter vers un objet parce qu’il peut satisfaire le désir comporte une dimension de consommation, et désirer autrui peut alors signifier le réduire à l’état de chose. Ce risque est d’autant plus grand que le désir peut se déclencher sur un fond d’égoïsme où l’objet désiré n’est appréhendé qu’en tant qu’il peut satisfaire le sujet désirant. On peut même se demander si le désir vise véritablement une personne ou une chose extérieure, et s’il ne consiste pas en la simple extinction d’une excitation interne au sujet. Pourtant cette conception du désir suppose que là où il y a appréhension de l’autre en tant qu’objet de satisfaction il ne peut pas y avoir reconnaissance de son altérité et de sa liberté. Or il se pourrait qu’un désir parvenu à sa pleine maturité soit justement celui qui peut à la fois désirer l’autre partiellement en tant que chose (que simple objet de satisfaction), mais sans jamais perdre de vue qu’il est aussi un sujet libre auquel le respect est dû.

« II.

Le désir peut s'ouvrir à l'altérité en s'inscrivant dans la dynamique de l'amour.

Il se donne alors lapossibilité de respecter la liberté de l'autre Concevoir le désir de l'autre comme simple pulsion de consommation, c'est manquer le fait que le désir peutparfois nous ouvrir à une réalité qui nous dépasse.

Or le propre du désir est bien d'ouvrir le sujet sur l'extérieur,parce qu'il ne vise pas la possession de tel objet particulier, mais l'ouverture en tant que telle.

C'est ce que Platon exprime dans Le Banquet par la voix de Diotime.

En expliquant à Socrate ce qu'est l'amour, Diotime explique du même coup ce qu'est le désir.

L'amour dit Diotime, doit s'éduquer.

On commence par aimer les beaux corps, puis lesbelles activités, puis les âmes des gens qui pratiquent ces activités, puis le Beau en lui-même.

Aimer c'est donc nonpas aimer telle chose particulière, mais ce qui est aimable en soi.

Or ce qui est aimable en soi, Diotime le décritcomme un océan de beauté.

Parler d'un océan de beauté, c'est parler d'un objet qui ne se laisse pas circonscrire,parce qu'il dépasse ce que l'homme peut s'approprier (on peut attraper quelques décilitres d'eau dans un verre, pasl'océan).

Le désir est au fond la dynamique même de l'amour, il vise non pas un objet particulier, mais l'ouverture àune réalité qui me dépasse.

Cette réalité que Platon décrit comme le Beau en soi, peut être aussi autrui, car autruine peut justement pas être saisi comme une chose.

Dans ce sens le désir, lorsqu'il est éduqué, peut nous disposer àrespecter les autres dans leur altérité radicale, et donc dans leur liberté. Diotime : « Celui qu'on aura guidé jusqu'ici sur le chemin de l'amour, après avoir contemplé les belles choses dansune gradation régulière, arrivant au terme suprême, verra soudain une beauté d'une nature merveilleuse, beautééternelle, qui ne connaît ni la naissance ni la mort, qui ne souffre ni accroissement ni diminution, beauté qui n'estpoint belle par un côté, laide par un autre, belle en un temps, laide en un autre, belle sous un rapport, laide sous unautre, belle en tel lieu, laide en tel autre, belle pour ceux-ci, laide pour ceux-là ; beauté qui ne se présentera pas àses yeux comme un visage, ni comme des mains, ni comme une forme corporelle, ni comme un raisonnement, nicomme une science, [...] la vraie voie de l'amour, qu'on s'y engage de soi-même ou qu'on s'y laisse conduire, c'estde partir des beautés sensibles et de monter sans cesse vers cette beauté surnaturelle en passant comme paréchelons d'un beau corps à deux, de deux à tous, puis des beaux corps aux belles actions, puis des belles actionsaux belles sciences, pour aboutir des sciences à cette science qui n'est autre chose que la science de la beautéabsolue et pour connaître enfin le beau tel qu'il est en soi.

