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Dignité et destinée de l'homme ?

Publié le 02/01/2004

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Mais dans cette perspective, - comme d'ailleurs dans celle de  Marx -, s'il y a une destinée de l'espèce humaine en est-il une de la personne humaine? Teilhard en est persuadé par sa foi chrétienne, mais la croyance en la destinée et en l'immortalité de la personne peut-elle être suggérée par la simple philosophie à partir de l'expérience et de la raison?D'abord reconnaissons que ce désir d'immortalité n'est pas une exigence purement égoïste dont nous aurions à rougir. Certains nous disent que la personne individuelle doit allégrement se sacrifier à l'Humanité qui seule compterait. Mais l'Humanité ne vit précisément que dans la conscience de chaque personne;en dehors d'elle, elle n'est qu'une abstraction. Dans une polémique célèbre, Brunschvicg répondait dédaigneusement à Gabriel Marcel, défenseur de l'immortalité de la personne : «Je crois bien que l'immortalité de M. Gabriel Marcel intéresse beaucoup plus M. Gabriel Marcel que l'immortalité de M. Brunschvicg n'intéresse M. Brunschvicg.

« le cours de la providence, mais il nous est demandé de «transformer le monde» pour en faire un séjour digne del'homme.Cependant l'attitude marxiste conserve quelque chose — en le transposant — de l'optimisme religieux.

Il y a làl'espoir et l'attente d'une réconciliation de l'homme avec lui-même et avec la nature.

Tandis que pour un Camus,pour un Malraux, il subsiste toujours un divorce douloureux entre les exigences de l'esprit, du coeur humain et lesréalités tragiques et absurdes de l'histoire, chez Marx, l'annonce d'une bienheureuse société sans classes estprésentée comme une prévision scientifique objective.

Les contradictions du capitalisme engendreront la révolutionprolétarienne et la société communiste «avec la fatalité qui préside aux métamorphoses de la nature ».

Certes larévolution est l'oeuvre de la liberté humaine, mais elle est inscrite dans les nécessités de l'histoire car «l'humanité nese pose que les problèmes qu'elle peut résoudre».N'oublions pas que Marx est le disciple de Hegel.

Pour ce philosophe, le devenir n'est que l'Odyssée de l'Esprit qui sedéveloppe et se réalise par étapes successives pour parvenir à la pleine possession, à la pleine conscience de lui-même.

Chaque peuple, chaque civilisation ont en quelque sorte pour mission de réaliser une étape de ce progrès del'esprit, l'Esprit ne se révélant dans sa pureté qu'au terme de l'histoire'.

Certes, Marx critique l'idéalisme hégélien :pour Marx ce n'est pas l'idée qui dès le début se fait nature et anime l'histoire mais, tout au contraire, laconscience, les idées sont un produit tardif de la matière en mouvement.

Il n'en reste pas moins que Marx commeHegel croit au Progrès.

Marx ne s'inscrit pas en faux contre le maître-mot du panthéisme hégélien : «Tout ce qui estréel est rationnel, tout ce qui est rationnel est réel.» Ce qui estrationnel estréel et ce quiest réel estrationnel.(Principes de laphilosophie dudroit) Cette phrase a donné lieu à biendes débats.

S'agit-il d'unejustification de l'ordre établi et duréel ? En réalité, Hegel lui-mêmesouligne que la phrase peut aussisignifier que tout ce qui estrationnel doit être.

Il s'agit surtoutde dire que la philosophie estcompréhension du réel et non la"construction d'un au-delà quiserait (...) dans l'erreur d'unefaçon de raisonner partielle etvide." Le devenir est dialectique, c'est-à-dire qu'il avance par contradictionssurmontées.

Cette logique dialectique, qui va de la thèse à l'antithèse et à lasynthèse, est commune au devenir réel et à la pensée humaine.

Ici il n'y aplus de conflit entre la raison et un monde absurde.

L'esprit est réconciliéavec le devenir, et les soubresauts de l'histoire engendreront, en définitive, un monde à la mesure de l'homme.

Onpeut donc parler, dans la perspective marxiste, d'une destinée de l'homme, car l'histoire a un sens, elle prépare àl'humanité des «lendemains qui chantent».

Et l'avenir de la «société sans classe» joue le même rôle, dans laphilosophie marxiste, que «l'au-delà» dans les croyances spiritualistes. 3° Si la philosophie de l'histoire apparaît comme une théologie déguisée, de nos jours la théologie chrétienne seprésente volontiers, à son tour, comme une philosophie de l'histoire.

Et tout d'abord les théologiens modernes neveulent voir aucune incompatibilité entre la perspective religieuse et les exigences d'un humanisme constructif.

Onrappelle sans cesse le texte de la Genèse selon lequel l'homme a été mis par Dieu sur la terre pour la travailler, pourla dominer complètement.

Ainsi l'aventure technicienne de l'homme, bien loin d'apparaître comme une révolte impiecontre la Providence, est véritablement obéissance aux volontés du Seigneur.

Les succès de la science moderneseront donc, eux aussi, portés à l'actif de la vie spirituelle du chrétien.

La théorie de l'Évolution aujourd'huiincontestée (depuis juillet 1950, l'Encyclique «Humani generis» autorise les catholiques à soutenir la thèsetransformiste) ne nous permet-elle pas de mieux pénétrer le mécanisme de l'oeuvre divine? Chez un grand savantcomme Teilhard de Chardin les données de l'évolution constituent une véritable propédeutique à une philosophiechrétienne de l'histoire et nous préparent à saisir les enseignements de la foi sur la destinée humaine.

Car Teilhardentend tout d'abord considérer l'Évolution telle qu'elle est, et avant toute interprétation philosophique etthéologique examiner ce qui est vraiment donné, ce qui apparaît incontestablement dans l'expérience : avant toutehypothèse sur l'homme, il part du «phénomène humain».

Or le phénomène humain apparaît comme le résultat d'uneimmense histoire orientée.

La matière, minérale, puis végétale, puis animale a pris successivement des formes deplus en plus complexes, de plus en plus improbables (physiquement).

Au cours de l'évolution des espèces animales,«de nappe en nappe, par sautes massives le système nerveux va constamment se développant, se diversifiant».L'émergence de la conscience est au bout de ce processus.

Ainsi c'est l'examen positif des faits qui nous montreque «l'univers s'arrange en une seule grande série...

clairement orientée et montante depuis l'atome le plus simplejusqu'aux vivants les plus élevés ».

Cette évolution se poursuit au cours de l'histoire humaine.

L'homme n'est pasachevé.

Il a encore des progrès à faire pour achever son «hominisation», rejoindre son Créateur.

Car l'évolutionn'est pas autre chose que le vrai visage de la Création.. »

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