» Platon, Le Banquet, trad.

E.

Chambry, Flammarion Cet extrait du Banquet de Platon s'ouvre sur le discours de Diotime, prêtresse (sans doute imaginaire) de Mantinée,qui doit révéler à Socrate les mystères de l'amour.

Le terme « mystère » doit d'ailleurs être pris ici au sens fort carcette scène évoque ce genre d'initiation que les Grecs connaissaient, comme dans les mystères d'Éleusis parexemple, où les initiés parvenaient finalement à une ultime révélation et contemplation mystique après toute unesérie d'étapes préparatoires.

Toutefois, malgré le parallèle sur lequel joue Platon dans cette scène, il ne s'agit pas icid'une révélation mystique mais d'un mouvement graduel et philosophique (ou « dialectique ») vers l'Idée du Beau,dans toute sa pureté.

Ce mouvement doit nous révéler qu'à son stade ultime, l'amour aboutit à la contemplation decette Idée.

L'amoureux est, en définitive, toujours amoureux du Beau absolu, à travers l'attraction qu'il éprouve pourses incarnations sensibles, que ce soit la beauté des corps, des âmes ou des connaissances, et où il ne perçoitencore que confusément la splendeur de l'Idée qui se révèle dans tout son éclat hors de toute participation à lamatière.

Ces derniers exemples forment d'ailleurs les degrés successifs qui nous rapprochent progressivement del'Idée pure : « la vraie voie de l'amour [...] c'est de partir des beautés sensibles et de monter sans cesse vers cettebeauté surnaturelle en passant comme par échelons d'un beau corps à deux, de deux à tous, puis des beaux corpsaux belles actions, puis des belles actions aux belles sciences ».

L'amoureux qui atteindra cette Idée est donc celuiqui s'affranchira graduellement de sa participation à la singularité des corps sensibles et l'embrassera dans toute sagénéralité, avec à chaque fois plus d'ampleur et à un niveau toujours plus abstrait.

C'est pourquoi l'amour des bellessciences, qui vient après celui des beaux corps est un progrès vers la connaissance de l'Idée, puisque les sciencessont intelligibles et moins incarnées dans la matière que les corps.Le dernier degré de l'amour, celui que peut atteindre par exemple le philosophe, amoureux du Bien et du Beau,puisque son titre signifie précisément « amoureux de la sagesse », est celui où l'on pourra enfin contempler le Beaudans toute sa pureté intelligible.

Cette dernière expression signifie que cette contemplation se fera non pas avecl'oeil mais avec l'esprit ou, comme l'écrivait Platon, avec l'intelligence ou « oeil de l'esprit ».

Il contemplera alors uneréalité qui ne possède aucun des caractères de la matière sensible, une « beauté qui ne se présentera pas à sesyeux comme un visage, ni comme des mains, ni comme une forme corporelle ».

Elle ne se présentera pas même «comme un raisonnement, ni comme une science », lesquels, malgré leur abstraction, restent encore trop pris dans ledomaine du sensible auquel ils se réfèrent.

Cette beauté, purement intelligible, nous permet enfin de sortir de larelativité des jugements que ses incarnations sensibles suscitaient auparavant.

Alors que la beauté des corps esttoujours relative à ce à quoi on la compare, comme l'avait montré le dialogue de Platon intitulé Hippias (la beautéd'un humain est relative à celle d'autres humains et inférieure à celle d'une déesse), il se trouve aussi toujours despersonnes pour affirmer laid ce qu'une autre trouvera beau.

Or, la beauté intelligible échappe à cette relativité carelle n'est pas matérielle : « beauté qui n'est point belle par un côté, laide par un autre, belle en un temps, laide enun autre, belle sous un rapport, laide sous un autre, belle en tel lieu, laide en tel autre, belle pour ceux-ci, laide pourceux-là ».

On dira alors qu'elle n'est pas relative mais absolue. III.

Dans le désir, l'autre peut être désiré à la fois comme une chose et comme un sujet, et dans ce sens. »

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